Succès des nationalistes en Corse : Gilles Simeoni a su "incarner un renouveau"
André Fazi, maître de conférences en sciences politiques, a analysé, lundi sur franceinfo, la décomposition des forces politiques en Corse alors que les nationalistes sont sortis largement en tête lors du premier tour des élections territoriales.
Gilles Simeoni "a su incarner un renouveau. Il a un style qui apparaît plus moderne et plus dynamique", a expliqué, lundi 4 décembre sur franceinfo, André Fazi, maître de conférences en sciences politiques à l’université de Corse, alors que la coalition nationaliste de Gilles Simeoni et de Jean-Guy Talamoni est arrivée largement en tête, dimanche, au premier tour des élections territoriales en Corse avec 45,36% des voix.
franceinfo : Comment expliquez-vous ce résultat en Corse ?
André Fazi : On a assisté, depuis au moins deux ans, à un certain délitement des forces politiques traditionnellement au pouvoir. Il y avait une structure politique traditionnelle en Corse qui était la famille ainsi que le réseau des élus municipaux et départementaux. Manifestement, elles sont supplantées aujourd'hui par le parti militant, une organisation moderne, celle des nationalistes. Ils comptent des milliers de militants et sympathisants très actifs et très mobilisés par un leader qui manie très bien la communication de masse et les réseaux sociaux. Cela donne une progression quasiment ininterrompue.
La participation n'est que de 52,17%. Comment l'expliquez-vous ?
La participation est finalement ce qui était le plus facile à prédire. La dernière fois nous étions à 59%. Si vous considérez que la gauche non communiste n'était pas présente, qu'il y a une lassitude des électeurs extrêmement importante depuis les primaires de la droite en novembre dernier, je pense que six points de moins de participation c'est tout à fait prévisible.
Est-ce qu'il y a une réelle adhésion des Corses au programme des nationalistes ?
Il est certain que l'épouvantail indépendantiste ne fait pas vraiment peur. Il est certain que des Corses, qui ne se sentent pas vraiment nationalistes, votent nationaliste parce qu'ils préfèrent le style qui apparaît plus moderne et plus dynamique de Gilles Simeoni à celui des personnes qui ont dirigé la Corse jusqu'à présent. Oui, la cessation de la violence depuis trois ans a évidemment fait beaucoup pour rassembler les deux familles nationalistes. Et aussi pour permettre de séduire des électeurs très modérés qui ne partagent pas toutes les idées nationalistes, loin de là.
Gilles Simeoni incarne-t-il un renouveau ?
Il a su incarner un renouveau. En tout cas, le changement politique fait partie des grandes ambitions du mouvement régionaliste, puis autonomiste, puis nationaliste depuis les années 1960. Pendant longtemps leurs résultats électoraux ont été chaotiques. Leur progression commence véritablement à partir de 2010, peut-être parce que des générations plus jeunes, plus individualistes, plus urbaines, plus attirées par des idées d'environnement, d'autonomie individuelle, se sont laissées convaincre par le propos nationaliste. Et notamment le propos nationaliste modéré de Gilles Simeoni.
À quoi pourrait ressembler une Corse autonome ?
Il y a des territoires français qui ne sont pas gigantesques comme Saint-Martin et Saint-Barthélemy qui sont, d'après la Constitution française, dotés d'une autonomie. Ils ont le pouvoir d'établir les règles en matière de fiscalité, d'urbanisme, de logement. Cela existe donc en France, y compris pour des territoires qui sont bien plus petits que la Corse. La Corse est bien plus proche du continent. L'exigence unitaire se trouve donc un petit peu renforcée, mais ce n'est pas quelque chose qui est inconcevable.
Le gouvernement pourrait-il ouvrir des discussions à ce sujet ?
Je pense être certain qu'il n'en a pas envie. C'est normal, car la Corse est un sujet très polémique. Les fondements unitaires de la République française sont en question à travers cette idée d'autonomie, à travers ce partage du pouvoir législatif qui est induit par l'idée d'autonomie. Il n'est pas certain non plus que le gouvernement puisse trouver une majorité des 3/5 au Parlement pour faire adopter la révision de la Constitution, qui serait indispensable à la consécration d'un statut d'autonomie pour la Corse. Pour autant, s'il restait totalement sourd, devant ces résultats électoraux totalement inédits, il est certain que cela susciterait des réactions très négatives en Corse.
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