Eric Woerth affirme ne pas avoir donné "son aval" au remboursement de 30 millions à Liliane Bettencourt
L'ancien ministre du Budget et actuel ministre du Travail a démenti vendredi dans un communiqué les informations de Mediapart.
Le site internet, qui cite une source fiscale, affirme que l'héritière de l'Oréal s'est fait rembourser 30 millions d'euros en mars 2008 au titre du bouclier fiscal et que cette opération nécessitait l'aval du ministre.
D'après le site Mediapart, qui cite un fonctionnaire des impôts ayant requis l'anonymat, "les remboursements opérés par l'administration fiscale, lorsqu'ils sont supérieurs à plusieurs millions d'euros, nécessitent l'aval du ministre de tutelle".
Par ailleurs, l'avocat de l'ex-comptable de Liliane Bettencourt affirme que sa cliente retirait de fortes sommes en liquide chaque semaine pour la milliardaire, de l'argent qui "était distribué".
Bouclier fiscal: le démenti de Woerth
"Un ministre du Budget n'intervient en aucun cas dans cette procédure", affirme au contraire le communiqué émanant du ministère du Travail. "Contrairement à ce qui est dit, Eric Woerth, alors ministre du Budget, n'a donc pas 'donné son aval' pour le versement du bouclier fiscal de Madame Bettencourt", selon la même source. "Eric Woerth appelle à la plus grande prudence celles et ceux qui reprennent les allégations totalement à charge d'un site internet et leur demande au minimum de vérifier leur vraisemblance au regard de la loi fiscale", ajoute le communiqué.
Dans un autre communiqué, l'actuel ministre du Budget, François Baroin, précise que, de manière générale, "l'aval du ministre de tutelle n'est pas requis, tant pour le calcul que pour le virement et quel que soit le montant du virement" d'un remboursement au titre du bouclier fiscal. "Cette règle s'applique sans aucune exception à tous les contribuables, contrairement aux allégations diffusées par certains médias", précise le communiqué de François Baroin.
Actuellement ministre du Travail et trésorier de l'UMP, Eric Woerth est accusé par le PS de conflit d'intérêts dans le dossier Liliane Bettencourt. L'héritière de l'Oréal est soupçonnée d'évasion fiscale alors qu'il était ministre du Budget et que sa femme Florence Woerth travaillait pour une société qui gérait la fortune de la milliardaire.
"Florence Woerth était presque à demeure à Genève"
"Depuis 2008", a femme d'Eric Woerth "était presque à demeure à Genève", selon un banquier suisse interrogé vendredi par la Tribune de Genève, revenant sur le feuilleton Bettencourt. "Les langues se délient à Genève", commente le quotidien suisse. D'après le financier interrogé par le journal, "Eric Woerth, durant ces deux dernières années, ne pouvait pas ignorer que sa femme se trouvait très régulièrement à Genève. Et que ce n'était certainement pas pour voir son Jet d'eau!" La Tribune de Genève écrit en Une: "La ministre français y gérait les fonds de la milliardaire. Son mari ne pouvait pas l'ignorer", souligne en Une la Tribune de Genève. Revenant sur les révélations entourant la fortune de Liliane Bettencourt , le journal n'hésite pas à dire qu'un "Genevagate menace Mme Bettencourt et les Woerth", citant le financier "fâché".
"Eric Woerth, qui avait fait de l'évasion fiscale sa priorité, nous a longtemps fustigés comme les ennemis numéro un. (...) Mais savez-vous qu'au même moment, sa femme Florence, l'une des gérantes de fortune de Liliane Bettencourt, était vue très souvent dans le 'family office' de la milliardaire française?", s'emporte l'homme d'affaires.
Réagissant à l'article, l'entourage d'Eric Woerth a estimé que "les banquiers suisses règlent leurs comptes" avec le ministre du Travail: "Ce qui prouve bien que l'action qu'Eric Woerth a menée en matière de lutte contre l'évasion fiscale a largement perturbé des pratiques aussi anciennes que contestables."
Hamon: "1.200 postes d'infirmières sacrifiés"
Pour sa part, Benoît Hamon, porte-parole du PS, a affirmé que le chèque de 30 millions a "sacrifié 1.200 postes d'infirmières en un seul et unique chèque libellé à l'ordre de Mme Bettencourt". Et de renchérir: "On nous objectera qu'elle est donc parfaitement légale" mais cette restitution du fisc démontre "s'il en était encore besoin, l'injustice et l'absurdité du bouclier fiscal", a renchéri Benoît Hamon. Le responsable socialiste pointe également le fait que Liliane Bettencourt "vient en outre de reconnaître avoir caché au fisc plusieurs comptes en Suisse". Pour lui, "cette politique de caste est tout simplement révoltante". Il ajoute: on voit "l'ampleur de la moralisation du capitalisme entreprise par Nicolas Sarkozy".
Liliane Bettencourt et le bouclier fiscal
"Mme Bettencourt est bénéficiaire du bouclier fiscal", a confirmé la porte-parole de la milliardaire, sans confirmer le montant. "Ma cliente m'a confirmé que ce chiffre était exact", a déclaré à l'AFP Antoine Gillot, avocat de Claire T, ex-comptable de Mme Bettencourt qui a cessé de travailler pour elle en novembre 2008.
Par ailleurs, Mediapart affirme, citant des sources concordantes, que "l'héritière n'a été l'objet depuis au moins quinze ans ni d'un 'examen de situation fiscale personnelle' ni d'une 'vérification de comptabilité', susceptible de viser par exemple la holding mise en place pour gérer sa fortune".
Dimanche, François Baroin, interrogé sur Europe 1, avait refusé de dire si Mme Bettencourt avait fait l'objet d'un contrôle fiscal dans un passé proche, au nom du "secret professionnel". Il a simplement rappelé que "les patrimoines de plus de plus de 3 millions d'euros" (...) sont contrôlés tous les trois ans". Le bouclier fiscal revient à plafonner les prélèvements (impôts divers, CSG et CRDS) de tout contribuable à la moitié de ses revenus.
Révélations sur les largesses de Liliane Bettencourt
L'ancienne comptable de Liliane Bettencourt retirait de fortes sommes en liquide pour sa patronne et l'argent "était distribué", a affirmé vendredi sur RMC Me Antoine Gillot, l'avocat de cette trésorière particulière. Claire T., comptable de Liliane Bettencourt pendant 12 ans, "avait un accréditif auprès d'une banque pour retirer chaque semaine des espèces, cet accréditif était de 50.000 euros par semaine et cet argent était distribué", a déclaré Me Gillot, dont la cliente a quitté son poste en novembre 2008.
Claire T. "notait précisément à qui cet argent en espèces était remis" dans des "carnets qui ont été restitués, lorsqu'elle a quitté Mme Bettencourt, à l'un de mes confrères" au service de la milliardaire. Interrogé sur le fait que des hommes politiques ou des partis politiques aient pu recevoir de cet argent liquide, l'avocat a répondu :"Ca fait partie des possibilités."
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