Harcèlement sexuel : "On continue à mettre en cause les victimes"
Tron, DSK... les affaires d'agressions sexuelles médiatisées libèrent-elles la parole? Réponse de l’Association contre les violences faites aux femmes au travail.
Y aura-t-il ou pas procès ? En tout cas, le parquet d'Evry a requis, mercredi 15 mai, un non-lieu pour Georges Tron, mis en examen le 22 juin 2011 pour "viols et agressions sexuelles en réunion et par personne ayant autorité". L'ancien secrétaire d'Etat UMP est accusé par deux anciennes employées municipales de Draveil (Essonne), ville dont il est le maire.
L'affaire, qui attire de nouveau l'attention sur les problèmes de harcèlements et d'agressions sexuels en France, a été rendue publique dans la foulée du scandale DSK à New York. Certains y voient alors le réveil des femmes victimes des hommes. Deux ans plus tard, la justice n'écrit pas la même histoire. Dans ses réquisitions, le parquet revient sur la personnalité contrastée de Georges Tron mais souligne qu'il ne dispose pas d'éléments tangibles pour le condamner.
Francetv info a demandé son éclairage à Marilyn Baldeck, déléguée générale de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), qui s’occupe de l’accompagnement juridique des victimes de harcèlement et d'agression sexuels.
Francetv info : Les affaires de harcèlement très médiatisées, comme celles de Georges Tron ou de DSK, encouragent-elles les femmes à porter plainte ?
Marilyn Baldeck : Je ne suis pas sûre. Prenons l’exemple des affaires de DSK : à part l’opprobre public, il n'a rien perdu au tribunal. Les décisions de justice lui ont été plutôt favorables.
De plus, les victimes ont été mises en cause : on débattait de leur motivation, on les traitait de tous les noms. Dans l’affaire Tron, l’expertise psychologique de deux plaignantes a été largement discutée.
Si l’on constate une hausse de plaintes, c'est plutôt grâce à un travail de sensibilisation du public. Le seuil de tolérance des femmes ne cesse de baisser, elles commencent à considérer ce type de comportement comme intolérable.
Comment définir le harcèlement sexuel ?
Il faut distinguer harcèlement et agression sexuels. L'agression sexuelle est un acte de violence, qui comprend les attouchements sur les parties sexuelles du corps. En revanche, le harcèlement sexuel se limite à des propos et des avances à caractère sexuel. Ou bien encore à des attouchements sur les parties non-intimes du corps, comme les mains, le dos, les cheveux ou le visage. Il peut s’agir également de questions ou de confidences intimes, de gestes ayant une connotation sexuelle ou d'une présentation non-sollicitée d'images pornographiques.
Quel est le moment le plus difficile pour les victimes qui décident de porter plainte ?
Paradoxalement, la confrontation avec l’agresseur n’est pas ce qui effraie le plus les femmes. Certes, le moment est stressant. Mais de nombreuses victimes se disent soulagées de pouvoir se confronter à leur harceleur et de raconter ce qu'elles ont subi, dans un cadre sécurisé. La longueur de la procédure pèse sur leur morale, bien sûr : les procès durent plusieurs années.
Cependant, les femmes souffrent surtout de l'incompréhension de leur entourage. Il faut dire que, en ces temps de crise, les femmes, comme tout le monde d'ailleurs, ont besoin de sauvegarder leur emploi. Or, 90% de celles qui portent plainte pour harcèlement sexuel dans un cadre professionnel perdent leur emploi. Il n'est donc pas facile de franchir le pas. Cela prend du temps.
Très souvent, les maris ou les parents se demandent pourquoi elles n'ont pas dénoncé plus tôt celui qui les harcèle. Si cela a duré si longtemps, n'y a-t-il pas eu de complicité de la victime ?, s'interrogent certains. De même, si une femme ne pleure pas au tribunal, on dit qu'elle n'a pas un comportement de victime. Bref, quoi que les victimes de violences sexuelles fassent, leur comportement suscite toujours des critiques.
Une femme qui porte plainte risque-t-elle d'être accusée de dénonciation calomnieuse si le suspect n'est pas condamné ?
Jusqu’en 2010, lorsque le présumé agresseur était relaxé, même au bénéfice du doute, il pouvait obtenir automatiquement la condamnation de la victime présumée pour dénonciation calomnieuse. Cela était très pénalisant car d'une part, il était difficile pour les victimes de prouver le harcèlement, et de l’autre, elles pouvaient vite se retrouver accusées d’un délit de calomnie.
A la suite d'une de nos actions et d'une plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a condamné la France, une nouvelle loi a été créée. Aujourd’hui, rien ne peut empêcher une personne de porter plainte pour la dénonciation calomnieuse. Mais, comme les condamnations sont rares, les plaintes se font moins fréquentes aussi.
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