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Avec le général Piquemal, l'extrême droite s'est trouvé une icône quatre étoiles

Arrêté samedi lors d'une manifestation co-organisée par le mouvement islamophobe Pegida, cet ancien commandant de la Légion étrangère est devenu un symbole sur les reseaux sociaux d'extrême droite.

Article rédigé par Louis San, Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le général Christian Piquemal pendant une manifestation anti-migrants à Calais (Pas-de-Calais), le 6 février 2016. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

"Ils arrêtent le général ! Ils arrêtent le général !" Alors que les CRS encerclent le général Christian Piquemal, un homme hurle pour alerter la centaine de manifestants anti-migrants, réunis samedi 6 février à Calais (Pas-de-Calais). Malgré l'interdiction, le général Piquemal et le mouvement islamophobe Pegida ont maintenu leur rassemblement. Après plusieurs sommations de la part des gendarmes, le vétéran est interpellé manu militari sous les huées.

Au total, une vingtaine de personnes sont arrêtées. Cinq d'entre elles, dont le général Piquemal, devaient être jugées, lundi 8 février, en comparution immédiate au tribunal de Boulogne-sur-Mer. Des peines allant jusqu'à trois mois de prison ferme ont été prononcées pour deux d'entre eux. Le jugement du général Piquemal a, quant à lui, été reporté au 12 mai. Souffrant de déshydratation et des froides températures lors de ses deux jours passés en cellule, le septuagénaire a été hospitalisé, a affirmé son avocat Hervé Krych.

Un "patriote" contre "la gangrène"

Pour un homme de 75 ans, Christian Piquemal semble pourtant en bonne forme. "Un bon gaillard", selon les mots de son avocat. Cheveux ras et regard dur, le septuagénaire avait pris la parole, quelques heures avant son arrestation, devant une soixantaine de "patriotes" réunis dans une petite salle des fêtes.

Sur l'estrade, il s'en était pris aux "musulmanes et polygames", fustigeant "la gangrène" qui a "commencé avec le rapprochement familial". "Soyez notre leader", avaient lancé alors plusieurs hommes.

"Un chef pour tous les vrais militaires comme nous"

L'arrestation a immédiatement mis le feu aux poudres sur internet. En trois jours, les réseaux d'extrême droite ont érigé le général en symbole de "résistance" face au gouvernement et à la classe politique. La page Facebook créée pour l'occasion a recueilli près de 40 000 soutiens, parmi lesquels de nombreux militaires. 

"Le général Piquemal est un grand homme. Un chef pour tous les vrais militaires, comme nous", explique à francetv info, Pascal, un ancien légionnaire de 43 ans. Il a été sous ses ordres quand Christian Piquemal commandait la Légion étrangère entre 1994 à 1999. "Les gendarmes qui l’ont arrêté sont des traîtres, c’est tout ce que j’ai à dire", s’indigne-t-il avant de couper court à la discussion.

"Ce n’est pas une tête brûlée, explique de son côté l'ancien général Didier Tauzin au site d'extrême droite Boulevard Voltaire. Il a décidé de faire cette action malgré tout, parce que, selon lui, au-dessus de l’illégalité, cette action était légitime. En ce sens, ce qu’il a fait est parfaitement respectable."

Un général quatre étoiles

Dans le corps militaire, le CV de Christian Piquemal a, en effet, de quoi inspirer le respect. Diplômé de l'école militaire de Saint-Cyr, cet homme né en 1940 en Haute-Garonne a commandé de nombreux régiments, notamment au sein des parachutistes. Dans ses jeunes années, il officie en Algérie sous les ordres du général Marcel Bigeard, dont il devient très proche. "Je l'ai servi en tant que lieutenant. Il aurait pu nous emmener n'importe où, avec lui, on se sentait invulnérable, raconte-t-il en 2010 dans un entretien à la revue Item. Il nous fascinait. On ne pouvait que le suivre."

Grande figure de l'armée française, le général Marcel Bigeard a été accusé d'avoir pratiqué la torture pendant la guerre d'Algérie. Il a d'ailleurs donné son nom à l'expression "crevettes Bigeard". Comprendre, dans le jargon militaire, le fait de jeter quelqu'un dans la Méditerranée depuis un hélicoptère, les pieds coulés dans un bloc de ciment.

Très instruit, Christian Piquemal (quatre étoiles) revient sur les bancs de l'université et se forme à l'Ecole des applications militaires de l'énergie atomique, à l'Ecole supérieure de guerre et à Supélec. Dans les années 1990, il est fait officier de la Légion d'honneur et commandeur de l'ordre national du Mérite.

Après le service, la politique

Très active sur les réseaux sociaux, l’extrême droite identitaire ne pouvait trouver une meilleure figure à élever en martyr. "En France, on préfère donc arrêter un général français qu'expulser les immigrés clandestins", fustige sur Twitter Fabrice Robert, le président du Bloc identitaire. De nombreux responsables du Front national et des Républicains ont aussi condamné son arrestation.

Si le général est devenu une icône pour les mouvements d'extrême droite, c'est avant tout parce qu'il partage avec eux un grand nombre de thèses. Après avoir raccroché son béret vert de légionnaire en 2000, Christian Piquemal s'est peu à peu lancé dans la politique. Libéré de son devoir de réserve, ce conseiller au sein de cabinets des Premiers ministres socialistes Michel Rocard (1989-1991), Edith Cresson (1991-1992) et Pierre Bérégovoy (1992), a fondé, en 2015, une association : le Cercle de citoyens patriotes.

Sur son blog, il vitupère "l’abandon de l’identité nationale" due à "une immigration massive de peuplement et de remplacement", reprenant les termes de l'essayiste d'extrême droite Renaud Camus. Autre objet des critiques : "L’affaiblissement du lien entre les armées et la Nation."

La veille de la manifestation, Jean-Philippe Jardin, l'un des organisateurs du rassemblement poussait "un coup de gueule" pour appeler à une plus grande mobilisation. "J'en appelle aux anciens militaires, qui ont servi sous les ordres des généraux comme le général Piquemal. (...) Vous devriez être présents derrière vos généraux", s'indigne-t-il, dans une vidéo publiée sur Facebook

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