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Vidéo Xavier Bertrand propose de laisser les migrants "prendre le ferry" pour "installer un rapport de force" avec Boris Johnson, "irresponsable" répond François Bayrou

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Article rédigé par franceinfo
Radio France

Le candidat à l'investiture LR pour l'élection présidentielle juge "scandaleuse" l'attitude du Royaume-Uni dans la crise des migrants. 

Xavier Bertrand, candidat à la primaire Les Républicains en vue de l'élection présidentielle de 2022, propose lundi 29 novembre sur franceinfo de "laisser" les migrants "prendre le ferry" en direction de la Grande-Bretagne et d'installer un "rapport de force" avec Boris Johnson, alors que le Premier ministre britannique a demandé à Emmanuel Macron de reprendre les migrants arrivés illégalement sur son territoire, quelques jours après la mort de 27 personnes dans la Manche.

"L'attitude de Boris Johnson est scandaleuse. Encore un qui pense qu'on peut s'essuyer les pieds sur un pays comme le nôtre, c'est inacceptable. Il n'y a qu'une seule solution : on s'attaque à la cause du problème et la cause du problème, ce sont les Britanniques. Les Britanniques sont des hypocrites qui, quand il y a des migrants qui passent de leur côté, sont bien contents. Ils les gardent, ils les font travailler, mal, dans de mauvaises conditions, ils les paient mal, mais ils les gardent", juge Xavier Bertrand.

"Boris Johnson va gérer le problème chez lui"

"On va arrêter de voir les migrants prendre des embarcations de fortune, on va les laisser prendre le ferry. C'est 15 euros, ça leur évitera le racket, la rançon des passeurs et ce sera dans d'autres conditions", complète le candidat à l'élection présidentielle. Selon lui, "Boris Johnson va gérer le problème chez lui, il va arrêter de nous faire la leçon et il va changer ses règles d'immigration. Aujourd'hui, il demande à la France de réguler l'immigration illégale. Je ne veux plus ces drames et je ne veux plus que les habitants du littoral soient pénalisés." Pour Xavier Bertrand, "depuis maintenant 20 ans ils vivent une situation dramatique. Les migrants sont dans une situation dramatique et il y a aussi les habitants du littoral. Si vous ne faites pas ça, jamais l'Angleterre ne changera d'attitude."

Il est également revenu sur la décision du ministre de l'Intérieur d'envoyer un avion de Frontex survoler la zone pour éviter de nouveaux drames. "Le 26 mai dernier, avec des élus, on disait qu'on allait connaître des drames, on demandait l'intervention de Frontex, et c'est en novembre que le gouvernement décide de mettre un avion pour survoler 190 km de côte du littoral des Hauts-de-France, comme s'il allait pouvoir réussir", explique-t-il. "Il faut toujours qu'il y ait un drame pour qu'il y ait de l'émotion médiatique, pour qu'il y ait une réaction politique. Il y a cette incapacité à anticiper. On parle des migrants, on donne des chiffres, mais ce sont des hommes et des femmes qui sont dans la plus totale misère, qui sont exploités par des passeurs, des criminels."

"Je n'hésiterai pas à renvoyer aussi les membres de la "Border Force", les garde-frontières britanniques, et c'est à Douvres qu'ils devront gérer le problème."

Xavier Bertrand

à franceinfo

Il dénonce les accords du Touquet qui ont placé la frontière britannique du côté français et affirme, "dès le 26 avril prochain, je dénoncerai ces accords". Selon lui cela aura pour effet que "Boris Johnson va changer ses règles sur l'immigration." 

Il n'y a selon Xavier Bertrand "que ce rapport de force qu'il peut comprendre. On peut faire toutes les réunions du monde en disant qu'on va améliorer ce qui ne marche pas aujourd'hui, ça ne nous garantit pas qu'il n'y aura plus de drame, ça ne nous garantit pas que la population du Calaisis et de tout le littoral va connaître à nouveau la paix." 

Néanmoins il affirme que "ça se règlera aussi loin de Calais, aux frontières de l'Europe et dans les pays d'émigration. Si nous n'investissons pas massivement dans le développement d'un grand nombre de pays africains, nous ne réussirons jamais à enrayer ce choc migratoire parce qu'il faut leur permettre de se développer et de connaître aussi la prospérité et la paix chez eux."

Une idée "irresponsable" pour François Bayrou

Des propos qui ont fait réagir François Bayrou, invité de franceinfo lundi 29 novembre. "L'idée de Xavier Bertrand est irresponsable", a déclaré le Haut-commissaire au Plan, président du MoDem et maire de Pau, lundi 29 novembre sur franceinfo.

"Si vous dites [aux migrants] 'vous pouvez passer librement sur notre territoire pour gagner le pays voisin', imaginez ce que ça fait comme anarchie entre les pays européens", a asséné François Bayrou, rappelant qu'"on a [déjà] eu ça avec la Turquie". En mars 2020, pour tenter d'obtenir le soutien des Occidentaux dans son conflit avec la Syrie, Ankara avait ouvert ses frontières avec l'Europe aux migrants sur son territoire.

"Vous voyez, dans les campagnes électorales, il y a des moments où ça dérape complètement", a asséné le président du MoDem. Quant aux accords du Touquet, "c'est le camp de Xavier Bertrand" qui les "a signés", a-t-il souligné, rappelant que lorsqu'ils ont été conclus, en 2003, Jacques Chirac était à la tête du pays. S'il accède à l'Élysée, le candidat à la primaire Les Républicains en vue de l'élection présidentielle de 2022 souhaite dénoncer ces accords, qui placent la frontière britannique du côté français.

"Un peu de sérieux" selon Clément Beaune

"Regardons toutes les options, nous le ferons, mais un peu de sérieux car on ne joue pas avec les vies humaines dans le but de créer des rapports de force", a réagi de son côté Clément Beaune, secrétaire d'État aux Affaires européennes lundi 29 novembre sur France Inter. "On parle de vies humaines, de destins", a-t-il insisté Clément Beaune. "Que va-t-il se passer si tout le monde peut monter sur le ferry ? Cela va attirer plus de monde et les filières de passeurs qui sont malheureusement cyniques et très organisées vont faire venir encore plus de migrants à Calais, à Dunkerque et à Grande-Synthe", selon lui.



"Les Britanniques savent très bien que sans négociation avec la France, ils n'y arriveront pas", juge Clément Beaune. Le secrétaire d'État aux Affaires européennes a rappelé "qu'en principe la relation avec le Royaume-Uni est bonne". "Cela ne mérite pas cette agitation, ce discours anti-français et anti-européen obsédant et obsessionnel chez les Britanniques depuis le Brexit et qui est ridicule car il ne correspond pas à la réalité", a-t-il poursuivi, considérant qu'il s'agit d'une façon "de cacher les difficultés intérieures britanniques". "C'est un discours dangereux et irresponsable", a conclu le secrétaire d'État, estimant qu'il n'y a "pas de solution facile mais une coopération nécessaire".

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