: Reportage Inondations dans le Pas-de-Calais : face au coup de froid, les sinistrés misent sur le chauffage pour éviter "que les murs se fissurent"
Aux environs d'Arques (Pas-de-Calais), quelques flaques gelées témoignent de la chute des températures, lundi 8 janvier. Durement touchée par les inondations, la commune se prépare désormais à grelotter pendant que les habitants poursuivent le grand nettoyage des rues. Météo-France prévoit des températures négatives ces jours-ci, notamment - 5°C mercredi, et le département reste en viligance orange aux crues. De quoi entamer un peu plus le moral des sinistrés qui s'emploient à terminer de pomper l'eau dans les sous-sols. "Il faut la retirer dans tous les tuyaux dont on s'est servi pour vidanger", explique un habitant, affairé devant deux tubes. Si on ne retire pas l'eau, ça gèle et les tuyaux sont foutus."
Alors qu'elle était encore inondée samedi, la place Roger-Salengro, qui abrite la mairie, a retrouvé une apparence presque normale. Mais dans les rues les plus touchées, de nombreux particuliers et commerçants ont dit adieu à leur chaudière, au cœur de l'hiver. Au Cristal, un café qui donne sur la place, la chaudière a rendu l'âme dans la cave. Un souffleur d'air chaud tente de réchauffer l'atmosphère mais la patronne, Valérie Harlé, n'est guère rassurée : "J'ai mis trois couches ce matin..." Elle sert des cafés à la chaîne pour ses clients fidèles, mais "déteste travailler dans le froid".
Dans la rue Gambetta encore encombrée de sacs de sable, Françoise Clairet brave le thermomètre. A l'intérieur de sa maison, un poêle à gaz gît sur le carrelage, après avoir été entièrement désossé. "Vous savez, tous mes souvenirs sont partis. Mais c'est vrai que j'aimais bien ce feu, il marchait très bien", regrette-t-elle.
"On fait gaffe aux murs et on chauffe"
La première semaine de janvier, l'eau est montée jusqu'à 1,50 m, contre 1,20 m en novembre. Avec l'aide de son beau-frère, qui l'héberge provisoirement, cette Arquoise va tenter de le sauver en curant les petits trous du brûleur. Le poêle de la salle de bains, en revanche, est irrécupérable. L'assurance lui a fourni un petit canon à air chaud électrique qui tourne à plein régime dans la pièce à vivre. Deux déshumidificateurs absorbent aussi l'humidité et un ventilateur fait circuler l'air.
Mais il est impossible de vivre ici, sans gaz, alors que les murs sont encore à vif depuis les précédentes crues de fin novembre. Dans un froid glacial, l'humidité est difficilement supportable. "J'ai fini de vider la cave, mais ça suinte encore, et ça remonte", ajoute Françoise Clairet, car la Basse Meldyck, le cours d'eau local, coule tout près de la rue Gambetta. A la fin de la journée, en partant, cette habitante laisse tourner son petit chauffage toute la nuit pour tenter d'assainir les lieux.
Un peu plus loin dans la rue, Jean-Luc Gay venait juste de retrouver sa maison, depuis une semaine. Marqué par la nouvelle crue, il a toutefois eu la chance de conserver son chauffage au gaz, qu'il laisse au-dessus de 17°C, pour "réchauffer les pièces et les murs". Avant le coup de froid annoncé dans le secteur, il cherche désormais à éviter que "le gel ne fasse éclater les tuyaux".
Même chose pour Quentin Loison, un habitant de la rue Henri-Puype en plein nettoyage. Cet Arquois, qui a été relogé, alimente toujours son poêle à bois. "Si le carrelage saute, on s'en fout. Et vu qu'on est actifs, il fait presque un peu chaud, explique-t-il. En fait, si on chauffe, c'est surtout parce qu'on fait gaffe aux murs, pour ne pas qu'ils se fissurent." D'autant qu'ils sont composés de briques.
La plupart des sinistrés ont dû quitter la rue. Les seuls qui ne l'ont pas fait sont ceux qui peuvent encore se chauffer. "Heureusement, mon propriétaire avait mis la chaudière à condensation en hauteur, dans la véranda", explique une habitante qui se débarrasse de quelques débris charriés par les eaux. Sans cela, elle aurait été contrainte de partir.
Patrick Coulombel, cofondateur de l'ONG Architectes de l'urgence, a déjà rendu visite à plusieurs dizaines de maisons après l'épisode de novembre. La baisse des températures est à prendre en compte pour les canalisations, qui "peuvent geler avec des cassures" en l'absence de chauffage. Encore faut-il que les températures chutent brusquement. "Pour que ça commence à péter, il faut vraiment qu'il fasse - 5°C à l'intérieur, et donc - 10°C dehors. Maintenir 2 à 3°C dans la maison suffit".
Les fondations des habitations en question
Afin d'éviter toute mauvaise surprise, Patrick Coulombel conseille tout de même de purger les canalisations : "On coupe la vanne d'arrivée d'eau et on ouvre les robinets partout." Idem pour les systèmes de chauffage, même si l'opération est un peu plus complexe.
C'est également le conseil du maire Benoît Roussel, pour toutes les maisons non chauffées et non habitées. "On sait qu'il y avait des fissures sur certaines chapes et du coup elles s'agrandissent avec le froid, poursuit l'élu. Je n'en ai pas encore la preuve mais on pense que le carrelage va sauter aussi, avec toute cette boue qui est en train de congeler. Même si ça a été raclé, il reste de la boue en quantité."
Quid encore des fondations ? Dans cette région, la profondeur hors gel est de 60 centimètres, explique l'architecte. "Il faudrait des températures inférieures à - 10°C, pendant dix à quinze jours, pour attaquer vraiment la partie inférieure de la construction. L'eau prendrait en effet du volume, ce qui risquerait d'engendrer un déplacement de la fondation."
"Les températures annoncées n'ont rien d'affolant pour les structures des habitations."
Patrick Coulombel, architecte et cofondateur de l'ONG Architectes de l'urgenceà franceinfo
Par ailleurs, si les habitants doivent faire leur deuil des matériaux en bois, voire de leur carrelage, deux ou trois semaines de séchage peuvent suffire à relancer des travaux. Les matériaux de construction récents, souvent à base de solutions aqueuses, tolèrent en effet un peu d'humidité.
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