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Enfants de jihadistes français retenus en Syrie : "Ce sont les premières victimes de la situation"

Amine Elbahi, l’oncle de deux enfants de jihadistes français actuellement retenus en Syrie, déplore la décision du Conseil d'État qui s'est déclaré incompétent sur la question du rapatriement de ces enfants.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des Kurdes emmènent des milliers de femmes et d'enfants de jihadistes de Daech sortis de Baghoz, en Syrie, vers le camp de Al Hol, le 23 février 2019. (CHRIS HUBY / LE PICTORIUM / MAXPPP)

"Ces enfants sont les premières victimes de la situation", a affirmé mardi 23 avril sur franceinfo Amine Elbahi, l’oncle de deux enfants de jihadistes français, qui sont retenus actuellement en Syrie. Ce même jour, le Conseil d’Etat a rejeté en appel plusieurs requêtes d’épouses et d’enfants de jihadistes qui réclament leur rapatriement en France. Le Conseil d’Etat a estimé ne pas être compétent concernant une décision relevant de la diplomatie française.

Alors que son neveu de deux ans et sa nièce de quatre ans sont retenus dans un camp à l’est de la Syrie, Amine Elbahi s’indigne : "Je n’ai pas de nouvelle de ma nièce et mon neveu. Je sais qu’ils sont entrés dans ce camp malades. Aujourd’hui, je n’ai pas de mot, je me pose des questions : jusqu’où le cynisme d’Etat va aller ? Jusqu’où allons-nous aller pour rejeter ces enfants ? On est en train de fabriquer du terrorisme."

Ce mardi, le Conseil d’Etat s’est déclaré incompétent sur le sujet. Quel a été votre réaction ?

Nous pensions sincèrement que cette requête avait des chances d’aboutir. Nous allons nous laisser un délai de réflexion et saisir dans les meilleurs délais la Cour européenne des droits de l’homme afin d’obtenir leur rapatriement dans les meilleurs délais. Nous sommes dans une impasse judiciaire. Nous voyons qu’il y a conflit de compétences. Je tiens à rappeler que le juge des référés du Conseil d’Etat avait considéré comme acquis que la situation de ces enfants portait atteinte aux droits fondamentaux des requérants. Le Conseil d’Etat a bien évidement reconnu que les droits fondamentaux ont été bafoués mais le débat portait exclusivement sur la compétence des juridictions. Je vis ça en tant qu’oncle, en tant que famille, comme une tristesse absolue le fait de voir notre pays, l’Etat, s’éloigner au fil des jours de nos libertés publiques et fondamentales.

Votre sœur est toujours avec ses deux enfants en Syrie. Avez-vous des nouvelles de votre nièce et de votre neveu qui ont respectivement quatre et deux ans ?

Je n’ai pas de nouvelle de ma nièce et mon neveu. Je sais qu’ils sont entrés dans ce camp malades. Ils souffraient de fièvre et de diarrhées. Il y a également des maladies dans ce camp qui se propagent à vitesse grand V, le choléra, mais également d’autres maladies que nous ne connaissons même pas en Europe. Aujourd’hui, je n’ai pas de mot, je me pose des questions, jusqu’où le cynisme d’Etat va aller ? Jusqu’où allons-nous aller pour renier, rejeter ces enfants ? On est en train de fabriquer du terrorisme. On est en train de dire à ces enfants qu’ils ne sont pas français, que la République les rejette. Au final, on est en train de reproduire les mêmes erreurs, les mêmes fondements sur lesquels Daech s’est développé dans nos quartiers, dans nos villes en France.

Vous en appelez à un changement de doctrine de la part du gouvernement français ?

J’en appelle d’abord au gouvernement à prendre exemple sur les autres Etats européens. On parle d’élections européennes, vous constaterez que la Suède a procédé au rapatriement de 60 à 80 enfants il y a quelques jours. D’autres pays européens sont en train d’effectuer ce rapatriement.

Qu’est ce qui explique que la France soit sur une ligne différente ?

Ce sont les élections européennes. Emmanuel Macron ne veut pas rapatrier ces enfants parce qu’il a peur de l’extrême droite. Aujourd’hui, ces enfants sont pris en otages par les élections. Ils sont également pris en otages parce qu’il y a une opinion publique réticente à l’égard du rapatriement.

67% des Français sont opposés au retour de ces enfants, selon un sondage qui date du mois dernier.

Oui mais la première question de ce sondage, c’est 'êtes-vous favorable au rapatriement d’enfants de jihadistes ?'. Dans notre requête, on ne parle pas d’enfants de jihadistes, on parle d’enfants français détenus arbitrairement sur zone. Ce sont des enfants qui ont tout perdu au tirage au sort de la naissance. Ces enfants sont les premières victimes de la situation. J'aurais pensé qu’à travers ma requête, on aurait fait preuve d’une once d’humanité. Aujourd’hui, on surfe sur la peur, on surfe sur la morale, je veux qu’on parle de droit.

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