Le Conseil des ministres a adopté mercredi le projet de loi interdisant le port du voile intégral dans l'espace public
Nicolas Sarkozy a estimé en ouverture du Conseil des ministres que le gouvernement avait choisi, avec ce projet de loi, un "chemin exigeant, mais un chemin juste".
Partis de gauche et associations ont eux renouvelé leurs critiques à l'égard du texte qui sera débattu par les députés en juillet puis les sénateurs en septembre, avant promulgation.
Le PS a prévenu. Il votera contre le texte qu'il juge anticonstitutionnel et compte proposer une interdiction limitée aux services publics. Pour les socialistes, le débat a inutilement monté les Français les uns contre les autres. "C'était déjà le cas avec l'identité nationale: pendant qu'on oppose les gens entre eux, on ne parle pas des vrais sujets", a déclaré à la presse le premier secrétaire du parti, Martine Aubry.
"Qu'est-ce qu'on veut dans ce pays, l'affrontement ?", s'est interrogée la maire de Lille. "On veut montrer que tous ceux qui viennent d'ailleurs ne sont pas les bienvenus, on veut opposer les Français entre eux, ceux d'ici et ceux d'ailleurs ? C'est ça gérer les problèmes d'un pays en crise ?"
Quelques voix dissonantes se font cependant entendre. Le député PS Jean-Michel Boucheron a indiqué mercredi qu'il voterait le projet de loi du gouvernement. "Il faut débarrasser la femme de cette ignominie. La dignité de la femme n'est pas divisible selon l'endroit où se trouve la personne. C'est ce qui justifie ma position en espérant que le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel fassent le même constat", écrit M. Boucheron dans un communiqué. Les parlementaires Manuel Valls et Aurélie Filippetti se sont eux aussi déclarés prêts à voter le texte gouvernemental.
Quant au chef de file des députés PS Jean-Marc Ayrault, il a indiqué mercredi qu'il ne proposerait pas à son groupe de "faire un recours au Conseil constitutionnel" contre le texte. "Nous voulons faire une loi de concorde nationale, pas une loi de la gauche contre la droite".
Pour le Parti communiste, "on peut agir de manière efficace dans le cadre de la loi contre les violences faites aux femmes, qui est malheureusement aujourd'hui bloquée au Sénat". "Le projet de loi gouvernemental est donc bien une opération de manipulation de la droite qui cherche à stigmatiser, à diviser", déplore Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF, dans un communiqué. Elle dénonce un "faux débat" qui, "loin d'être utile au respect des droits des femmes, est, en fait, un outil de diversion".
Pour le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap), la loi sur le voile intégral est "inutile et dangereuse". Cette loi, dit-il, "condamne les femmes concernées à un enfermement et une exclusion sociale encore plus graves que ceux qu'elle prétend combattre". "Sa mise en oeuvre sera complexe, délicate et risque de créer d'inutiles tensions et des troubles à l'ordre public", prévient le Mrap dans un communiqué.
Amnesty International demande aux parlementaires français de "rejeter" le projet de loi. "Une interdiction complète de la dissimulation du visage violerait les droits à la liberté d'expression et de religion de ces femmes qui portent la burqa ou le niqab en public en tant qu'expression de leur identité ou de leurs convictions", estime John Dalhuisen, expert de l'organisation dans un communiqué.
Les représentants de l'islam en France ont eux aussi dit leur opposition tant à cette pratique qualifiée d'"ultra-minoritaire" qu'à une loi d'interdiction jugée "stigmatisante".
Seuls L'UMP et le PRG disent approuver ce texte. Les centristes sont eux divisés.
Elaboration laborieuse ponctuée de mises en garde juridique
Après quasiment un an de débats, le projet de loi s'annonce moins consensuel que la "résolution" parlementaire votée à la quasi-unanimité le 11 mai à l'Assemblée.
Préparé par la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie, le texte stipule que, dans les services publics, les lieux ouverts au public et dans la rue, "nul ne peut porter une tenue destinée à dissimuler son visage". Exceptions: casque de moto, cagoule des forces de sécurité, carnaval...
Le Conseil d'Etat a de nouveau émis un avis défavorable, pointant de "fortes incertitudes constitutionnelles". Gouvernement et majorité ont décidé de passer outre cet avis consultatif, "respectable mais contestable", dixit Jean-François Copé, patron des députés UMP.
Les contrevenantes s'exposeront à une amende de 150 euros et/ou un stage de citoyenneté visant à rappeler les valeurs républicaines. La verbalisation ne sera pas systématique. L'interdiction tout comme les sanctions n'entreront en vigueur qu'au printemps 2011, après six mois de pédagogie.
En revanche, maris ou concubins obligeant leurs compagnes à se voiler seront aussitôt sanctionnables (un an de prison et 15.000 euros d'amende).
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