Législatives : le PS impose sa loi aux militants
Plusieurs cas de candidats imposés par la direction du Patri socialiste posent des questions sur l'utilité du vote des militants.
A La Rochelle, contrairement à la plupart de leurs camarades, les militants socialistes ne votaient pas, jeudi 1er décembre, pour élire leur candidat aux législatives : Ségolène Royal y a été imposée par la direction nationale du PS courant novembre. A Montreuil (Seine-Saint-Denis) aussi, les militants pouvaient rester chez eux : proche de Martine Aubry, l'ancien président des Jeunes Socialistes, Razzy Hammadi, y a été imposé en dépit de la candidature d'un autre homme du même âge, également "issu de la diversité".
Même cas dans la 9e circonscription des Français de l'étranger, pour laquelle la direction du Parti socialiste a investi de force l'aubryste Pouria Amirshahi face au hollandais Faouzi Lamdaoui. Dans l'Essonne, pas de vote non plus dans la circonscription du hollandais Julien Dray, où l'investiture lui est réservée. Idem dans la Somme, où une circonscription a été également "gelée" au profit de l'aubryste Christophe Borgel.
Dans la 6e circonscription du Pas-de-Calais, en revanche, un vote a bien eu lieu jeudi soir. Mais la direction du PS pourrait ne pas en tenir compte et investir le député sortant, Jack Lang, qui a pourtant refusé de participer au scrutin !
Après la primaire, "le mini-club des barons reprend le dessus"
Ces cas, certes minoritaires, provoquent à chaque fois la colère des militants, surtout au lendemain d'une primaire pour la présidentielle censée avoir changé durablement la donne dans le jeu démocratique. "Cet enthousiasme naïf fut de courte durée, hélas. En effet les jeux politiques et tacticiens ont pris le dessus en oubliant l’essentiel : nous, le peuple !", déplore sur Mediapart une militante de Montreuil, où Razzy Hammadi a été imposé.
Malek Boutih, qui souhaitait être candidat dans la circonscription de Julien Dray, ne dit pas autre chose : "On a ouvert grand les portes avec les primaires. Et puis, patatras, le mini-club des barons qui se passent le poivre et le sel reprend le dessus."
A La Rochelle, "la démocratie n'est pas participative et l'ordre est injuste", tance dans Le Parisien le patron des socialistes charentais Olivier Falorni, qui briguait l'investiture avant que Ségolène Royal soit intronisée.
Sur le site du Nouvel Obs, Nicolas Cadène, le numéro deux de la fédération PS du Gard y va aussi de son coup de gueule : "Militant depuis une dizaine d’années, j'ai une certaine expérience (...). Chaque fois, ce sont les manœuvres d’appareil qui ont désigné nos candidats. (...) Chaque fois, ce sont des talents qui ont été écartés jusqu'à s'en aller d'eux-mêmes d'un parti qu'ils jugeaient 'pourri jusqu'à la moëlle'..."
Blogueur et militant socialiste, Romain Pigenel se veut lucide : "L'idéalisme militant se heurte à un constat simple : les partis sont des organisations humaines et, en tant que tels, sont travaillés par des logiques et des tensions communes à toutes les organisations humaines. Ambitions. Arrangements. Passe-droits. Combines. Haines personnelles. Cliques et bandes. Oligarchies internes."
Terra Nova appelle à faire émerger les jeunes talents
Un constat que dresse aussi Olivier Ferrand, président du think-tank Terra Nova et architecte de la primaire socialiste. "Le principe de la primaire permet de sortir des décisions oligarchiques pour passer à un vrai exercice démocratique. Mais au PS, comme dans tous les partis français, on ne sait pas déceler les talents."
C'est pour cette raison que la fondation Terra Nova milite pour une institutionnalisation d'"un système de ressources humaines plus transparent", et qui permettrait de faire émerger de jeunes talents. "Les électeurs pourraient comprendre qu'on impose tel ou tel candidat à tel ou tel endroit, mais seulement si les règles du jeu sont connues, et s'ils n'ont plus le sentiment que la sélection se fait uniquement par quelques-uns, en fonction de l'âge et de l'expérience."
En attendant, rue de Solférino, on fait la sourde oreille aux critiques des militants. Secrétaire national aux élections, Christophe Borgel reconnaît dans Le Parisien des "difficultés" mais assure qu'"il en va de la défense d'objectifs nationaux comme la rénovation, la parité et la diversité". Mais dans ce cas, pourquoi ne pas avoir laissé les militants choisir entre Pouria Amirshahi et Faouzi Lamdaoui ? Entre Razzy Hammadi et Belkacem Mahdi ? Entre Ségolène Royal, Patricia Friou et Nanou Jamouillé ? Pour l'instant, les explications de Borgel et de la direction du PS n'ont pas convaincu les militants des circonscriptions concernées.
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