Les poursuites judiciaires vont reprendre concernant les biens détenus en France par trois présidents africains
La Cour de cassation a donné son aval et annulé un arrêt de la cour d'appel de Paris de 2009 qui déclarait irrecevable la plainte de l'organisation Transparency International. Le dossier va être transmis à un juge d'instruction. L'association considère que les biens de trois présidents africains ont été acquis avec de l'argent public détourné.
La plainte déposée vise les familles d'Ali Bongo (Gabon), de Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) et de Teodoro Obiang (Guinée équatoriale). Il leur est reproché de posséder des logements de luxe et des avoirs bancaires en France. Une enquête de police de 2007 avait recensé 39 propriétés et 70 comptes bancaires détenus par la famille Bongo et ses proches, 24 propriétés et 112 comptes bancaires pour la famille Sassou Nguesso, et des limousines de luxe achetées par la famille Obiang.
Cette enquête avait été classée sans suite par le procureur de Paris Jean-Claude Marin, mais un juge d'instruction avait dans un premier temps, début 2009, ordonné contre son avis une enquête pour "recel de détournement de fonds publics, blanchiment, abus de biens sociaux, abus de confiance". Le parquet avait fait appel, suspendant cette décision et, en octobre 2009, la cour d'appel avait déclaré la plainte irrecevable. C'est cet arrêt que la Cour de cassation a annulé.
Spécialisée dans la lutte contre la corruption, Transparency International (TI) avait porté plainte en 2007. Selon l'ONG, les trois chefs d'Etat possédait un patrimoine immobilier cumulé à hauteur de 160 millions d'euros. La plainte avait été classée tout comme une seconde déposée en 2008. Elle avait de nouveau déposé plainte avec constitution de partie civile, une procédure qui permet de contourner le parquet et de saisir directement un juge d'instruction.
"Il suffit, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable, que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permette au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation directe avec une infraction à la loi pénale", déclaré la Cour de cassation pour justifier sa décision mardi. Cet arrêt est un précédent susceptible de permettre d'autres poursuites similaires. Jusqu'à présent, la justice française estimait que les associations de lutte contre la corruption ne pouvaient arguer d'un quelconque préjudice personnel dans ce type d'affaire.
Les poursuites judiciaires à l'encontre des trois présidents africains vont pouvoir être relancées. La Cour ordonne le renvoi du dossier à un juge d'instruction de Paris pour que soit instruite cette plainte de l'ONG, qui considère que les biens en question ont été forcément acquis avec de l'argent public détourné.
Un accroc dans les relations France-Afrique?
L'affaire a créé dans le passé des remous dans les trois pays, pivots de l'influence diplomatique française en Afrique, et où la première société française, Total a d'importants intérêts.
Les plaignants ont accusé le parquet d'agir comme "bras armé de la raison d'Etat". Bien qu'ils ne soient pas partie à la procédure, deux des trois chefs d'Etat indirectement visés avaient dépêché des avocats à la cour d'appel en octobre.
Lorsque l'enquête sera lancée, le ou les juges d'instructions désignés ne pourront poursuivre les chefs d'Etat en question, du fait de l'immunité coutumière qui leur est accordée, mais leurs proches n'en bénéficient pas et peuvent donc en théorie être questionnés, voire arrêtés, sauf immunité diplomatique.
L'inventaire des "biens mal acquis"
GABON
Ancienne colonie française, le Gabon est le quatrième producteur de pétrole de l'Afrique sub-saharienne. Son ancien président Omar Bongo, au pouvoir depuis 1967, est mort en juin 2009 et son fils Ali a été élu en août 2009 à son poste. L'avocat de ce dernier assure qu'il ne possède rien en France. La famille Bongo compte 39 propriétés dans les beaux quartiers de Paris et sur la Côte d'azur, 70 comptes bancaires (dont 11 étaient détenus par Omar Bongo) et au moins neuf véhicules de luxe qui valent environ 1,5 million d'euros, dont certains payés avec des chèques du Trésor public gabonais, comme celui de 390.795 euros signé le 5 février 2004 par l'épouse du président pour l'achat d'une voiture de luxe Maybach 57.
CONGO-BRAZZAVILLE
Ancienne colonie française, le Congo-Brazzaville, cinquième producteur de pétrole d'Afrique sub-saharienne a été dirigé par Denis Sassou Nguesso de 1979 à 1992. Battu aux élections, il est revenu en 1997 après une guerre civile. La police a recensé 24 propriétés, 112 comptes bancaires et un véhicule d'une valeur de 172.321 euros.
GUINÉE ÉQUATORIALE
Ancienne colonie espagnole, la Guinée équatoriale, troisième producteur de pétrole d'Afrique sub-saharienne, est dirigé par Teodoro Obiang Nguema Mbasogo depuis un coup d'Etat en 1979. La police a découvert un logement, propriété de son fils Teodorin, qui est ministre de l'Agriculture. Une série de voitures de luxe sont évaluées à 4.2 million euros, deux Ferrari, une Maybach, deux Bugatti, une Rolls Royce Phantom et deux Maserati.
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