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Maternités : quelles sont les parades contre les rapts de bébés ?

Un à deux nourrissons sont enlevés chaque année en France. Des cas rarissimes, ce qui n'empêche pas les établissements hospitaliers de prendre des mesures préventives.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Un membre du personnel médical entre dans la maternité régionale de Nancy (Meurthe-et-Moselle), où un nouveau-né a été enlevé par une jeune femme, mardi 18 décembre. (JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

Un nouveau-né a été enlevé à la maternité régionale universitaire de Nancy (Meurthe-et-Moselle) et reste toujours introuvable, malgré l'alerte-enlèvement déclenchée par le parquet, mercredi 19 décembre. Ce genre de cas, très médiatique, reste toutefois rarissime rapporté aux 827 000 naissances recensées par l'Insee en France en 2011. La Direction générale de l'offre de soins (DGOS) en recense, en moyenne, un à deux chaque année.

Avant le bébé de Nancy, deux autres enlèvements ont été signalés cette année dans des maternités : à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) et Marseille (Bouches-du-Rhône), au mois d'août. Les deux enfants ont été retrouvés. Les maternités françaises sont-elles sûres ? Francetv info a interrogé des professionnels et revient sur les mesures engagées par les établissements pour prévenir ce genre de drames.

Les contrôles d'identité : trop compliqués

Anne Lefebvre est directrice des soins à la Fédération hospitalière de France (FHF). Après ce nouvel enlèvement, elle pense bien sûr à famille du bébé, mais aussi aux "équipes médicales qui font de nombreux efforts, et sur qui cette épée de Damoclès vient de s'abattre".

Par définition, une maternité accueille un va-et-vient incessant de patientes et de visiteurs. Au point de surprendre les familles. "Elles me disent qu'on entre dans une maternité comme dans un moulin, mais on ne peut pas contrôler à chaque fois les papiers d'identité !" Non sans pragmatisme, elle ajoute qu'un contrôle systématique "pourrait être très mal pris dans certaines situations familiales. Imaginez que le personnel demande à un amant : 'vous êtes qui par rapport à madame ?' "

"Une maternité n'est pas une prison ! ajoute Nathalie Bailly, cadre sage-femme de la polyclinique de Bordeaux-Nord Aquitaine. C’est quand même un lieu de joie, on ne peut pas surveiller toutes les allées et venues." Et quand les visites se multiplient, difficile de faire le tri.

La crainte de l'enlèvement semble habiter de nombreuses mères lors de leur séjour en maternité. "Lorsque ce type d'événements est médiatisé, on reçoit toujours quelques appels, explique Chantal Ducroux-Schouwey, présidente de l’association lyonnaise Bien naître. Après l'accouchement, les mères ne quittent pas leur enfant des yeux. Pour prendre une douche, elles attendent que quelqu'un prenne le relais ou déposent le bébé à la pouponnière. Elles sont conscientes qu'une maternité n'est pas aussi sûre que cela."  

La vidéosurveillance : efficace et en progression 

"Les maternités ont fait des efforts. Il y a davantage de caméras de surveillance aujourd'hui", signale Anne-Marie Doré. Et leur qualité s'améliore. Charles-Antoine Benhamou dirige l'Hôpital nord-parisien de Sarcelles (Val-d’Oise). Le 5 mai 2009, un bébé de 2 jours a été enlevé dans sa maternité. Par chance, il a été retrouvé quatre heures plus tard dans une autre clinique, où sa ravisseuse l'avait emmené. Le rapt avait été méticuleusement préparé. La femme portait une blouse et avait pris soin de déclencher un début d'incendie dans les toilettes pour détourner l'attention du personnel.

Depuis, l'hôpital a "renforcé son système de vidéosurveillance, qui avait grandement aidé à l'époque pour identifier la personne. Le niveau de sensibilité et de netteté des caméras a été amélioré. Cet investissement n'est pas nécessairement très coûteux pour un établissement." "Cela a été très difficile à vivre pour le personnel, poursuit Anne-Marie Doré. Nous avons d'ailleurs bénéficié d'un accompagnement psychologique pour transformer ce traumatisme en expérience." Une mission d'audit et de conseil a également été dépêchée par le ministère de la Santé, qui a rédigé un état des lieux et livré des recommandations. 

Le badge pour le personnel : utile contre la "technique de la blouse"

Enfiler une blouse pour se fondre dans le décor est une technique récurrente lors des enlèvements de nourrissons. Encore une fois, les caméras de surveillance de la maternité de Nancy ont enregistré les images "d'une femme vêtue de manière à laisser penser qu'elle était soit patiente, soit soignante de la maternité", a expliqué le parquet. Ce serait elle qui aurait enlevé le bébé. "Dans une maternité, il y a beaucoup de turn-over et de remplaçants, parfois moins sensibilisés au risque, concède Anne-Marie Doré. Et on est peut-être moins vigilant avec quelqu'un qui porte une blouse." 

Certains établissements se sont adaptés. L'une des parades est d'imposer aux équipes médicales le port d'un badge infalsifiable, pendant toute la durée du service. Cadre supérieur sage-femme à la maternité de Pontoise (Val-d'Oise), Anne Lefebvre a d'ailleurs testé ses équipes au mois de juillet. Elle a demandé à des pompiers de revêtir une blouse et de venir arpenter à l'improviste les couloirs de la maternité de Pontoise. Sans le fameux badge. "On s'est rendu compte que tout le monde n'avait pas la même vigilance dans le service et ne demandait pas forcément l'identité du faux soignant." Depuis, la consigne est davantage respectée.

Le bracelet électronique sur le bébé : un gadget ?

D'autres solutions existent. Depuis quelques années, les bracelets électroniques sont de plus en plus fréquents dans les maternités. La société Bluelinea propose ainsi des petits boîtiers à fixer autour de la cheville du bébé, qui sonnent en cas d'alerte. Une cinquantaine d'établissements proposent actuellement ce système en France. Nos confrères de France 2 sont allés dans une maternité de Mantes-la-Jolie (Yvelines), qui en est équipée. 

Un dispositif de sécurité contre les enlèvements dans les maternités ( Anne-Charlotte Hinet et Chloé Cormery - France 2)

La polyclinique Bordeaux-Nord Aquitaine compte 3 000 naissances par an. L'établissement a installé 32 capteurs dans la maternité en 2010, après deux cas d'enlèvement dans la région à Pau (Pyrénées-Atlantiques) et  Langon (Gironde), en 2009. "Chaque membre du personnel a un téléphone dans sa poche, qui mentionne la raison de l'alerte : en cas de manipulation du boîtier ou quand l'enfant franchit une sortie." 

Le dispositif est proposé aux mères dans la salle d'accouchement et n'a rien d'obligatoire. "Entre 30 et 40% des parents le prennent". Jusqu'ici ces bracelets n'ont jamais été déclenchés pour une cause sérieuse. En revanche, les gens "bloquent souvent les ascenseurs [qui se bloquent en cas de présence du bracelet] car ils oublient la présence du boîtier. Je crois que certains ont aussi tendance à tester notre temps de réaction." 

La vigilance : la meilleure arme

Il y a parfois une certaine désinvolture chez les parents, comme le cas de cette mère "qui part au distributeur automatique en laissant ouverte la porte de sa chambre, avec le bébé à l'entrée", se rappelle Charles-Antoine Benhamou. Au risque d'alimenter une certaine paranoïa, des affiches sont donc placardées dans le couloir et chaque chambre de l'hôpital nord-parisien de Sarcelles, pour rappeler les consignes élémentaires de sécurité. 

Le personnel, lui, est normalement sensibilisé à ce genre d'incidents. "Si l'on voit des gens qui se baladent un peu trop fréquemment dans les couloirs, on va bien sûr intervenir", résume Nathalie Bailly. Et de conclure, un brin fataliste. "On aura beau mettre tous les sytèmes de sécurité... Celui qui a envie de voler un bébé y arrivera." 

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