Fin du droit du sol, "rideau de fer maritime", opération Wuambushu 2... On vous résume les mesures du gouvernement pour Mayotte
Ils étaient attendus par les habitants de Mayotte mobilisés depuis fin janvier "contre l'insécurité et l'immigration illégale". En arrivant dans l'archipel, dimanche 11 février, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, et la nouvelle ministre déléguée chargée des Outre-mer, Marie Guévenoux, ont fait plusieurs annonces sur ces thématiques, alors que la situation s'est tendue dans ce département français de l'océan Indien ces dernières semaines. Certaines doivent figurer dans un "projet de loi d'urgence" sera présenté "avant l'été", selon Marie Guévenoux. Il abordera "des questions d'immigration, des questions de convergences sociales et des questions d'économie sociale, d'infrastructures aussi essentielles pour l'île".
Suppression du droit du sol, fin des titres de séjour territorialisés, mise en place d'un "rideau de fer" autour de l'île... Franceinfo revient en détail sur les principales annonces faites à l'occasion de ce déplacement.
La suppression du droit du sol sur l'île
C'est la mesure la plus forte dévoilée par Gérald Darmanin à sa descente de l'avion, dimanche à Mamoudzou. "Nous allons prendre une décision radicale, qui est l'inscription de la fin du droit du sol à Mayotte" dans un projet de révision constitutionnelle, a déclaré le ministre de l'Intérieur. Il estime que cette réforme "coupera littéralement l'attractivité" que peut avoir le territoire mahorais aux yeux des personnes tentant d'y entrer illégalement, notamment depuis les Comores voisines.
"Il ne sera plus possible de devenir français si on n'est pas soi-même enfant de parents français", a précisé Gérald Darmanin. Autrement dit, seul le droit du sang s'appliquerait pour l'acquisition de la nationalité française des natifs de Mayotte. Dans les faits, le droit du sol était déjà restreint dans ce département par rapport au reste de la France, depuis un durcissement des règles opéré en 2018 : pour qu'un enfant de deux parents étrangers obtienne la nationalité française à 18 ans, il lui faut spécifiquement prouver qu'à sa naissance, au moins un de ses deux parents était en situation régulière en France depuis plus de trois mois.
La fin du droit du sol, circonscrite à Mayotte, sera actée par "une révision constitutionnelle que choisira le président de la République", a assuré Gérald Darmanin. Modifier la Constitution oblige le président de la République à soumettre son projet de révision aux électeurs, par référendum, ou au Parlement convoqué en Congrès. Pour que le texte aboutisse, il doit recueillir la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par les députés et les sénateurs. Pour l'heure, l'exécutif n'a pas communiqué la date à laquelle ce projet de révision pourrait être présenté.
La fin des titres de séjour territorialisés à Mayotte
"Nous allons nous donner jusqu'à la prochaine 'loi Mayotte' pour mettre fin aux visas territorialisés", a également déclaré Gérald Darmanin dimanche. Ces titres de séjour territorialisés sont une exception locale : contrairement au reste du territoire français, Mayotte peut délivrer des visas qui permettent à leurs bénéficiaires d'entrer dans le département, mais pas de se rendre sur le reste du territoire français.
"Mayotte, qui est un territoire commun à l'ensemble de la République, n'a plus à connaître cette situation", estime le ministre de l'Intérieur. Il s'agit d'une des principales demandes du mouvement de colère qui s'est déclenché en janvier. "Puisque nous aurons beaucoup moins de titres de séjours et que nous n'aurons plus la possibilité d'être français lorsque l'on vient à Mayotte, les visas territorialisés n'ont plus lieu d'être", a-t-il justifié.
Le ministère de l'Intérieur a apporté des précisions sur la fin de ces titres de séjour territorialisés, dénoncée par l'extrême droite comme un moyen d'"organiser le transfert de l'immigration de Mayotte vers la métropole", selon les mots de Marion Maréchal. "La suppression du principe de validité territoriale ne s'applique qu'à des personnes en situation régulière", a expliqué le ministère. Les mouvements de ressortissants étrangers vers la métropole concerneront donc uniquement des réfugiés, des transferts "déjà possibles dans le cadre juridique actuel", et des étrangers réguliers qui ont un titre de séjour.
L'application "immédiate" d'une mesure de la loi immigration
Contre "l'autonomie" de l'île, vue comme une "lubie", Gérald Darmanin a rappelé qu'une importante restriction du regroupement familial à Mayotte avait été adoptée dans la loi immigration, récemment promulguée. Une personne étrangère devra désormais être présente à Mayotte depuis au moins trois ans pour en faire bénéficier ses proches. De plus, "il ne sera plus possible de faire venir sa famille si l'on n'est pas titulaire d'un titre de séjour de cinq ans". Le ministre de l'Intérieur estime que "cela va diviser par cinq les regroupements familiaux". Cette loi est d'"application immédiate", a-t-il expliqué.
Un "rideau de fer maritime" contre l'immigration illégale
Dans une vidéo publiée sur X avant son départ vers Mayotte, samedi soir, Gérald Darmanin a affirmé le souhait du gouvernement de créer un "rideau de fer dans l'eau, prochainement, qui empêchera bien sûr le passage des kwassa-kwassa", ces canots de pêche comoriens qui accostent tous les jours dans l'archipel avec des migrants à leur bord, et enrayera les "filières d'immigration irrégulière". Cette métaphore du "rideau de fer" se concrétisera par "beaucoup plus de moyens d'interception [et] des nouveaux radars", a précisé le ministre, qui promet qu'un "changement radical" sera perceptible "dans les très prochains jours".
Concrètement, ce dispositif consiste en "une nouvelle vague d'investissements dans des outils technologiques (radars, moyens maritimes…) permettant de déceler et d'interpeller les migrants en mer", selon le ministère de l'Intérieur. Il s'agit du prolongement du plan Shikandra, "qui a permis une première vague d'investissements massifs dans ces outils".
Une opération Wuambushu 2 en préparation
L'opération Wuambushu, lancée en grande pompe par Gérald Darmanin au printemps dernier, avec pour objectif de lutter contre l'habitat insalubre, l'immigration illégale et l'insécurité à Mayotte, aura une suite. "Nous allons mettre en place l'opération Wuambushu 2", annonce le ministre de l'Intérieur, avec "plus de moyens de forces de l'ordre et de justice". "Quinze hommes du GIGN" ont ainsi fait le trajet de la métropole à Mayotte avec les deux membres du gouvernement.
La seconde opération Wuambushu va-t-elle avantage convaincre les Mahorais que la première ? Certains habitants rencontrés par franceinfo, membres du mouvement des Forces vives de Mayotte, dénoncent les résultats de la première opération, l'année dernière, qui n'a pas réussi à régler les problèmes auquel l'île fait face. Dans sa vidéo, samedi soir, Gérald Darmanin a dressé un bilan positif de Wuambushu, qui "a donné d'énormes résultats dans la destruction des bangas [un type d'habitat parfois illégal et insalubre], dans la lutte contre l'immigration irrégulière [et] surtout contre la délinquance, avec 60 chefs de bandes arrêtés et désormais condamnés et incarcérés".
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