Mayotte : on vous explique pourquoi l'opération Wuambushu lancée par le gouvernement se complique dans l'archipel
Une intervention semée d'embûches. L'opération Wuambushu, mise en place par le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer, enchaîne les revers. Dans la soirée de lundi, le tribunal judiciaire de Mamoudzou, à Mayotte, a suspendu la destruction du bidonville Talus 2 prévue ce mardi 25 avril.
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Cette décision s'ajoute à des tensions diplomatiques, ainsi que sur l'archipel. Franceinfo vous explique pourquoi l'opération à Mayotte se complique de jour en jour pour les autorités françaises.
Un revers judiciaire contre la destruction de bidonvilles
C'était l'un des objectifs phares annoncés par Gérald Darmanin vendredi sur franceinfo. L'opération Wuambushu doit permettre "la destruction de 1 000 bangas", terme qui désigne des maisons de tôle à Mayotte. Le ministre de l'Intérieur et des Outre-Mer a promis de "reloger les gens".
Mais une décision de justice dans le département pourrait bien empêcher ou ralentir cet objectif. Le tribunal de Mamoudzou a suspendu l'opération de destruction du bidonville Talus 2 du quartier de Majicavo, dans la commune de Koungou, prévue mardi matin. La justice avait été saisie en procédure de référé par une vingtaine d'habitants du bidonville, représentés par un collectif d'une dizaine d'avocats.
Dans cette décision, le juge des référés "ordonne au préfet de Mayotte de cesser toute opération d'évacuation et de démolition des habitats" à Majicavo, ajoutant que "la destruction des habitations (...) est manifestement irrégulière", "mettant en péril la sécurité" des habitants.
Ce n'est pas la première fois que la justice décide de l'abandon d'une opération de "décasage" voulue par l'Etat. En mars, elle avait suspendu une action prévue dans le même quartier car "aucune proposition concrète sur les offres d'hébergement" n'avait été adressée aux requérants, rapporte La 1ère Mayotte.
Toutefois, la bataille judiciaire n'est pas terminée. L'Etat va faire appel de la décision, a affirmé Gérald Darmanin. "L'action menée à Mayotte est la restauration de la paix républicaine. C'est une action difficile mais extrêmement résolue", a ajouté le ministre sur Twitter.
Une déconvenue diplomatique avec les Comores
De leur côté, les Comores haussent le ton. Dès le 10 avril, la présidence comorienne avait demandé à la France de "renoncer" à l'opération. Deux semaines plus tard, le gouvernement comorien est passé à l'action. Ainsi, un bateau en provenance de Mayotte n'a pas pu accoster aux Comores, lundi. "Tant que la partie française décidera de faire des choses de façon unilatérale, nous prendrons nos responsabilités. Aucun expulsé ne rentrera dans un port sous souveraineté comorienne", a déclaré le ministre comorien de l'Intérieur, Fakridine Mahamoud.
Il s'agit d'une déconvenue diplomatique pour la France, alors que le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer démentait toute difficulté avec le gouvernement des Comores quelques heures auparavant, sur France 2. "Nous avons un intérêt bien compris avec le gouvernement des Comores parce qu'eux-mêmes subissent une immigration qui vient de Madagascar et l'Afrique de Grands Lacs", avait déclaré Gérald Darmanin, rappelant que 25 000 Comoriens avait été expulsés depuis Mayotte vers les Comores en 2022.
Le ton semble donc avoir changé entre les deux pays. "Les opérations (...) de lutte contre la délinquance et contre l'habitat insalubre, avec leurs conséquences sur l'immigration clandestine, on ne les arrêtera pas", a réagi le préfet de Mayotte, Thierry Suquet, peu après l'annonce du ministère de l'Intérieur comorien. Le représentant de l'Etat a également dit espérer "reprendre rapidement" les rotations de bateaux vers l'île comorienne d'Anjouan.
De fortes tensions sur l'archipel
Alors que l'opération Wuambushu vient juste de commencer, les centaines de forces de l'ordre déployées sur place doivent faire face à de fortes tensions avec certains habitants de l'archipel. Les policiers de la huitième compagnie républicaine de sécurité, une unité d'élite spécialisée contre les violences urbaines, ont ainsi dû affronter des caillassages lors de l'une de leurs premières opérations à Mayotte, dimanche.
Pas moins de 650 grenades lacrymogènes, 85 grenades de désencerclement et 60 tirs de lanceurs de balles de défense (LBD) ont été utilisées pour tenter de faire fuir "une centaine d'assaillants armés de machettes", selon les forces de l'ordre, citées par Le Monde (article pour les abonnés). Les policiers ont même ouvert le feu à 12 reprises à l'aide de leurs pistolets automatiques "vers le sol et pour faire fuir" les assaillants, selon plusieurs témoignages récoltés par le quotidien.
De nombreuses dégradations ont également été constatées à Mayotte depuis le début de l'opération. La caserne de pompiers de Kawéni a ainsi été prise pour cible dans la nuit de lundi à mardi et plusieurs véhicules ont été endommagés, rapporte La 1ère. Des habitations ont également été callassées.
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