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"Merci la France !" : le Britannique jugé pour avoir aidé une fillette afghane à quitter Calais ressort libre

Rob Lawrie, 49 ans, a comparu, jeudi, devant le tribunal de Boulogne-sur-Mer, pour "aide à la circulation irrégulière d'un étranger".

Article rédigé par Yann Thompson - Envoyé spécial à Boulogne-sur-Mer
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le Britannique Rob Lawrie se tient sur les marches du palais de justice de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), le 14 janvier 2016. (BENOIT TESSIER / REUTERS)

Il s’est d’abord figé, puis s’est accoudé à la barre, pour contenir ses larmes de joie. Quelques minutes après avoir confié sa "peur" d’être incarcéré, le bénévole britannique Robert Lawrie, poursuivi pour avoir tenté de conduire une fillette afghane en Angleterre, a obtenu une quasi-relaxe, jeudi 14 janvier, devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). Il a écopé d’une simple amende avec sursis de 1 000 euros, une décision chaudement applaudie par le public.

"Merci la France, la France est un pays humain ! a clamé l’homme de 49 ans, à sa sortie de la salle d’audience. C’était le procès de la compassion, nous l’avons gagné." La partie était pourtant loin de l’être.

Une peine encourue de cinq ans de prison

Avant d’affronter la justice, Rob Lawrie a tenu, mercredi, à retourner là où tout avait commencé. Il a retrouvé la "jungle" de Calais, où il n'avait pas mis les pieds depuis le 24 octobre. Il y a revu une fillette afghane de 4 ans, Bahar Ahmadi, avec qui il avait souvent joué, au début de l'automne, au milieu des tentes terreuses. "Elle m'a immédiatement reconnu." C’est pour avoir pris avec lui cette enfant, surnommée Bru, qu’il a été jugé, jeudi, devant la justice française.

A l'audience, Rob Lawrie se présente à la barre dans un large costume noir, acheté quelques jours plus tôt pour 3,50 euros dans une boutique associative de la banlieue de Leeds (Royaume-Uni). Ruiné par son engagement à Calais et ses déboires judiciaires, le prévenu compte ses sous et redoute alors d'avoir à payer une forte amende. Abandonné par sa femme, il craint aussi d'être envoyé en prison, loin de ses quatre enfants, tous mineurs. Il sait qu’il risque jusqu’à cinq ans d’emprisonnement pour "aide à la circulation irrégulière d’un étranger en France".

"Je suis désolé"

Soutenu par plusieurs dizaines de sympathisants présents dans le public, dont la fillette et son père qui vivent toujours dans la "jungle", le Britannique reconnaît très rapidement le caractère "stupide" de son geste. Il se dit "désolé". "Je n’ai pas demandé d’argent", insiste-t-il, soulignant que le père, "un paysan afghan", n’a "pas un sou".

- "Pour quel motif avez-vous agi alors ?", lui demande le président, Louis Betermiez.
- "Elle n’a que 4 ans, une famille l’attend à Leeds, répond-il. Elle ne pouvait pas rester là, à dormir dans une tente, dans ce lieu dangereux et froid. J’ai cédé aux demandes répétées du père de la conduire chez ses cousins."

Les questions du tribunal se concentrent vite sur les conditions dans lesquelles la fillette a été installée dans le fourgon, sur une couchette au-dessus du conducteur. "Que se serait-il passé en cas d’accident, sans siège de transport adapté ?" demande le président. "Je n’y ai pas pensé, j’aurais dû", reconnaît le prévenu.

La vie de la fillette "mise en danger"

Visiblement surprise de la tournure des débats, l’avocate de Rob Lawrie, Lucile Abassade, se retrouve à devoir préparer un argumentaire portant sur la sécurité routière. De son côté, le Britannique apparaît nerveux. Pris de tremblements, le visage marqué par des tics, il peine à avaler une gorgée d’eau. Il dit souffrir d’une forme du syndrome de Gilles de la Tourette, surtout quand il est, comme ici, "stressé".

A l’heure des réquisitions, le procureur, Jean-Pierre Valensi, "assume" les poursuites engagées contre le Britannique, mais concède que l’homme n’a rien d’un passeur ordinaire attiré par l’argent. Il déplore surtout la méthode, accusant Rob Lawrie d’avoir placé l’enfant dans "une cache indigne", dans laquelle elle aurait pu "paniquer". "Elle n’était protégée par rien, pas de ceinture, pas de réhausseur, sa vie était en danger", affirme-t-il.

En fin de compte, le procureur ne demande aucune peine pour "l'aide à la circulation irrégulière", laissant le tribunal trancher. Il exige a minima une condamnation pour la "mise en danger de la vie d’autrui", à hauteur de 1 000 euros d’amende. "Ce n’est pas parce que l’on veut aider une enfant que l’on peut mettre sa vie en péril."

Une vie à reconstruire

Appelant le tribunal à la "clémence", l’avocate de Rob Lawrie va être entendue. Le président décide de ne pas condamner le Britannique comme "passeur" de la jeune Bahar Ahmadi et requalifie les faits en "mise en danger", avec une simple amende de 1 000 euros avec sursis. "Ça alors !" lâche un responsable associatif, stupéfait, tandis que la salle exulte.

Rob Lawrie peut enfin respirer. Il quitte le palais de justice dans la foulée et monte dans une voiture, direction l’Angleterre. "Si je suis relâché, je disparaîtrai pendant quelques jours, confiait-il, lundi, à francetv info. Je me réfugierai dans une grotte le temps que le vent se calme." La semaine prochaine, il commencera à reconstruire sa vie, "détruite" pour pas grand-chose.

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