Migrants : trois questions pour comprendre les accords du Touquet et leur remise en cause
Afin de résoudre la crise des migrants à Calais, plusieurs élus demandent la révision des accords du Touquet signés entre la France et le Royaume-Uni il y a douze ans. Explications.
En campagne pour la présidence de la future région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Xavier Bertrand (Les Républicains) a dénoncé, dans une interview au JDD, la supposée "passivité du Royaume-Uni en termes de politique migratoire". L'ancien ministre du Travail propose ainsi de réviser les accords du Touquet afin de régler la crise. Signés en 2003 entre Paris et Londres, ces accords visent à renforcer les contrôles au départ de la France pour réguler l'immigration clandestine au Royaume-Uni.
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1Les accords du Touquet, c'est quoi ?
Les accords du Touquet ont été signés le 4 février 2003 entre la France et le Royaume-Uni lors du 25e sommet franco-britannique. Ils permettent de faciliter les contrôles frontaliers dans les ports de la Manche et de la mer du Nord et créent un cadre juridique : les agents français et britanniques peuvent effectuer des contrôles dans les deux pays indifféremment.
Signé par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, le traité tournait officiellement la page du centre d'accueil de Sangatte (Pas-de-Calais), un centre d'hébergement d'urgence humanitaire géré par la Croix-Rouge et fermé en 2002 sous la pression de Londres, et permettait au Royaume-Uni, non membre de l'espace Schengen, de limiter le passage de ses frontières aux non-ressortissants de l'Union européenne ne disposant pas d'un visa.
Conséquence, si les agents britanniques estiment que les candidats à l'entrée sur le territoire ne remplissent pas les conditions, ils restent en France. Or, à l'époque, aucun des signataires n'avait prévu que les migrants seraient autant attirés par le Royaume-Uni… Résultat, la France se retrouve aujourd'hui avec des milliers de migrants à gérer sur son territoire.
2Qui veut les remettre en cause ?
Autre clause du traité : tout se joue au moment du départ, explique France Info. "Si la demande d’asile est formulée avant que le bateau ne parte pour l'Angleterre, c’est à la France de traiter la demande. Si elle est faite après le départ du bateau, c’est à l’Angleterre de s’en charger. Une fois à Douvres, si le demandeur se voit refuser sa demande, il est renvoyé à Calais."
Cette situation a conduit au "déplacement de la frontière" entre la France et le Royaume-Uni, déplore Xavier Bertrand dans Le JDD. De plus, le député de l'Aisne accuse le Royaume-Uni de n'apporter qu'"une micro-aide" à la crise migratoire de Calais et demande que le traité soit renégocié, "si les Anglais ne veulent rien entendre, rien comprendre et s'ils ne veulent pas prendre leur part au règlement de ce dossier."
La seule proposition anglaise c'est toujours plus de clôture, de barbelés, et de chiens, sur la côte d'Opale ? Je ne suis pas d'accord.
— Xavier Bertrand (@xavierbertrand) 3 Août 2015
De son côté, la maire de Calais, Natacha Bouchart (Les Républicains), accuse les Britanniques d'imposer leur loi aux Français : "Les Britanniques font ce qu'ils veulent, comme ils veulent et imposent leur loi sur nos frontières." L'édile appelle le gouvernement britannique à revoir rapidement ses conditions d'accueil et à renforcer la lutte contre le travail illégal, et invite le pays à ouvrir une zone de transit sur son territoire pour filtrer lui-même les migrants.
Avec @xavierbertrand @leJDD. Des solutions concrètes! Nous ne demandons pas l'aumône aux Anglais mais qu'ils prennent leurs responsabilités.
— Natacha BOUCHART (@NatachaBouchart) 2 Août 2015
En décembre 2013, le Premier ministre, Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, avait déjà souhaité une renégociation "de certains aspects des accords du Touquet".
Début juillet 2015, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNDCH) a dénoncé ces accords en estimant qu'ils "conduisent à faire de la France le bras policier de la politique migratoire britannique".
3Cette révision est-elle possible ?
Administrativement, la situation actuelle découle d'une douzaine d'accords signés sur le sujet entre 1989 et 2014, note 20 Minutes. D'autres accords bilatéraux ont été signés en 2009, 2010 et 2014, et prévoient que le Royaume-Uni finance les contrôles et la sécurisation des sites de transit dans le Calaisis.
Un changement des règles nécessiterait une remise à plat complète des traités, mais le dossier est complexe et sa durée de traitement pourrait être incompatible avec l'urgence de la situation.
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