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L'espace Schengen pour les nuls

A quelques jours des élections européennes, une partie de la droite et l'extrême droite réclament la fin de cette zone de libre circulation. De quoi parlent-elles ? 

Article rédigé par Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
La présidente du FN, Marine Le Pen, et le numéro deux du parti, Florian Philippot, à Apach (Moselle), le 16 mai 2014. (JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

Après deux mois de silence, Nicolas Sarkozy s’exprime dans une tribune publiée par Le Point du 22 mai. L'occasion pour l'ancien président de donner sa vision de l’Europe, à trois jours des élections européennes en France. Il appelle notamment à une refonte des règles communautaires concernant l'immigration. Dans sa ligne de mire : l’espace de libre circulation européen. "ll faut suspendre immédiatement Schengen I et le remplacer par un Schengen II auquel les pays membres ne pourraient adhérer qu'après avoir préalablement adopté une même politique d'immigration", écrit l'ex-chef d'Etat.

Autre politique critique à l'égard de Schengen : Marine Le Pen. Le 16 mai, la tête de liste du Front national dans le Nord-Ouest pour les européennes, s’est rendue sur les lieux où ont été signés les accords, au Luxembourg, pour mieux les dénoncer. D'après la présidente du FN, cette convention "rime avec l'explosion de l'immigration clandestine, les trafics et le laissez-passer pour la criminalité internationale", relaie Le Figaro. Au-delà de ces critiques, que recouvre la réalité de l'espace Schengen.

Schengen, c’est quoi exactement ?

Schengen c’est avant tout une petite ville du Luxembourg, dans "le pays des trois frontières", région où se rencontrent le Luxembourg, la France et l’Allemagne. Environ 4 000 habitants et rien de notable, jusqu’en 1985, lorsque l'accord sur la suppression des contrôles aux frontières européennes est signé sur le navire Princesse Marie-Astrid, ancré sur la Moselle. Les premiers signataires sont les trois Etats du Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg) - déjà liés par un accord de libre circulation - ainsi que l’Allemagne et la France.

La convention d’application de Schengen est signée en 1990, mais n'entre en vigueur qu'en 1995. C’est là que naît véritablement l’espace Schengen. Dès lors, tout individu, une fois entré sur le territoire d’un des pays de l’espace Schengen, peut franchir les frontières des autres pays sans avoir besoin de passeport, et sans subir de contrôle. En contrepartie, les Etats signataires renforcent considérablement les contrôles aux frontières extérieures de l’espace.

Quels sont les pays qui participent ?

Aujourd'hui, l’espace Schengen regroupe 26 Etats. Sur les 28 Etats-membres de l’Union européenne (UE), seuls 22 sont intégrés à la zone de libre circulation. Certains partenaires européens ont décidé de ne pas y participer, comme l’Irlande ou le Royaume-Uni. A l’inverse, quatre pays hors UE font partie de ce territoire : l'Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein.

Chypre, la Croatie, la Bulgarie et la Roumanie ont signé le texte, mais ne sont pas membres à part entière de l’espace Schengen. Le Conseil des ministres de l’Union européenne a bloqué l’intégration totale de ces deux derniers pays en septembre 2011, notamment en raison des lacunes des gouvernements en matière de mesures anticorruption et de lutte contre le crime organisé. 

Pourquoi ces accords font-il polémique ?

Ce que certains reprochent à l’espace Schengen, c’est sa soi-disant porosité avec l'extérieur. Les drames de Lampedusa, l’affaire Leonarda, les polémiques récurrentes sur les Roms et les sans-papiers ont mis au premier plan la question de l’immigration illégale dans le débat national. Une immigration illégale que la droite et l'extrême droite mettent sur le dos de l’espace Schengen. "On rentre en Europe comme dans un moulin", condamnait Marine Le Pen, le 17 mai, sur BFMTV. Un mois plus tôt, c’était le président de l’UMP, Jean-François Copé, qui affirmait : "Schengen ne marche pas bien et manque de pilotage politique, ce qui aboutit à ce que l'on ait des frontières poreuses", rapporte EurActiv.

Autre reproche : la concurrence entre travailleurs européens en ces temps de chômage. Il y a dix ans, on craignait l’arrivée du "plombier polonais". Aujourd’hui, c’est la "menace" d’une vague de main-d'œuvre bulgare ou roumaine sur le marché du travail qui se fait sa place dans les discours politiques. Depuis le 1er janvier 2014, Roumains et Bulgares sont libres de travailler dans l'ensemble de l'UE sans permis de travail. Ce qui est sans rapport avec l'espace Schengen, auxquels ces deux pays n'appartiennent pas encore. Néanmoins, ces accords font figure de bouc-émissaire à bon nombre de problèmes, problèmes que leurs détracteurs brandissent régulièrement : "Avec l'ouverture totale des frontières avec la Roumanie et la Bulgarie, les Roms deviendront  inexpulsables", s’exclamait Marine Le Pen, le 15 septembre 2013, comme le rappelle Libération.

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