Reportage "On ne fait pas de la politique, on est là pour sauver des vies" : en Nouvelle-Calédonie, les pompiers "dégoutés" d'être pris pour cible par des manifestants

Article rédigé par franceinfo
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Des fumées au loin sur une route principale de Nouméa (Nouvelle-Calédonie), le 16 mai 2024. (DELPHINE MAYEUR / AFP)
L'archipel connaît des violences depuis le vote du dégel du corps électoral à l'Assemblée nationale mardi. L'état d'urgence a été décrété mercredi.

Cinq personnes ont été tuées depuis le début des violences dans l'archipel sur fond de crise politique contre la réforme constitutionnelle dénoncée par les indépendantistes. Le premier ministre Gabriel Attal a annoncé l'interdiction du réseau social Tiktok mercredi puis l'envoi de forces de sécurité supplémentaires, jeudi 16 mai.

Le contrôle de plusieurs quartiers en Nouvelle-Calédonie "n'est plus assuré", a reconnu vendredi le représentant de l'Etat sur ce territoire français du Pacifique sud, espérant que des renforts permettront de "reconquérir" ces zones après quatre nuits de tensions. "Des renforts vont arriver (...) pour contrôler les zones qui nous ont échappé ces jours derniers, dont le contrôle n'est plus assuré", a déclaré devant la presse à Nouméa le Haut-commissaire de la République, Louis Le Franc, après avoir indiqué plus tôt dans la matinée que la situation en Nouvelle-Calédonie était "plus calme". 

"Une grande frustration de recevoir des appels et de ne pas pouvoir répondre"

Reste que les services de secours sont exténués, après des jours entiers de gardes, comme dans les hôpitaux, ou d'opérations, comme les pompiers. À la caserne du Dumbéa au nord de Nouméa, la capitale de la Nouvelle-Calédonie, le capitaine Bruno Chitussi n'a pas dormi depuis 36 heures. "Il y a des tours de garde qui peuvent faire 48 heures d'affilée et après on fait des relèves. Mais oui, la fatigue se fait sentir", explique le capitaine.

Lui et les autres pompiers assistent aux incendies de centres commerciaux et d'institutions. "C'est toujours un sentiment de grande frustration de recevoir des appels et de ne pas pouvoir répondre, dit-il. Lorsque nous quittons la caserne et que nous arrivons sur les lieux, nous avons autour de nous des dizaines de manifestants qui ont une hostilité certaine envers tout ce qui porte un uniforme."

"Vous êtes dans un contexte de guérilla urbaine, où vous n'êtes pas sûr de ramener l'intégralité des personnes et des moyens au centre de secours". 

Bruno Chitussi

à franceinfo

Une femme enceinte en fourgon blindé

Les routes sont barrées et les camions de pompiers caillassés donc ils n'interviennent que sous l'escorte des forces de l'ordre et refusent des appels pour se concentrer sur les urgences. "Un exemple très simple : nous avions une femme qui a dû accoucher, raconte Bruno Chitussi. Ce sont des fourgons blindés de la gendarmerie qui sont venus et c'est le fourgon blindé avec des personnels armés à son bord qui a fait le chemin jusqu'à l'hôpital territorial". 

S'en prendre aux soldats du feu, ça "dégoûte" confie le lieutenant Mauro Pizzolitto. "On est là pour sauver des vies, pas pour se faire caillasser." Le président de l'Union des Pompiers Calédoniens fait ce métier depuis 28 ans. Avant il a connu les événements de 1984, de 1988. Mais là, c'est pire selon lui. "Ça suffit, dit-il. On ne fait pas de la politique, on est là pour sauver des vies. On voit le Grand Nouméa détruit par des flammes. On en pleure, on subit. On n'a rien pu faire...". 

Pourtant, pompiers refusent de parler de peur ou de baisser les bras. Ils attendent quand même "avec impatience" les renforts de l'Hexagone.

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