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"Zones de sécurité prioritaire" : petite ville rurale, Méru n'en attend rien

Les habitants redoutent surtout que le plan du ministère de l'Intérieur débouche sur une stigmatisation accrue de leur commune.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le quartier de la Nacre, à Méru (Oise), régulièrement frappé par des violences urbaines depuis plusieurs années. (BASTIEN HUGUES / FTVI)

SOCIÉTÉ - À quelques kilomètres au sud de Beauvais (Oise), et à moins d'une heure de Paris, Méru et Chambly. Deux bourgades qui comptent respectivement 13 000 et 9 000 habitants, et qui, entourées de leurs champs de blé, ne ressemblent pas franchement aux quartiers sensibles des Tarterets à Corbeil-Essonne (Essonne) ou du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie (Yvelines). Pourtant, Méru et Chambly font bien partie des quinze "zones de sécurité prioritaire" (ZSP) dévoilées samedi 4 août par le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls. Quinze "zones test" où, dans les semaines et les mois à venir, policiers et gendarmes vont être appelés à mieux coordonner et à mieux cibler leurs actions pour une lutte plus efficace contre l'insécurité.

L'église de Méru, en plein cœur de la petite bourgade picarde. (BASTIEN HUGUES / FTVI)

"Encore associer Méru à la délinquance, ça me fait râler. C'est stigmatiser une ville qui ne le mérite plus", peste d'ailleurs dans Le Parisien le maire UMP de la ville, Yves Leblanc. Selon lui, la situation s'est nettement améliorée dans cette commune qui, essentiellement au début des années 2000, s'est distinguée à de nombreuses reprises pour des faits de violence, des échauffourées et des nuits d'émeutes. Au point, en septembre 2002, de pousser le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy à s'y rendre pour déclarer "la fin des zones de non-droit".

"On va nous coller l'étiquette d'une ville craignos..."

Dix ans plus tard, les rues de la ville comptent une cinquantaine de caméras de surveillance, la gendarmerie héberge la plus importante brigade du département et les habitants confirment qu'ils ont vu du changement. "Bien sûr, il y a encore quelques cambriolages, quelques voitures brûlées ou volées... Mais comme dans beaucoup d'endroits. Il y a quelques années, c'était vraiment devenu insupportable. Depuis, le calme est revenu dans l'ensemble, témoigne Fabienne, au chômage et habitante de Méru depuis quarante-cinq ans. Le principal problème maintenant, c'est les magasins et les entreprises qui ferment...".

Devant l'hôtel de ville, Michel acquiesce. Salarié dans une entreprise de BTP, ce quinquagénaire habite la ville depuis les années 1990, et lui aussi se désole qu'elle soit "placée au même rang que les quartiers chauds de la banlieue parisienne". "On n'est pas plus en insécurité ici qu'à Beauvais ou à Creil par exemple. Surtout, en lisant le journal, je ne vois pas bien ce que le fait d'être en zone prioritaire va nous apporter. En attendant, vous les journalistes, vous allez nous coller l'étiquette d'une ville craignos..."

A côté de Méru, Chambly, bourg aux allures paisibles et au centre-ville charmant, est lui aussi classé dans en "zone de sécurité prioritaire".  (BASTIEN HUGUES / FTVI)

Une crainte partagée par les habitants de la ville voisine de Chambly, incluse dans cette "zone de sécurité prioritaire". "Nous coller ce 'label' va être désastreux pour nous, s'inquiète un agent immobilier du centre-ville. Vous vous installeriez dans un endroit classé en 'zone de sécurité prioritaire', vous ?" Un peu plus loin, à la boulangerie située face à la mairie, une employée évoque cependant "une situation qui se dégrade" : "On ne peut plus laisser sa voiture dehors la nuit. Les gens nous le disent. C'est comme partout de toute façon. Moi, j'ai même été cambriolée en plein après-midi !" Dans une rue voisine, Serge confirme qu'à Chambly, "on connaît quasiment tous quelqu'un qui s'est fait cambrioler. Mais que voulez-vous faire ? Ajouter des gendarmes ? Combien ? Vous croyez qu'on va mettre un gendarme dans chaque rue ?"

Le syndicat Alliance déplore "une annonce médiatique"

Député-maire socialiste de la ville, Michel Françaix reconnaît que rien de concret n'est pour l'heure décidé. "On va d'abord discuter avec les forces de l'ordre, la préfecture, les élus, etc. pour savoir quels sont les moyens et quels sont les besoins. Et ensuite on prendra des décisions." Mais il sait déjà que la marge de manœuvre sera limitée, puisqu'aucun poste supplémentaire ne devrait être dédié spécifiquement aux zones de sécurité prioritaire.

De quoi susciter les plus vives réserves du syndicat Alliance, deuxième chez les gardiens de la paix, qui déplore "une annonce médiatique" dépourvue "d'information claire et précise sur la mise en œuvre" de ces premières zones ciblées, et reproche déjà à Manuel Valls "une absence totale de concertation". Et le syndicat de se dire "surpris, à la lecture de la circulaire ministérielle, de ne rien apprendre sur le fondement des missions, les effectifs et les moyens matériels affectés à ces quinze cibles".

Sur la paisible place du centre-ville de Chambly, on craint que le classement en "zone de sécurité prioritaire" fasse plus de mal que de bien à la commune. (BASTIEN HUGUES / FTVI)

Michel Françaix, lui, veut pourtant se réjouir du classement de sa ville en ZSP : "Faire de la politique, c'est anticiper. A Chambly, il n'y a pas de trafic d'armes ou de trafic de drogue, mais on observe de plus en plus de cambriolages ou de vols de voitures. Et dans huit cas sur dix, les délinquants viennent du Val-d'Oise ou de Seine-Saint-Denis parce que là-bas, il y a davantage de policiers. Alors moi, je préfère que nous intervenions avant qu'il ne soit trop tard, avant que ce havre de paix ne se retrouve en réelle difficulté dans quelques années."

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