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Génocide : la contre-attaque diplomatique et économique de la Turquie

Ankara a annoncé jeudi un premier train de sanctions contre la France, après l'adoption d'une proposition de loi pénalisant la négation des génocides. Des mesures économiques pourraient suivre.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, lors d'une conférence de presse à Ankara (Turquie), le 22 décembre 2011. (EVRIM AYDIN / ANADOLU AGENCY / EPA / MAXPPP)

Des sanctions diplomatiques, et bientôt économiques ? L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, jeudi 22 décembre, une proposition de loi pénalisant d'un an de prison et 45 000 euros d'amende la négation des génocides. Notamment le génocide arménien de 1915, reconnu par la France en 2001 et contesté par Ankara. Avant même l'arrivée du texte devant le Sénat, la Turquie a vivement réagi et annoncé de nombreuses sanctions contre la France.

• Les représailles politiques  

Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a ordonné le gel de la coopération politique et militaire avec la France. L'ambassadeur de Turquie en France a été rappelé pour consultations, les visites bilatérales prévues ont été annulées et les exercices militaires communs avec la France vont connaître le même sort. La Turquie statue désormais au cas par cas sur les demandes militaires françaises d'utiliser son espace aérien, et rejettera toute visite des ports turcs par des bâtiments de guerre français.

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Vendredi, Erdogan a par ailleurs accusé la France de génocide en Algérie.

Interrogé dans la soirée, le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a dit "regretter" les décisions de la Turquie et a appelé Ankara à ne pas "surréagir". Le Premier ministre turc a pourtant expliqué qu'il s'agissait là d'un premier train de sanctions contre la France et que, "progressivement", d'autres mesures pourraient être mises en œuvre. "La France ne donne de leçons à personne, mais la France n'entend pas en recevoir", a pour sa part réagi le président de la République depuis Prague.

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• Des représailles économiques ?

Les produits français pourraient être boycottés en Turquie. Le ministre des Affaires étrangères turc, Egemen Bagis, a précisé que les sanctions pourraient porter sur les secteurs où la France tire son épingle du jeu, comme "les cosmétiques, les parfums, l'habillement". Et "les entreprises françaises pourraient être supplantées de manière discrétionnaire lors d'appels d'offres", selon Les Echos. En revanche, la piste d'un embargo sur les produits français semble exclue, car Ankara s'exposerait à des pénalités de la part de l'Organisation mondiale du commerce, qui interdit ces pratiques.

En 2006, après l'adoption à l'Assemblée d'une loi similaire sur le génocide arménien (enterrée par le gouvernement avant son vote au Sénat), la France avait été visée par des appels au boycott. Lancés par des associations de consommateurs turcs, ces appels avaient été peu suivis et avaient touché principalement le groupe Carrefour, comme le rappelle Le Nouvel Obs.

Ces tensions interviennent alors que les deux pays "n'ont jamais eu de relations économiques aussi bonnes", selon Bastien Alex, chercheur à l'Iris cité par L'Expansion. Un millier d'entreprises françaises comme Renault, Axa et Areva sont implantées en Turquie, hissant la France au deuxième rang des investisseurs étrangers dans le pays. La France est aussi le deuxième débouché à l'exportation et le sixième fournisseur de la Turquie.

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