Grigny, Marseille : ces mères qui menacent de dénoncer leurs fils
Qu'il s'agisse de l'attaque d'un RER ou de règlements de comptes mortels, des mères de famille se disent prêtes à collaborer avec la police. Décryptage.
La démarche est troublante. Des mères de famille se sont dites prêtes, ces derniers jours, à dénoncer leur(s) fils délinquant(s). A Grigny (Essonne), certaines d'entre elles, dont l'enfant était absent au moment d'une vaste interpellation, mercredi 27 mars, après l'attaque d'un RER, auraient promis, selon Le Parisien, de le livrer. A Marseille, plusieurs d'entre elles ont appelé à dénoncer leurs garçons impliqués dans des trafics, pour mettre fin aux règlements de comptes.
"Ce n'est pas être une balance que de dénoncer les enfants qui font ça, ces trafics. C'est d'abord les aimer", a témoigné dans La Provence et sur RMC la mère de Nabil, 19 ans, retrouvé carbonisé dans une voiture mi-mars, dans le 14e arrondissement de la cité phocéenne.
Un cri de détresse relayé par Nora Preziosi, adjointe au maire (UMP) de Marseille, chargée de la famille. "Je veux lancer un appel à toutes les mères, toutes les femmes des cités, qui sont impliquées dans leur quartier. Qu'elles parlent, qu'elles n'aient plus peur de le faire. Il faut que nous prenions en charge nos enfants dès la maternelle. Après, c'est trop tard."
Les mères au pied des immeubles ?
L'élue, dont le neveu a également été tué dans un règlement de comptes, propose de "fermer les accès des cités, avec des portails électriques, avec l'aide des bailleurs. Ensuite, les mères doivent descendre, au pied des immeubles, pour empêcher les trafics. Il faut réinvestir le terrain, sortir, ne plus se laisser terroriser. Faisons-le pour nos enfants."
A Marseille, les règlements de comptes impliquent parfois des mineurs. A Grigny, treize jeunes âgés de moins de 18 ans figurent parmi les seize personnes interpellées pour avoir détroussé les passagers d'une rame du RER D, samedi 16 mars. Pour Claude Lapierre, délégué départemental du syndicat de police SGP-FO, contacté par francetv info, il est assez "rare" qu'autant de mineurs soient impliqués. Mais il n'est pas surprenant, selon lui, que les parents collaborent. "Bien souvent, ils sont dépassés et surpris par le comportement de leur enfant", constate-t-il. Mais "en tant que parents, c'est en amont qu'il faut faire le travail, avant que la bêtise soit faite".
Sur le terrain, les éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) comme les travailleurs sociaux refusent de parler de parents "démissionnaires" ou "permissifs". Ils sont seulement "en difficulté", relève la responsable d'une association d'entraide à Grigny. "Les enfants passent un peu au second plan quand les parents se préoccupent de pouvoir payer le loyer à la fin du mois", relève-t-elle. Des parents particulièrement frappés par la crise économique et sociale dans certaines zones du territoire. D'autant qu'il s'agit parfois de familles monoparentales. Dans ce cas, "il faut trouver un relais adulte à l'extérieur du foyer", insiste-t-elle.
"Une avalanche de lois sécuritaires"
Face au désarroi des parents, une nouvelle loi
Démunies, les mères doivent-elles pour autant se substituer à la police, voire s'en remettre à elle ? "Cette démarche est touchante car elle traduit un désir de se responsabiliser et trahit la solitude de ces mères, poursuit Maria Ines. Dans le même temps, ce positionnement fait froid dans le dos car il cautionne le discours selon lequel elles sont responsables de cette situation pour s'être trop longtemps tues." Selon l'éducatrice, cet appel à la dénonciation risque en outre d'être récupéré par "les tenants de la délation". Comme le rapporte Ouest-France, la police marseillaise tente de sensibiliser la population à un "sursaut citoyen" pour qu'elle lui fournisse des renseignements. Et le préfet de police des Bouches-du-Rhône, Jean-Paul Bonnetain, envisage de mettre en service un numéro vert garantissant l'anonymat. "Une dérive gravissime, qui se substitue aux politiques publiques d'accompagnement des parents", estime Maria Ines.
De son côté, la ministre de la Justice, ChristianeTaubira, souhaite qu'un accompagnement éducatif de l'enfant précède le prononcé de la peine par le juge. Une mesure qui devrait figurer dans la loi sur la justice des mineurs prévue pour être présentée avant la fin de l'année au Parlement. Celle-ci doit supprimer également les tribunaux correctionnels pour mineurs. En attendant, le nombre de détenus âgés de moins de 18 ans continue d'augmenter. Ils étaient 729 incarcérés au 1er mars (+ 1,1% sur un mois), selon les dernières statistiques mensuelles de l'Administration pénitentiaire.
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