: Vidéo "Complément d'enquête" révèle comment Amazon surveille les syndicats (et espionne leurs responsables sur les réseaux sociaux)
Des rapports alertant sur de "possibles grèves" ou décrivant par le menu la moindre distribution de tracts, et même des agents chargés d'épier les responsables syndicaux sur Facebook... Documents confidentiels et témoignage à l'appui, cet extrait de "Complément d'enquête" révèle jusqu'où irait Amazon pour surveiller les syndicats.
La plateforme Amazon, numéro un mondial de la vente en ligne, est souvent accusée de mettre ses salariés sous pression. Et pour empêcher toute forme de contestation qui nuirait au business, son PDG et fondateur Jeff Bezos n'hésite pas à combattre les syndicats. Au besoin en les tuant dans l'œuf, comme en Alabama (Etats-Unis), où une féroce campagne antisyndicale vient de faire échouer une tentative historique.
Sur le Vieux Continent, le patron d'Amazon est bien obligé de composer avec les organisations syndicales. Mais elles sont surveillées de près, parfois au mépris de la légalité. Cet extrait de "Complément d'enquête" (à voir le 22 avril 2021) met en lumière des méthodes pour le moins contestables. Elles sont dévoilées par des documents confidentiels que les journalistes du magazine se sont procurés.
"L'activité fréquente des syndicats représente une menace", écrit un rapport
Ce sont des rapports émanant d'un service interne de sécurité d'Amazon, chargé d'évaluer les risques auxquels l'entreprise est exposée. Par pays et par entrepôt, ils répertorient l'"exposition aux vols de marchandise", les "possibilités d'attaque terroriste" ou, plus énigmatique, "l'environnement opérationnel". En fait, une périphrase pour renseigner l'activité syndicale de la région, par exemple de "possibles grèves". "L'activité fréquente des syndicats représente une menace", écrit ainsi l'un de ces rapports.
"Mardi 10 mars 2020 : entre 12h15 et 13h15, deux membres de la CGT (deux membres d'Amazon) ont distribué des tracts"
(mail interne)
D'après les informations de "Complément d'enquête", toutes les actions syndicales, même une simple distribution de tracts, seraient minutieusement répertoriées. Mais il y aurait plus grave : ce genre d'action locale serait transmise à des "intelligence analysts", des analystes du renseignement d'Amazon, répartis en Europe et aux Etats-Unis.
"Complément d'enquête" a retrouvé l'un d'eux. L'ancien agent n'a pas souhaité être filmé, mais il a accepté que ses propos soient enregistrés. Selon lui, les analystes espionneraient les leaders syndicaux sur les réseaux sociaux, quitte à plonger dans la vie privée de leurs cibles.
Des agents d'Amazon écumeraient les réseaux sociaux sous de faux profils
Leurs "couvertures" ? De faux profils tels qu'un pseudo féminin avec une photo de chat, selon le témoin. "On va sur Facebook, Twitter, explique-t-il, et on navigue sur les groupes, les profils. On regarde s'il y a des manifestations ou des actions à venir. (...) Si quelqu'un a bloqué son profil, il suffit de trouver un ami de cette personne, au profil ouvert. Et là, si la personne ciblée s'y est exprimée, vous obtenez des informations sur elle." Et parfois sur une action en préparation...
Sensible, la période de Noël serait particulièrement surveillée. "Les syndicats disent : 'Amazon gagne beaucoup d'argent à cette période, mais ne paye pas plus', etc. Bref, ils sont en colère, poursuit le témoin. Vous voyez passer un message : 'Rendez-vous demain à 7 heures.' Là, vous prévenez la direction, la police locale... Vous court-circuitez les manifestants, et au final, c'est le droit de manifester auquel on porte atteinte."
Contactée par mail, la direction d'Amazon réfute le recours à de telles pratiques, illégales, et affirme respecter les droits syndicaux sur chacun de ses sites.
Extrait de "Jeff Bezos, le monde est à lui ?" un document à voir dans "Complément d'enquête" le 22 avril 2021.
> Les replays des magazines d'info de France Télévisions sont disponibles sur le site de Franceinfo et son application mobile (iOS & Android), rubrique "Magazines".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.