Amende infligée à Google : "On place les consommateurs dans une situation de dépendance"
Nicolas Arpagian, ancien directeur scientifique du cycle "sécurité numérique" à l'Institut national des hautes études de la Sécurité et de la Justice, estime sur franceinfo que l'hégémonie de Google "enferme" finalement les utilisateurs.
C'est une amende record de 4,3 milliards d'euros infligée par la Commission européenne à Google. "Ce qui est intéressant, ce sont les montants", a déclaré mercredi 18 juillet sur franceinfo Nicolas Arpagian, ancien directeur scientifique du cycle "sécurité numérique" à l'Institut national des hautes études de la Sécurité et de la Justice, car "on passe l'étape d'un montant fixe à des montants qui sont proportionnels au chiffre d'affaire de ses entreprises". Selon Nicolas Arpagian, "les concurrents sont moins à même de proposer des solutions alternatives. On place les consommateurs dans une situation de dépendance". La Commission européenne a condamné l'entreprise pour abus de position dominante avec son système d'exploitation mobile Android et donne 90 jours à Google pour mettre ses pratiques en conformité.
franceinfo : Qui est lésé dans cette affaire : les concurrents de Google ou les utilisateurs ?
Nicolas Arpagian : Les deux. D'une part, les concurrents sont moins à même de proposer des solutions alternatives. De l'autre, on place les consommateurs dans une situation de dépendance. C'est-à-dire que s'ils n'ont pas eux-mêmes la curiosité de chercher un autre moteur, de compléter les applications qu'ils ont dans leur téléphone avec un autre système de recherche qui peut être Qwant ou Bing, de manière à créer une alternative à la puissance de Google, (...) ils restent dépendants à Google.
Est-ce qu'on est dans un scénario similaire à ce qu'il s'était passé il y a près de 20 ans avec Windows et Microsoft ?
C'est exactement le même système. Les autorités européennes considèrent qu'il y a un péril à voir un monopole s'installer. En 1998, d'ailleurs, la Commission avait même envisagé de demander à Microsoft de se scinder en deux, de se découper comme on l'avait fait avec les grandes compagnies pétrolières au début de la Révolution industrielle. (...) Par contre, ce sont des agendas qui durent sur plusieurs années, voire des décennies. (...) Nous sommes dans des procédures judiciaires qui, en général, ne freinent pas le développement économique puisqu'elles se font en parallèle. C'est vraiment une particularité et, généralement, la Commission était plutôt du genre à revoir sa copie ou à être moins exigeante car il y a une bataille de procédures pour relativiser et contester chacun des points. Ce qui est intéressant, ce sont les montants. On passe l'étape d'un montant fixe à des montants qui sont proportionnels au chiffre d'affaire de ses entreprises, c'est comme ça qu'on arrive à ces volumes et c'est une chose à laquelle on n'est pas forcément habitué dans le cadre de la règlementation française.
Est-ce que c'est une stratégie chez Google de se dire 'ce qu'on fait est illégal mais en écrasant la concurrence, les profits sont tels que derrière, payer une amende n'est pas si grave' ?
Cela reste des sommes d'argent conséquentes et puis il y a l'atteinte à la réputation, le fait de montrer que c'est une entreprise qui ne traite pas d'égal à égal ses compétiteurs, ce n'est jamais plaisant. C'est aussi la suite possible d'autres procédures. En revanche, ce qui est certain, c'est que vous créez des habitudes. À partir du moment où Android est le système le plus présent, que vous avez pris par la main une part conséquente de vos consommateurs en les amenant à la technologie Google, (...) vous façonnez leur environnement numérique et vous créez une sorte de réflexe qui est de dire 'quand j'ai besoin de chercher une information, j'utilise Google'. Et donc, vous les enfermez, du moins vous les contenez et quand vous complétez cela avec Google Maps, Google Shopping, il y a un tableau qui se dessine, qui compose toute votre vie numérique et qui empêche des opérateurs alternatifs. Mais pour en revenir au montant de l'amende, dès lors que l'unité de compte devient le milliard d'euros, c'est forcément un sujet.
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