"La fin de l’impunité" sur Internet ? Le projet de loi pour sécuriser et réguler l'espace numérique examiné par les députés
La loi sur Internet voulue par le gouvernement débarque à l’Assemblée nationale. Le Palais Bourbon commence, mardi 19 septembre, l’examen du projet de loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique. Plusieurs objectifs sont annoncés : lutte contre la désinformation en ligne et le cyberharcèlement, la protection des mineurs face à la pornographie et un filtre protégeant des escroqueries. Dans un entretien au journal Le Monde, publié lundi (article réservé aux abonnés), le ministre délégué chargé de la Transition numérique défend son projet de loi : "Nous avons un impératif qui est celui de faire cesser l’impunité et la loi du plus fort en ligne."
Une transposition du droit européen
Le texte a été voté en première lecture par le Sénat début juillet et le gouvernement espère ainsi responsabiliser les grandes plateformes, que ce soit Facebook, Instagram, Twitter, Google ou Amazon. La vocation principale de ce projet de loi est bien de limiter les dérives que l'on observe sur ces différentes plateformes.
Le texte est une transposition dans le droit français de certaines mesures mise en place par l'Union européenne avec le Digital Services Act. Il s’agit du règlement sur les services numérique qui est entré en vigueur fin août avec un mot d'ordre : ce qui est illégal hors ligne doit aussi l'être en ligne. Ce projet de loi "vient concrétiser dans notre droit français un règlement que la France a porté l'année dernière, qui a été adoptée par toute l'Union européenne et qui, pour la première fois, impose aux grandes plateformes de réseaux sociaux de se soucier des conséquences qu'elles ont sur le monde et sur leurs utilisateurs, et en particulier sur la santé de leurs utilisateurs”, a expliqué le ministre délégué chargé du Numérique, Jean-Noël Barrot, sur France Inter mardi.
Éviter des drames liés au cyberharcèlement
Des internautes pourront donc ainsi être bannis des réseaux sociaux, s’ils sont condamnés pour cyberharcèlement ou diffusion de contenus haineux. Le juge pourra demander au réseau social de suspendre le compte et d'empêcher toute réinscription. Le ministre l’affirme, ce projet de loi doit permettre d'éviter des drames comme le suicide de Marie, victime de harcèlement. Les parents de l’adolescente de 15 ans ont décidé de porter plainte contre TikTok, une première en France, pour notamment "provocation au suicide” et "non-assistance à personne en péril".
Le député Renaissance Paul Midy, rapporteur général de la commission spéciale sur ce projet de loi, veut déposer plusieurs amendements pour mettre fin à l'anonymat des harceleurs qui se cache bien souvent derrière des pseudonymes. Selon lui, il y a un "sentiment d'anonymat sur les réseaux sociaux qui génère un sentiment d’impunité”. Le député de l’Essonne veut "appliquer un principe : oui au pseudonymat, et non à l’anonymat”.
Mais certaines voix critiquent le projet du gouvernement notamment la Quadrature du Net. L'association de défense et de promotion des droits et libertés sur Internet estime qu'"en voulant instaurer une censure autoritaire et extra-judiciaire, en voulant mettre fin à l’anonymat en ligne et en répétant les erreurs déjà commises avec la loi Avia, le gouvernement fait une nouvelle fois fausse route."
Protection des mineurs face au porno en ligne
Une autre mesure est envisagée, cette fois pour lutter contre les arnaques. Un filtre anti-arnaque est censé être mis en place pour protéger les Français qui reçoivent des mails ou des SMS frauduleux, c’est-à-dire ces messages qui vous incitent à régler des amendes impayées inexistantes. Le projet de loi numérique prévoit un message d'alerte qui serait envoyé par les fournisseurs d'accès pour éviter toute escroquerie. La publicité ciblée sur les mineurs ou à partir de données sensibles sera interdite et les sanctions peuvent aller jusqu'à 6% du chiffre d’affaires mondial des plateformes.
Mais certaines mesures vont être difficiles à mettre en place celles concernant le contenu pornographique en ligne accessible aux mineurs. Le gouvernement veut que les sites pornographiques vérifient mieux l’âge de leurs utilisateurs pour empêcher les mineurs de tomber sur ce genre de contenu. Il s’agit d’une promesse en 2019 à l'Unesco faite par Emmanuel Macron lors de la Journée internationale des droits de l’enfant.
Mais pour le moment, aucun moyen technique d'identification de l'âge n'a été mis au point. La difficulté est de préserver l'anonymat des internautes tout en vérifiant leur identité. Un bras de fer est d'ailleurs en cours entre les sites, plutôt récalcitrants, et le gouvernement qui veut imposer ce système de contrôle. Le projet de loi que les députés commencent à examiner confie à l'Autorité de régulation du numérique (Arcom) le pouvoir de sanctionner et bloquer les sites concernés.
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