Pornographie : "La fréquentation des sites internet par les mineurs" doit être "une priorité de santé publique", estime la sénatrice socialiste Laurence Rossignol
"La consommation et la fréquentation des sites internet par les mineurs" doit être "une priorité de santé publique", a estimé dimanche 7 mai sur franceinfo la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, co-rapporteuse d’une enquête sur l’industrie pornographique en France, alors que le gouvernement entend confier à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) le pouvoir d’ordonner, sans passer par un juge, le blocage par les opérateurs et le déréférencement des sites pornographiques qui n’empêchent pas les mineurs d’accéder à leur contenu. Pour l'élue de l'Oise, il faut que l'Arcom ait "les moyens pour surveiller ce qu'il se passe" sur internet.
franceinfo : Est-ce que cette mesure correspond exactement à ce que vous imaginiez ?
Laurence Rossignol : Ecoutez, oui. Je me réjouis que le gouvernement ait repris une des propositions qu'on faisait parce qu'il y a une loi qui a été votée en 2020 et qui impose aux sites pornographiques de vérifier l'âge des visiteurs. Or, cette loi n'est pas appliquée parce que les sites traînent des pieds, arguant de solutions technologiques impossibles à mettre en œuvre, de difficultés techniques, et nous n'arrivions pas jusqu'à présent à faire appliquer la loi. Les sites considèrent que non seulement ils ont une obligation légale, mais que c'est à nous de fournir les moyens technologiques de cette obligation légale.
"C'est la première fois qu'on nous dit qu'on ne peut pas appliquer la loi parce qu'on n'a pas de solution technologique. Or, les solutions technologiques existent."
Laurence Rossignol, sénatrice PS de l'Oiseà franceinfo
Pour d'autres choses, le monde de l'Internet se débrouille très bien tout seul pour inventer des solutions technologiques diverses sans demander au législateur ce qu'ils en pensent. Donc là, on a fait une proposition de loi pour que l'Arcom puisse directement, par une décision administrative, ordonner le blocage des sites qui ne se conformeraient pas à l'obligation d'empêcher les mineurs de venir les visiter.
Est-ce qu'on a les moyens de faire appliquer cela ?
Les moyens... C'est une question de volonté politique et de volonté de de la puissance publique. Cela passe par des moyens humains pour surveiller ce qu'il se passe sur le Net. Ainsi, l'Arcom peut tout à fait avoir les moyens de faire appliquer la loi, il suffit qu'on lui en donne les moyens en termes de personnel et qu'on admette que la consommation et la fréquentation des sites internet par les mineurs est une priorité de santé publique.
Le gouvernement teste depuis mars une nouvelle solution de vérification d'âge pour l'accès aux sites pornographiques. Certains craignent un fichage. Que leur répondez-vous ?
Il faut choisir non pas simplement des solutions technologiques. Il faut choisir entre ce qu'on pourrait considérer comme étant des inconvénients.
"Aujourd'hui, Internet est un espace de délinquance planétaire, c'est une jungle dans laquelle il est très difficile de faire respecter la loi."
Laurence Rossignol, sénatrice PS de l'Oiseà franceinfo
Il n'y a aucune raison que ce qui est interdit dans la vie réelle soit possible sur Internet. Et quand je parle d'inconvénients à évaluer, il faut se poser la question : est-ce qu'il faut combattre la délinquance sur internet et protéger les enfants ou est-ce qu'il faut protéger les consommateurs adultes de porno qui veulent pouvoir consommer du porno tout en préservant leur anonymat ? Moi, mon choix, c'est la préservation des mineurs, la protection des enfants plutôt que celui de l'anonymat des consommateurs de porno.
Si ces gens ont honte de ce qu'ils font et qu'ils ne veulent pas donner leur identité quand ils consomment du porno, ils n'ont qu'à arrêter d'en consommer. Quand vous faites n'importe quelle démarche sur Internet, quand vous faites le moindre achat, vous donnez vos coordonnées, vous donnez votre adresse, votre adresse email, votre numéro de téléphone. Et donc personne ne se plaint à ce moment-là de ne pas être protégé par l'anonymat !
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