Les drogues peuvent être injectées, ingérées ou fumées mais aussi, désormais, écoutées
Des fichiers musicaux téléchargeables promettent de faire ressentir à leurs "consommateurs" des effets semblables à ceux provoqués par le LSD ou la cocaïne.
Ces "substances numériques" reposent sur la technique des battements binauraux.Cette dernière consiste en l'émission dans chaque oreille de deux sons semblables mais dont la fréquence diffère, ce qui a pour conséquence d'altérer les ondes cérébrales.
Le site I-Doser.com, qui revendique la place de leader sur le marché des battements binauraux, propose sur sa boutique en ligne, depuis 2005, près de 200 "doses" différentes, pour lesquelles l'utilisation d'un casque stéréo est indispensable et dont le prix varie entre 2,50 et 199,95 dollars. Disponible depuis 2007 sur le site de téléchargement américain Cnet.com, le programme d'écoute a été téléchargé plus de 1,4 million de fois, dont quelque 18.000 la semaine passée.
Les deux fichiers les plus chers, baptisés "Gate of Hades" et "Hand of God" et d'une durée de 30 minutes, peuvent au choix, selon leur description, plonger l'utilisateur dans ses pires cauchemars ou lui faire atteindre un état de béatitude. Entre chaque prise, les concepteurs conseillent de s'administrer un "reset", un son de 20 minutes censé dissiper les effets des écoutes précédentes.
Interrogée sur la possibilité d'addiction que pouvaient occasionner ces sons, la neuropsychologue, Brigitte Forgeot, qui a rédigé un mémoire sur les effets cliniques et neuropsychologiques des sons binauraux, a estimé qu'il n'y avait "pas de risque". "Il est possible grâce à cette méthode d'amener le cerveau à produire des ondes voulues : par exemple, des ondes lentes, comme les ondes alpha, associées aux états de relaxation, ou encore des ondes plus rapides, comme les ondes bêta, associées à des états de vigilance et de concentration". Elle ajoute que "l'effet des sons cesse dès qu'on stoppe l'écoute", soulignant toutefois que "l'utilisation intensive de sons stimulants peuvent générer à la longue des troubles du sommeil ou de l'anxiété comme peut le faire l'utilisation de beaucoup de psychostimulants".
"Il ne s'agit pas d'une drogue dans la mesure où il n'y a pas d'accoutumance au 'produit', ni de besoin d'augmenter des doses. Pour autant, l'effet n'est pas virtuel, il existe de véritables effets, mesurables par des tests", a-t-elle précisé, ajoutant que "les risques existent plutôt pour des personnes fragiles qui seraient tentées de masquer ainsi, voire de traiter, leur mal-être".
"Il n'y a pas d'inquiétude à avoir"
S'inspirant du fonctionnement des trafics de drogues réels, I-Doser.com propose d'abord d'essayer plusieurs de ses produits gratuitement. Il s'appuie également sur un réseau de revendeurs ("dealers") recrutés par le site et rémunérés à hauteur de 20% du tarif des "doses" qu'ils réussissent à écouler.
Même si elles indiquent avoir connaissance de ces "drogues" d'un genre nouveau, les autorités se veulent rassurantes. "On n'a pas de remontée du terrain concernant ce phénomène. Rien ne dit qu'il soit en train d'émerger. Il n'y a pas d'inquiétude à avoir", a assuré la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt).
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