Documentaire d'Inoxtag sur l'Everest : "Quand il est parti, il était bien plus préparé que la plupart des autres", selon l'alpiniste François Damilano

Article rédigé par Claire Guédon
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le Youtubeur Inoxtag s'était lancé en 2023 comme défi de gravir l'Everest. (CAPTURE D'ÉCRAN / INOXTAG SUR YOUTUBE)
Le créateur de contenu Inoxtag sort le film de son entraînement et sa tentative d'ascension de l'Everest vendredi au cinéma. Un phénomène qui traduit une tendance, selon l'alpiniste François Damilano, mais qui, pour autant, montre l'exemple.

Certains alpinistes dénoncent une opération purement commerciale, pendant que des millions d'internautes n'attendent qu'une chose : savoir si l'influenceur Inoxtag a bien gravi le sommet de l'Himalaya. En 2023, il annonçait son projet de monter sur le plus haut sommet du monde, l'Everest.

Après une préparation d'un an, le 6 avril dernier, le jeune influenceur, de son vrai nom Inès Benazzouz, prévenait ses abonnés qu'il ne publierait rien pendant deux mois pour se consacrer à l'ascension de l'Everest. Il n'a néanmoins jamais confirmé s'il avait réussi son ascension. Un suspens qui prendra fin vendredi 13 septembre, avec la sortie du documentaire de son expérience qui sort en salle, puis sur la plateforme YouTube.

Alors, ce phénomène traduit-il une "tendance" autour de l'alpinisme, de l'Everest ? Pour l'alpiniste et guide de haute montagne François Damilano, il s'agit d'abord de distinguer deux notions : "Il y a une petite confusion entre pratiquer l'alpinisme et cocher la croix de faire le Mont-Blanc, faire l'Everest." Selon lui, "souvent, la porte d'entrée pour découvrir l'alpinisme, pour découvrir la montagne, ce sont les sommets emblématiques. Les gens se réveillent un matin parce qu'ils ont vu des images, ils ont lu des livres ou ils en ont parlé au dernier dîner, et se disent 'Ce serait chouette de faire le Mont-Blanc, de faire l'Everest'".

Ce n'est donc pas étonnant si le youtubeur Inoxtag a choisi le plus haut sommet de l'Himalaya, qui est un "emblème, un podium" pour son projet. "Ce n'est pas nécessairement pratiquer l'alpinisme, mais en même temps, c'est une porte d'entrée pour découvrir cette activité, analyse François Damilano. C'est une fois qu'on se sera débarrassé de ces lieux emblématiques qu'on va voir et découvrir ce qui se passe ailleurs."

L'alpinisme, "c'est en faisant qu'on l'apprend"

L'alpiniste, qui vient de sortir un livre, Les quatorze 8000, sur les plus hauts sommets les plus hauts dans le monde, dénonce même un certain "snobisme", voire "sectarisme", de la part "d'une partie du milieu, dont je fais partie", reconnaît-il, "d'avoir un regard extrêmement condescendant vis-à-vis des gens qui rêvent de faire ces grands sommets et qui se jettent dedans à corps perdu". Alors qu'au contraire, "c'est en faisant qu'on apprend, l'alpinisme, ça s'apprend", revendique François Damilano.

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Concernant l'ascension d'Inoxtag en particulier, l'alpiniste a bien remarqué que "d'entrée de jeu, ça a clivé le milieu, comme s'il y avait des bons alpinistes et des mauvais alpinistes, déplore-t-il.

"Qui décide de la légitimité d'être alpiniste ? Pourquoi moi, en tant que guide de haute montagne ou performeur alpiniste, je serais plus légitime qu'Inoxtag pour aller à l'Everest ?"

François Damilano, alpiniste

à franceinfo

Selon François Damilano, ce qui a pu déranger, c'est qu'il "arrive de nulle part, il annonce qu'il va le faire alors qu'il n'a jamais mis les pieds en montagne, et en plus, il annonce qu'il va trouver les sous pour le faire, donc évidemment, ça fait réagir des gens". Sauf que le youtubeur a su prendre ce défi avec humilité, rappelle l'alpiniste. "Il s'est adressé à un guide de haute montagne, et pas n'importe lequel", estime-t-il. En effet, Inoxtag s'est tourné vers Mathis Dumas, qui se définit lui-même comme influenceur et guide de haute montagne.

Le milieu et sa "pointe de mépris envers ce jeune"

Ce dernier a accepté le défi d'Inoxtag, tout en le prévenant, rappelle François Damilano. "Il lui dit 'on ne va pas faire comme un certain nombre de caricatures que l'on voit aller directement à l'Everest, tu vas te préparer, tu vas découvrir l'alpinisme'. Pendant un an, ils ont pratiqué. Inoxtag est venu dans les Alpes, il a pratiqué l'escalade en cascade de glace, il a fait des bivouacs en hiver, il a découvert le ski de randonnée. Ils sont allés une première fois au Népal et ont fait un sommet, pas si facile que ça." Des étapes de préparation que les internautes ont d'ailleurs pu suivre sur la chaîne Youtube du créateur de contenu.

"Ce qui fait que quand il est parti à l'Everest, il était bien plus préparé que la plupart des prétendants qui sont à la queue leu leu le jour du sommet, reconnaît François Damilano. Il regrette alors que son milieu "continue d'avoir cette forme de condescendance, voire une pointe de mépris envers ce jeune qui a mis en place tous les moyens pour apprendre l'alpinisme au mieux qu'il pouvait pour son projet". Une attitude "tout à fait déplacée", ajoute-t-il.

Pour autant, il reconnaît qu'il "se passe des choses particulières sur la voie normale de l'Everest, avec tous les excès dus à des pics de fréquentation", avec notamment la pollution de certains lieux, qui peut être causée par le tourisme sur ces sommets. Pour autant, selon lui, ce sont aux autorités locales d'instaurer des quotas. "C'est une question de régulation d'un marché."

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