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Bientôt, chaque "like" sur Facebook vous coûtera 10 centimes

Bien sûr, ce titre est totalement faux. Mais si vous lisez ceci, c'est que vous avez cliqué. Franceinfo tente justement d'expliquer pourquoi les articles relayant de fausses informations marchent si bien.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Il faudra bientôt payer pour "liker" sur Facebook… mais non, on rigole ! (MAXPPP)

Ça a marché, vous avez cliqué ! Autant vous prévenir tout de suite, le titre de cet article est 100% faux. Pourtant, ça ne l'empêcherait sans doute pas d'être abondamment partagé sur les réseaux sociaux. Après l'élection de Donald Trump, une polémique a éclaté sur l'influence des informations fantaisistes circulant en ligne. "Je pense qu'il est à la Maison Blanche à cause de moi", s'est ainsi flagellé Paul Horner, 38 ans, créateur de faux sites d'information. Il pense avoir influencé l'opinion de millions d'Américains avec ses articles inventés de toutes pièces et relayés sur les réseaux sociaux.

Alors que Facebook a annoncé une série de mesures pour lutter contre ce fléau, franceinfo tente d'expliquer pourquoi nous sommes tant attirés par les articles traitant de fausses informations. (Car oui, si vous lisez ces lignes, c'est que vous avez cliqué à cause du titre, qui est totalement inventé.)

Parce que l'on veut des infos croustillantes

Le sensationnalisme n'est pas nouveau et a encore de beaux jours devant lui. "Il est au moins aussi vieux que la presse et ne fait qu'être recyclé de support en support", rappelle à franceinfo le sociologue Pascal Froissart, maître de conférences en sciences de l'information et de la communication à l'université Paris VIII. Pour ce chercheur, auteur de La Rumeur. Histoire et fantasmes (éd. Belin), la véracité d'une information ne fait pas sa popularité ou sa viralité.

Une information vraie ne circulera pas mieux qu'une information fausse. Ce qui va faire la différence, c'est son habillage.

Pascal Froissart, sociologue

à franceinfo

Pour attirer le lecteur, il faut donc une accroche tape-à-l'œil et une information croustillante. Mais il faut que l'ensemble ne soit pas trop éloigné de la réalité. "Peu importe que [la fable] soit vraie, tant qu'elle paraît plausible", dit le sociologue Gérald Bronner, auteur de La Démocratie des crédules, dans une interview accordée en 2014 au quotidien Les Echos.

En novembre 2015, un homme affirmant s'appeler Phuc Dat Bich a trompé des médias du monde entier, et même des institutions comme le quotidien britannique The Independent ou encore l'AFP reprise par franceinfo. Il protestait car Facebook avait fermé son compte à plusieurs reprises à cause de son nom : "Phuc Dat Bich" donne phonétiquement "Fuck that bitch" (intraduisible ici si l'on veut rester poli). Sauf qu'il a révélé avoir inventé cette histoire de A à Z. "Il ne faut pas faire confiance aux médias, qui sont détournés par des journalistes affamés masquant la vérité", a-t-il déclaré au Guardian (en anglais).

Parce que ces fausses infos sollicitent nos émotions

Le levier émotionnel est souvent ce qui nous pousse à cliquer sur un lien vers un article, que cela nous amuse, nous attendrisse, nous effraie ou nous révolte. Pour le dictionnaire britannique Oxford, le mot "post-truth" (post-vérité) est celui de l'année 2016, et désigne des "circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles".

Désormais, "ce qui compte, c'est de dire des choses pour provoquer des émotions et faire adhérer le plus grand nombre", explique à franceinfo le philosophe Pascal Engel, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, pour commenter la consécration de cette expression et l'attitude de politiques qualifiés de populistes et démagogues, tels que Donald Trump.

Facebook ne s'y trompe pas. Depuis début 2016, sur le réseau social, cinq réactions accompagnent le classique like : j'adore, c'est drôle, c'est incroyable, c'est triste, c'est énervant.

Sans surprise, la peur est une émotion particulièrement efficace. "Généralement, les rumeurs circulent et explosent quand une émotion est générée par un événement que l'on n'est pas capable d'expliquer soi-même", a analysé, en 2015, Guillaume Brossard, cofondateur du site français Hoaxbuster, qui débusque les rumeurs sur internet. En effet, de nombreuses fausses informations ont émergé après l'attentat qui a visé la rédaction de Charlie Hebdo. Un phénomène qui s'est répété après les attentats du 13-Novembre.

Parce que l'on croit plus facilement des éléments qui vont dans notre sens

Christine Boutin s'est pris les pieds dans le tapis en février 2014, en direct sur BFMTV. En commentant l'annonce du gouvernement de reporter le projet de loi sur la famille, elle a déclaré : "J'ai pris un petit papier parce qu'on parle du côté du gouvernement de 'stratégie provisoire d'avancement à potentialité différée'. C'est tellement complexe que j'ai voulu prendre exactement le titre. Donc ça ne nous endort pas du tout." Sauf que la présidente d'honneur du Parti chrétien-démocrate, farouche opposante au mariage pour tous, a cité le site parodique Le Gorafi.

Cet exemple illustre ce que les chercheurs appellent le biais de confirmation. Autrement dit, le fait que nous soyons davantage sensibles à des données qui vont dans notre sens, qui nous confortent dans notre position, comme l'a expliqué à Buzzfeed Brendan Nyhan, professeur en sciences politiques à Dartmouth (Etats-Unis).

Ça fait du bien de voir nos idées préconçues confirmées. C’est pour cela que nous ne nous montrons pas assez sceptiques pour ce qui concerne les affirmations en accord avec nos convictions.

Brendan Nyhan, professeur en sciences politiques

à Buzzfeed

Ce biais de l'esprit n'est pas le seul à jouer. "On sait en effet que certaines informations ne sont pas traitées de manière neutre par l'esprit : les faibles probabilités sont intuitivement multipliées par dix ou quinze, on tient plus compte des pertes que des bénéfices..." a relevé Gérald Bronner.

Autant de travers renforcés avec l'usage d'internet puisque les algorithmes utilisés par différents services, comme les moteurs de recherche et les réseaux sociaux, nous proposent des résultats et des éléments qui correspondent à nos habitudes, nos opinions. L'essayiste Eli Pariser dénonçait, dès 2011, cette "bulle de filtres" qui réduit notre perception du monde. Une thèse reprise par Katharine Viner, la rédactrice en chef du Guardian. Après le Brexit, elle a publié, en juillet, un article (en anglais) intitulé "Comment la technologie a perturbé la vérité". Elle y condamne, notamment, le succès en ligne des articles de journaux pro-Brexit alors qu'ils ont multiplié les mensonges pendant la campagne.

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