TikTok : qu’est-ce que le Digital Services Act, ce règlement au cœur du bras de fer entre l'Europe et le réseau social ?
Les employés de la Commission européenne ont désormais l’interdiction d’utiliser l’application chinoise TikTok. L’institution justifie sa décision par des "problèmes de protection de données" et décrit le réseau social comme "une menace à sa cyber sécurité", Tiktok étant soupçonné de permettre au gouvernement chinois d’accéder aux données de ses utilisateurs. Mais c’est aussi un message fort envoyé au réseau social chinois, dans un bras de fer dont l’un des enjeux est la conformité de l’application au Digital services act (DSA), qui entrera en vigueur en septembre 2023.
"Un public plus jeune engendre une plus grande responsabilité", prévenait déjà le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton fin janvier, après une visioconférence avec Shou Zi Chew, le PDG de TikTok. "Nous n'hésiterons pas à adopter toute la gamme des sanctions pour protéger nos citoyens si les audits ne montrent pas une conformité totale", menaçait-il avant de réclamer "pas seulement des efforts mais des résultats".
With younger audiences comes greater responsibility.
— Thierry Breton (@ThierryBreton) January 19, 2023
As a platform reaching millions of young Europeans, #TikTok has to fully comply with EU law, notably the #DSA.
I asked TikTok CEO Shou Zi Chew to demonstrate, as soon as possible, not only efforts but results. pic.twitter.com/3B8yGaIQp2
Le DSA, publié en octobre dernier, vise à établir "des règles harmonisées pour un environnement en ligne sûr, prévisible et fiable", principalement en termes de modération des contenus illicites et de transparence du service. Il constitue le second volet d’un paquet législatif qui contient également un règlement sur les marchés numériques (DMA), lequel s’attaque pour sa part aux pratiques commerciales anticoncurrentielles en ligne.
Que contient le DSA ?
Le texte impose aux plateformes de supprimer les contenus qui enfreignent les normes nationales et européennes (homophobes, racistes, pornographiques, produits illégaux, etc.) et de suspendre les utilisateurs qui publient ces contenus. Il demande expressément aux sites de se doter de moyens humains et techniques pour modérer plus efficacement et plus rapidement leurs publications.
Un lien de signalement doit également être mis à disposition de l’utilisateur. Et le réseau social devra non seulement traiter la demande mais aussi informer l’auteur du signalement de l’état de la procédure.
Par ailleurs, le DSA oblige les géants du web à des progrès significatifs en matière de transparence : ceux-ci devront publier des rapports réguliers sur la modération de leurs contenus, ainsi que des informations "sur les politiques, procédures, mesures et outils utilisés à des fins de modération des contenus, y compris la prise de décision fondée sur des algorithmes". En outre, le texte permettra aux autorités européennes d'exiger un accès à ces algorithmes.
Il interdit l'utilisation de certaines informations personnelles, comme la sexualité ou l'orientation politique, à des fins publicitaires, et s'attaque aux "dark patterns", ces alertes intempestives qui poussent l'utilisateur à modifier le paramétrage de son compte pour poursuivre la navigation ou le visionnage.
Enfin, les plateformes de vente en ligne comme Amazon devront mieux contrôler l'identité de leurs fournisseurs afin de mieux renseigner les acheteurs et lutter contre la contrefaçon.
Qui est visé par le texte ?
Le DSA s'appliquera à tous les intermédiaires en ligne, qu'ils proposent biens, contenus ou services, sur le marché européen et peu importe l'origine de la plateforme.
Cela concerne donc les fournisseurs d'accès, les plateformes de vente en ligne, les réseaux sociaux, les boutiques d'applications comme App store ou Google Play, etc.
Les obligations prescrites par le DSA sont proportionnelles à la nature des services proposés, mais aussi aux risques qu'ils comportent et à la taille des plateformes : cette nuance vise donc en particulier les Gafam (Google, Apple, Facebok, Amazon et Microsoft), en leur imposant des règles plus strictes qu'à leurs concurrents plus modestes.
Quel contrôle et quelles sanctions ?
Une autorité indépendante "coordinatrice des services numériques" sera désignée ou mise en place dans chaque État-membre afin de veiller au respect de ce nouveau règlement par les intermédiaires en ligne. En France, c'est l'Arcom qui en sera chargée. Ces 27 coordinateurs coopèreront entre eux afin de mener des enquêtes conjointes et d'harmoniser le contrôle et l'application du texte.
La Commission européenne procèdera elle-même au contrôle des très grandes plateformes et des très grands moteurs de recherche (plus de 45 millions d'utilisateurs mensuels, 10 millions de chiffre d'affaires annuel et 50 salariés), qui financeront eux-mêmes cette surveillance via des "frais de supervision".
En cas de non-respect du DSA, les coordinateurs et la Commission sanctionneront ces acteurs numériques. Pour les très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche, la Commission pourra infliger des amendes pouvant aller jusqu'à 6% de leur chiffre d'affaires mondial. En cas de violations graves et répétées au règlement, les plateformes pourront même se voir interdire leurs activités sur le marché européen.
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