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Twitter : des licenciements massifs aux suspensions de compte controversées, les deux premiers mois erratiques d'Elon Musk à la tête du réseau social

Depuis qu'il a racheté l'oiseau bleu, le milliardaire a multiplié les polémiques. Dernière en date : la suspension de plusieurs journalistes.
Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Elon Musk lors d'une conférence de presse à la base de Space X près de Boca Chica, au Texas (Etats-Unis), le 10 février 2022. (JIM WATSON / AFP)

Il a fait demi-tour face à la polémique. Le nouveau propriétaire de Twitter, le milliardaire Elon Musk, a finalement annoncé le rétablissement de plusieurs comptes de journalistes sur le réseau social, vendredi 16 décembre, peu après les avoir suspendus. Cette suspension avait fait réagir jusqu'à l'ONU, Stéphane Dujarric, le porte-parole du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, évoquant "un dangereux précédent". 

Depuis la confirmation du rachat de Twitter pour 44 milliards de dollars, le 27 octobre, les débuts d'Elon Musk à la tête du réseau social ont été marqués par une succession de controverses. Licenciements massifs, fin de la lutte contre la désinformation liée au Covid-19 et rétablissements de comptes bannis... Retour sur les décisions polémiques du nouveau patron du réseau social, dont la prise de contrôle a entraîné le retrait de dépenses publicitaires de plusieurs grandes marques sur Twitter. 

Une vague de licenciements massifs 

"L'oiseau est libre", écrit Elon Musk le 27 octobre, confirmant ainsi avoir racheté le réseau social pour 44 milliards de dollars. La fin de plusieurs mois de négociations (et de tensions) entre le groupe et le patron de SpaceX et Tesla. Sans attendre, le milliardaire dissout le conseil d'administration de Twitter, remercie ses dirigeants et décide de licencier environ la moitié des 7 500 employés du réseau social. "Il n'y a malheureusement pas d'autre choix quand l'entreprise perd plus de 4 millions de dollars par jour", se défend Elon Musk.

Le 16 novembre, l'entrepreneur prévient les salariés de Twitter encore en poste : ils doivent être prêts à "travailler de longues heures à haute intensité" afin de "bâtir un Twitter 2.0 révolutionnaire et réussir dans un monde de plus en plus concurrentiel", faute de quoi ils devront quitter l'entreprise. Plusieurs centaines d'employés décident de partir, d'après plusieurs médias américains citant des sources internes. La crise ne s'arrête pas là : le lendemain, le personnel est informé que les bureaux de Twitter resteront fermés et inaccessibles pour quelques jours.

Un projet d'abonnement payant 

Quelques jours après la confirmation de son rachat, Elon Musk annonce la création d'un abonnement de 8 dollars par mois pour les utilisateurs voulant certifier leur compte – une fonctionnalité jusqu'alors gratuite et accessible à des personnes ayant une certaine visibilité sur Twitter ou ayant prouvé leur identité. En conséquence, de faux comptes apparaissent sans attendre sur le réseau social. Le projet de certification payante est suspendu, et en parallèle, un badge "officiel" est à plusieurs reprises mis en place puis retiré. "Une gestion très hasardeuse, très mouvante", décrit Tristan Mendès France, maître de conférence à l'université Paris Diderot, spécialiste des cultures numériques.

Le 12 décembre, Elon Musk annonce une nouvelle formule d'abonnement payant, et adopte une nouvelle grille de certification des comptes : une coche bleue pour les particuliers, dorée pour les entreprises et grise pour les institutions. Les critères pour être authentifiés sont plus poussés : il faut ainsi avoir un compte depuis au moins 90 jours avec un numéro de téléphone vérifié, ou encore avoir été actif au moins une fois au cours du dernier mois. Les internautes ayant déjà un compte certifié devraient pouvoir garder cette authentification sans payer. 

Pour Tristan Mendès France, Elon Musk "va augmenter la visibilité des comptes payants dans l'écosystème de Twitter" grâce à cette formule. "Il a tellement personnalisé Twitter, que ceux qui vont accepter de payer 8 dollars par mois vont être plutôt des adeptes de Musk", précise le chercheur, ajoutant que ces abonnés "vont organiser la visibilité des contenus sur la plateforme". "Le risque est celui d'une radicalisation de la plateforme dans son ensemble", craint-il. 

Plusieurs comptes rétablis, dont Donald Trump 

Après avoir rétabli le compte Twitter de Donald Trump (à la suite d'un sondage pour lequel 15 millions d'abonnés ont voté), Elon Musk a évoqué, à travers un autre sondage sur Twitter, une "amnistie générale pour les comptes suspendus à condition qu'ils n'aient pas enfreint la loi ou envoyé des spams de façon scandaleuse". 72,4% des quelque 3,16 millions d'utilisateurs ayant voté ont répondu en faveur de cette proposition. "Le peuple a parlé, l'amnistie débute la semaine prochaine", a déclaré en conséquence l'entrepreneur.  

"C'est clairement mis en route aux Etats-Unis", constate Tristan Mendès France, qui observe le retour de comptes liés à l'alt-right américaine. En parallèle de l'ultradroite, le chercheur voit aussi ressurgir des comptes suspendus pendant l'épidémie de Covid-19, "des profils complotistes" sur le sujet en France par exemple.

Elon Musk a toutefois affirmé que le compte du complotiste d'extrême droite américain Alex Jones resterait suspendu. Ce dernier avait affirmé que la tuerie de l'école de Sandy Hook en 2012 était une mise en scène d'opposants au port d'armes à feu. L'entrepreneur a également suspendu le compte de Kanye West pour "incitation à la violence", après la publication d'une image représentant ensemble des symboles du nazisme et du judaïsme, ainsi que des propos antisémites et positifs à l'égard d'Adolf Hitler.

La fin de lutte contre la désinformation liée au Covid-19

En parallèle du rétablissement de comptes bannis, Twitter a annoncé la fin de son programme de lutte contre la désinformation liée au Covid-19. "A partir du 23 novembre 2022, Twitter n'applique plus le règlement concernant les informations trompeuses sur le Covid-19", a ainsi précisé un très court communiqué de l'entreprise. Selon plusieurs médias américains, la vague de licenciement, début novembre, avait notamment touché les équipes de modération.

Cette décision, parmi d'autres, n'a pas manqué d'inquiéter Bruxelles. Lors d'un échange par téléphone avec le nouveau propriétaire de Twitter, le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, a insisté sur le fait que le réseau social devrait "renforcer considérablement la modération des contenus, protéger la liberté d'expression et s'attaquer avec détermination à la désinformation".

Des journalistes suspendus temporairement

Le 14 décembre, Elon Musk a annoncé la suspension du compte @elonjet, qui faisait état de ses trajets en jet privé. L'entrepreneur s'est justifié en soulignant le danger posé par le partage de ses trajets en temps réel, pour sa sécurité et celle de ses proches. Dans la lignée de cette décision, les comptes d'une douzaine de journalistes, parmi lesquels des reporters de CNN, du New York Times ou encore du Washington Post, ont été suspendus. Certains avaient évoqué sur Twitter la suspension du compte @elonjet.

Pour Tristan Mendès France, l'inquiétude d'Elon Musk sur ce point est compréhensible, mais "le problème principal de la suspension de ces comptes, c'est comment il le fait". Le chercheur rappelle que l'entrepreneur avait promis un nouveau conseil de modération des contenus, et qu'aucune décision majeure sur les contenus ou les comptes ne serait prise avant qu'il se réunisse. Or, "quelques semaines plus tard, il met au vote le rétablissement ou non de certains comptes". Une attitude plutôt osée de la part d'Elon Musk, qui ne cesse de dénigrer la politique de modération menée sous l'ancienne direction, notamment en faisant la promotion des "Twitter Files".

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