Caméras "intelligentes" : meilleure gestion des flux ou surveillance généralisée, cette technologie fait débat
Les caméras "intelligentes" se multiplient sur le territoire, avec des outils permettant potentiellement d'établir des statistiques de fréquentation de différents sites ou de repérer les comportements suspects, voire de prévenir les vols dans les magasins. Certains s'inquiètent des dérives que cette technologie peut engendrer.
Cette technologie récente prend de l'ampleur sur le territoire. Les caméras dites "intelligentes", basées sur des algorithmes de plus en plus efficaces, s'appuient sur des logiciels infiniment plus puissants que nos yeux et permettent de voir ce qu'un humain aurait bien du mal à détecter. La société Datakalab a mis au point un algorithme capable de mesurer le port du masque dans les transports. "Vous voyez un flux vidéo libre de droit bien entendu, décrit Xavier Fischer, le fondateur de Datakalab. En rouge, ce sont les gens qui portent mal le masque et en vert, ceux qui le portent bien."
D'après lui, tout est fait pour anonymiser les personnes analysées : "On ne sait pas qui est qui. D'ailleurs on agrège la donnée et on la livre à nos clients, donc les acteurs des transports, toutes les vingt minutes et toutes les cent personnes minimum, pour être certain qu'un individu qui ne porterait pas son masque ne soit pas verbalisé via cette data". Il y voit d'ailleurs un formidable outil statistique.
" Quand vous allez dans un concert, il y a une personne munie d'un cliqueur dans la main pour compter les spectateurs. Ici, c'est la même chose."
Xavier Fischer, fondateur de Datakalabà franceinfo
Xavier Fischer énumère les applications possibles. "Si on prend l'exemple des villes, [il y a un intérêt] à comprendre les flux. À comprendre à quel endroit il y a plus ou moins de monde, à quel endroit il y a plus ou moins de trafic pour gérer les feux, explique-t-il. Voir le pourcentage de vélos, le pourcentage de voitures, dans le cadre d'un centre commercial, permettra d'optimiser le nombre de caissiers dans des magasins en fonction du trafic."
Un outil de surveillance
D'autres sociétés vont beaucoup plus loin, avec des outils capables de repérer des comportements suspects, dans les magasins ou dans la rue. Ces logiciels peuvent détecter des tentatives de vols, des dépôts d'ordures illégaux ou des stationnements gênants. Valenciennes, Nice, Suresnes, Compiègnes... de plus en plus de villes s'équipent de ces dispositifs. Et ça c'est inacceptable pour Arthur Messaud, de la Quadrature du Net, une association qui milite contre la surveillance généralisée : "Nous avons plutôt tendance à rejeter l'ensemble des techniques de surveillance automatisées, car le but va être le même, assure-t-il, ce serait celui d'analyser la population de façon massive dans son ensemble pour en obtenir une connaissance très, très fine, qui va permettre à la police d'adapter son activité répressive."
"Tous ces systèmes de surveillance automatisés ne sont jamais imaginés ou pensés pour apporter de l'aide ou des soins aux personnes. "
Arthur Messaud, de la Quadrature du Netà franceinfo
Arthur Messaud est formel, pour lui : "À chaque fois qu'on parle d'intelligence artificielle, en pratique, c'est toujours pour mesurer des populations jugées dangereuses ou pour les réprimer."
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), le gendarme de la protection des données, lance une grande consultation sur son site jusqu'au 11 mars, et appelle les Français ainsi que les entreprises concernées à donner leur avis. Cette consultation ne concerne pas la "reconnaissance faciale/reconnaissance biométrique" qui fait déjà l'objet d'un cadre réglementaire. De quoi alimenter un éventuel débat législatif.
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