"Nous sommes face à une pandémie de cyberdélinquance", alerte un magistrat
Xavier Leonetti, magistrat spécialisé en cybercriminalité, salue l'annonce par le président de la République d'un plan pour la cybersécurité, doté d'une enveloppe d'un milliard d'euros.
"Nous sommes face à une pandémie de cyberdélinquance", a alerté jeudi 18 février sur franceinfo Xavier Leonetti, magistrat au parquet économique et financier de la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille, spécialisé en cybercriminalité. Il salue l'annonce d'Emmanuel Macron jeudi d'un plan pour la cybersécurité, doté d'une enveloppe d'un milliard d'euros. "C'est nécessaire et c'est adapté", estime le magistrat. Il s'agit notamment de faire échanger les acteurs publics et privés pour que "l'équipe France soit mieux protégée". Chacun peut commencer par se protéger en adoptant des "gestes barrières" en ligne, explique aussi l'auteur de de "Smartsécurite & cyberjustice", aux éditions PUF.
franceinfo : Quelle est l'ampleur de ce phénomène de cybercriminalité et mobilisons-nous suffisamment d'enquêteurs mobilisés pour lutter ?
Xavier Leonetti : Nous sommes face à une pandémie de cyberdélinquance et c'est dans ce sens que le gouvernement a souhaité renforcer les moyens avec ce plan d'un milliard d'euros. Au niveau mondial, ce sont 600 milliards d'euros de préjudice qui sont constatés. L'année dernière, c'est 1% du PIB mondial. Y a-t-il suffisamment d'enquêteurs ? Tout est évidemment perfectible. Mais nous avons aujourd'hui des services de police et de gendarmerie qui sont très spécialisés, hyperspécialisés. On évoque en ce moment les ransomwares, c'est-à-dire du chantage via Internet au préjudice des hôpitaux. Sur des cas similaires, je peux vous dire que des enquêteurs de la gendarmerie qui sont spécialistes du monde cyber se sont associés à des négociateurs expérimentés, notamment du GIGN. Des pratiques d'enquête qui sont celles du monde réel peuvent être apportées au monde de la délinquance cyber.
Aujourd'hui, les acteurs économiques doivent changer leurs pratiques en matière de cybersécurité ?
Oui, et c'est un des objectifs du plan du président Macron, avec à la fois un investissement public et un investissement privé. Il s'agit de développer des compétences françaises en matière cyber, car ça apporte aussi une solution de souveraineté, mais également intégrer la politique de cybersécurité dans les programmes des entreprises, des établissements publics et même dans leur budget. On le voit à propos des hôpitaux. Imaginons que demain un virus bloque l'activité de franceinfo, c'est votre activité économique, c'est votre avenir, votre réputation qui seraient touchés.
Ce plan présenté par Emmanuel Macron ce jeudi vous semble-t-il bon, avec une enveloppe bien répartie ?
La répartition, il faut la préciser. Il y a ce qui s'appelle le cybercampus, qui va se créer le deuxième semestre 2021 au niveau du quartier de la Défense, à Paris. L'objectif est de regrouper les entreprises privées, les établissements publics et l'Etat pour que chacun discute. Il y a déjà 75 millions d'euros qui vont être alloués à ce programme. Il s'agit également de renforcer la recherche et développement, c'est 500 millions. Et il y a également cet échange entre les acteurs économiques, publics comme privés, c'est 150 millions. Oui, c'est nécessaire et c'est adapté parce que cela permet à chacun d'échanger et, finalement, que "l'équipe France" soit mieux protégée et que tout le monde aille dans le même sens.
Que conseillez-vous à celles et ceux qui peuvent se sentir visés par de telles attaques en ligne ?
Je vous parlais de pandémie, on peut faire là aussi la comparaison : il faut adopter des gestes barrières, des gestes très simples. Comme dans le monde réel, il faut, dans le monde cyber, adopter les mêmes comportements. On ne laisse pas ses clés, il s'agira de ne pas laisser à la portée de tous des codes Internet ou des codes sensibles dont vous pouvez disposer. De la même manière, on ne laisse pas rentrer un inconnu chez soi. Ainsi, vous recevez parfois des mails vous invitant à ouvrir une pièce jointe parce que, par exemple, vous ont gagné à la loterie. Eh bien, avant d'ouvrir cette pièce jointe, il faut déjà réfléchir : est-ce que vous jouez à la loterie ? Et ensuite, vous dire que probablement, c'est une escroquerie. Le message simple à retenir c'est : si c'est trop beau, c'est que c'est un escroc.
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