Quatre questions sur la loi contre le démarchage téléphonique abusif
Le Parlement a adopté définitivement, mercredi soir, un texte sanctionnant plus durement les campagnes de prospection par téléphone.
C'est un "fléau" qui "empoisonne la vie" des Français, ont concédé tous les groupes politiques de l'Assemblée nationale. Le démarchage téléphonique sera désormais plus lourdement sanctionné, comme le prévoit une proposition de loi centriste, adoptée définitivement mercredi 15 juillet. Quels sont les abus visés par ce texte ? Quelles sanctions seront mises en place ? Franceinfo fait le point.
1Qu'est-ce que le démarchage téléphonique abusif ?
"On parle de démarchage téléphonique abusif lorsque vous recevez des appels téléphoniques commerciaux non sollicités", explique le site de l'administration française. Concrètement, des entreprises vous contactent pour tenter de vous vendre un produit ou un service, alors que vous n'avez pas donné votre accord pour ces appels, et que vous n'avez pas donné directement vos coordonnées à l'entreprise.
"Trop de nos concitoyens sont victimes d'abus en matière de démarchage téléphonique et d'usages frauduleux de numéros surtaxés, parfois plusieurs fois par jour", a estimé Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'Industrie, dans un communiqué (PDF). Le démarchage téléphonique est notamment récurrent dans le secteur de la rénovation énergétique, où des entreprises profitent des subventions publiques pour abuser des ménages, rappelle le ministre de l'Economie.
"Au-delà du trouble à leur tranquillité, ces abus peuvent conduire à des préjudices financiers graves, en particulier chez les personnes vulnérables", ajoute par ailleurs Agnès Pannier-Runacher. Les personnes âgées sont ainsi plus exposées au démarchage téléphonique, car elles "sont à domicile bien plus que les actifs, et donc essuient un nombre plus important d'appels que les plus jeunes", analyse Cédric Musso, directeur de l'action politique à l'UFC-Que Choisir, sur franceinfo.
2Que prévoyait jusqu'ici la loi pour lutter contre cette pratique ?
Ce n'est pas la première fois que les pouvoirs publics tentent d'encadrer le démarchage téléphonique. En juin 2016, un registre, baptisé Bloctel, a été mis en place. Cette liste anti-démarchage recense les numéros de particuliers et d'entreprises qui ne souhaitent pas être démarchés téléphoniquement. Un système dont les limites ont régulièrement été pointées du doigt. "Il y avait trop de dérogations quand vous étiez inscrit à Bloctel. Tous les opérateurs avec lesquels vous aviez un contrat pouvaient vous démarcher", estime Cédric Musso. "Le dispositif Bloctel ne fonctionnait pas", juge par ailleurs Lionel Maugain, journaliste à 60 millions de consommateurs, auprès de franceinfo. Une enquête réalisée par le magazine, un an après la mise en place de cette liste, montrait ainsi que 47% des personnes inscrites à Bloctel n'avaient pas constaté de diminution du nombre d'appels reçus.
Depuis août 2019, les opérateurs téléphoniques sont également tenus de bloquer les appels provenant de numéros géographiques (commençant par 01 à 05) ou non géographiques (par 09) émis de l'étranger, ajoute l'UFC-Que Choisir. Une décision prise par l'Arcep, le gendarme des télécoms, alors que des entreprises usurpaient leur identifiant d'appelant pour tromper le destinataire de l'appel, en affichant par exemple un numéro de sa région dans le but d'augmenter le taux de réponse, comme le rapportent Les Echos.
3Que change le texte adopté par le Parlement ?
Le texte voté par le Parlement mercredi vise notamment à sanctionner davantage les appels frauduleux chez des personnes inscrites sur Bloctel. Les amendes administratives pourront atteindre 75 000 euros pour les personnes physiques et 375 000 euros pour les entreprises, contre 3 000 et 15 000 euros actuellement.
Ce nouveau cadre législatif prévoit "la nullité des contrats conclus sur la base d'un démarchage téléphonique pour les consommateurs inscrits sur la liste d'opposition à celui-ci", précise la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Les dérogations autorisées pour contacter les personnes inscrites sur Bloctel sont également restreintes. Si vous figurez sur cette liste anti-démarchage, une entreprise dont vous êtes déjà client pourra toujours vous contacter, mais uniquement pour vous proposer un produit ou un service en lien direct avec l'offre déjà souscrite, détaille l'UFC-Que Choisir.
Autre changement : dans le secteur de la rénovation énergétique, le texte pose le principe de l'interdiction du démarchage téléphonique, hors contrats en cours. Enfin, un décret déterminera les jours et horaires ainsi que la fréquence auxquels la prospection commerciale est autorisée. Le démarchage téléphonique pourrait ainsi être limité aux jours de la semaine et aux heures de bureau, illustre par exemple l'UFC-Que Choisir.
4Comment cette nouvelle loi est-elle accueillie ?
"Ce n'est pas le 'grand soir' des consommateurs, juge Cédric Musso. Mais c'est quand même vraiment une avancée par rapport à un cadre qui était extrêmement laxiste." L'UFC-Que Choisir salue la hausse significative des amendes encourues. "Il faut que la DGCCRF [la répression des fraudes] ait les moyens pour procéder à l'ensemble des contrôles et sanctionner justement les appels frauduleux", ajoute toutefois Cédric Musso. Un constat partagé par Lionel Maugain : "Tout ça ne marchera que si on parvient à identifier les importuns et si on les sanctionne".
Quant à l'interdiction du démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique, "c'est une avancée", souligne le journaliste à 60 millions de consommateurs. "C'était une calamité pour certaines personnes qui étaient harcelées de coups de téléphone. Il fallait que ça s'arrête", ajoute-t-il.
Ce qui manque, c'est l'interdiction par défaut du démarchage téléphonique, sauf si vous avez donné votre consentement express.
Cédric Musso, UFC-Que Choisirà franceinfo
Le directeur de l'action politique à l'UFC-Que Choisir regrette ainsi que l'autorisation du démarchage téléphonique demeure la règle. Un constat partagé par certains députés, comme Delphine Batho, membre du groupe "Ecologie, démocratie, solidarité", qui a déploré un encadrement du démarchage "là où nous voulons y mettre fin". Le député Les Républicains Pierre Cordier a aussi vu dans ce texte "un début" mais prévenu qu'il faudrait "légiférer de nouveau".
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