Un forfait adapté, du contrôle parental et des explications... La recette pour bien accompagner un enfant avec son premier téléphone

Article rédigé par Mathilde Goupil
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6 min
En 2020, plus d'un mineur de moins de 15 ans sur cinq possédait un mobile, le plus souvent obtenu à partir de 11 ans, âge d'entrée au collège, selon un sondage réalisé par Médiamétrie. (JEREMIE LUCIANI / FRANCEINFO)
Comment réussir l'entrée dans la "puberté numérique" ? Trois spécialistes fournissent leurs conseils en cette rentrée scolaire, où de nombreux parents s'interrogent sur l'opportunité de fournir un portable à leur préado.

Ah, la rentrée scolaire ! Le cartable qu'on dépoussière, les nouveaux stylos qu'on étrenne... mais aussi, parfois, l'achat d'un premier téléphone portable. En 2020, plus d'un mineur de moins de 15 ans sur cinq possédait un mobile, le plus souvent obtenu à partir de 11 ans, âge d'entrée au collège, selon un sondage réalisé par Médiamétrie.

Si le fait de doter sa progéniture d'un téléphone rassure de nombreux parents, plusieurs experts interrogés par franceinfo rappellent que cet acte doit s'accompagner de restrictions. Le tout, en discutant des règles à tenir en ligne et des dangers que les plus jeunes peuvent y rencontrer. Si vous comptez sauter le pas, voici un guide pour vous aider.

1 Choisir un téléphone et un forfait adaptés aux besoins

Avant toute chose, il convient d'établir "un diagnostic des raisons pour lesquelles on achète un portable à son enfant", recommande Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l'éducation à l'université Paris Cité. "Se poser la question des usages permet de décider le type d'appareil et de forfait qu'on va lui acheter."

Votre enfant entre au collège et doit prendre les transports en commun tout seul ? Il veut pouvoir rester en contact avec ses amis après l'école ? Dans ces deux cas de figure, "il n'a pas forcément besoin d'avoir accès aux réseaux sociaux ou même à internet", relève le chercheur. Il est possible d'opter pour un téléphone à touches, et non un smartphone.

Les élèves de la classe de votre enfant ont un groupe sur Whatsapp, qu'il demande à pouvoir rejoindre ? Si vous optez pour un smartphone, il existe des forfaits sans 4G ou avec des données limitées. Cette solution permet que les plus jeunes ne puissent pas ou peu se connecter à internet autrement qu'en wifi. Si vous trouvez que votre enfant n'a pas encore l'âge d'avoir un téléphone, "on peut aussi lui expliquer qu'on ne cède pas à la pression sociale juste parce que certains de ses amis ont un téléphone", avance Grégoire Borst.

En avril 2024, une commission d'experts mise sur pied par Emmanuel Macron a recommandé (lien en PDF) de ne pas fournir de téléphone portable aux enfants avant 11 ans, que l'appareil ne soit pas connecté à internet avant leurs 13 ans et que l'accès aux réseaux sociaux ne leur soit autorisé qu'à partir de 15 ans. "Ces recommandations sont à adapter à la maturité des enfants et au fait qu'ils aient ou non été préparés à l'usage des outils numériques, pointe Grégoire Borst. Il faut vraiment penser l'usage du téléphone de façon progressive. On peut l'acheter quand il a 11 ans, juste pour communiquer avec lui, et, un an ou deux après, autoriser d'autres usages." 

"Le fait que les enfants aient en tête d'autres paliers à venir encourage leur autonomisation."

Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement

à franceinfo

Des limites sont d'ailleurs déjà fixées par les applications : en théorie, la plupart des réseaux sociaux sont interdits avant 13 ans, plusieurs messageries comme Telegram sont proscrites avant 16 ans et les jeux vidéo ont aussi un âge minimum.

2 Préparer son enfant et discuter avec lui de ses pratiques

Comment échange-t-on avec les autres en ligne ? "L'enfant n'a pas les codes" pour bien s'y prendre, rappelle Axelle Desaint, directrice du programme de sensibilisation Internet sans crainte, soutenu par le gouvernement. L'acquisition d'un téléphone doit donc être l'occasion d'expliciter ce qui a vocation à être public ou privé, d'expliquer que la loi ne permet pas de tout dire et de rappeler qu'une personne réelle se trouve de l'autre côté de l'écran. Il est également important "d'oser parler des risques" sur internet (cyberharcèlement, interactions avec des inconnus, contenus violents ou pornographiques...) et de la manière de réagir quand on y est confronté.

Certains outils permettent de minimiser les risques. Pour paramétrer les comptes de manière sécurisée, e-Enfance, une association de protection des mineurs sur internet, met à disposition sur son site des guides concernant les principaux réseaux sociaux.

"La règle imposée par le parent fera d'autant plus sens quand elle est associée à un sentiment de protection chez l'enfant et quand le parent répond à ses questions."

Gabriel Féménias, directeur général adjoint de l'association e-Enfance

à franceinfo

Le chercheur Grégoire Borst conseille aussi de "s'intéresser à ce que les enfants font sur ces outils numériques", car "le temps qu'ils y passent ne reflète pas la complexité de ce qu'ils y font". "Une heure de vidéos de HugoDécrypte [journaliste youtubeur très populaire chez les adolescents], ce n'est pas la même qualité de contenus qu'une heure de contenus de certains influenceurs", souligne-t-il.

Comme souvent, l'éducation des enfants passe par l'exemple. "Si les parents ont un œil sur le téléphone pendant le repas, c'est compliqué de demander aux enfants de laisser le leur dans l'entrée", relève Gabriel Féménias. D'où l'importance de "trouver des moments dédiés où toute la famille déconnecte, à table par exemple", souligne Grégoire Borst.

3 Installer un contrôle parental... sans espionner

Le contrôle parental doit être pensé comme "une boîte à outils à disposition des parents", estime Axelle Desaint, du programme Internet sans crainte. Il en existe des versions chez les constructeurs de téléphones, chez les opérateurs ou via des applications à télécharger, comme le détaille Que Choisir. Ces options permettent de bloquer l'accès à certains sites et le téléchargement de certaines applications, mais aussi de pouvoir localiser l'appareil et de définir la durée d'utilisation du téléphone.

L'objectif est néanmoins "d'essayer progressivement que l'ado exerce lui-même une autorégulation de ces outils", souligne le chercheur Grégoire Borst. Pour l'y accompagner, il est conseillé d'interdire le téléphone au moins une heure avant le coucher, ce qui lui évitera des perturbations du sommeil. Des temps sans téléphone doivent aussi être préservés pour favoriser d'autres activités, comme les devoirs et le sport. Là encore, le dialogue est la clé pour que l'enfant comprenne pourquoi on limite son usage.

En revanche, la plupart des spécialistes interrogés déconseillent l'installation en douce de logiciels espions ou de traçage de l'enfant. De même, se créer un faux compte sur les réseaux sociaux afin de surveiller ce qu'il y dit est une fausse bonne idée.

"L'idée est d'autonomiser l'enfant dans son utilisation du téléphone. S'il se rend compte que vous l'espionnez, la confiance sera brisée et il ne se tournera pas vers vous en cas de situation difficile."

Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement

à franceinfo

Une surveillance accrue risque aussi de générer plus de stress... pour le parent. "Le jour où l'enfant s'arrête à la boulangerie sur le chemin de l'école ou s'il reste papoter plus longtemps devant le collège avec ses amis, ça génère de l'inquiétude chez le parent qui le suit à la trace, relève Axelle Desaint. C'est aussi une inquiétude qui se transmet et qui contribue à créer, chez l'enfant, le sentiment que le monde à l'extérieur de la maison est forcément dangereux."

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