YouTube, Instagram, TikTok… Comment les clichés sexistes ont la vie dure sur les réseaux sociaux
Des femmes invisibles, stéréotypées, ciblées par des clichés sexistes : c’est globalement le sort réservé aux femmes sur les réseaux sociaux. C’est le constat du Haut conseil à l’égalité (HCE) dans un rapport remis le mardi 7 novembre à Bérangère Couillard, la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes. Il a été établi après avoir analysé les 100 contenus les plus vus sur les plateformes YouTube, TikTok et Instagram. Le HCE dénonce même un "cercle vicieux du sexisme", où cette image dans les contenus est à la fois le point de départ et la conséquence du manque de femmes dans le secteur numérique.
Sur YouTube, des stéréotypes omniprésents
Sur cette plateforme de vidéos, la sous-représentation des femmes est assez flagrante puisque 83% des personnages principaux sont masculins, et il n’y a une femme que dans à peine un contenu sur deux. Le peu de fois où elles sont représentées, elles véhiculent en plus des stéréotypes féminins. Elles apparaissent comme des femmes "sentimentales", comme sur la chaîne @MrBeats, où celles qui remportent des défis expriment plus souvent leurs émotions que les hommes. Elles sont aussi représentées selon l’archétype de la "poupée", c’est-à-dire "surmaquillée et apprêtée" ou encore comme des femmes "naïves". Les hommes, de leur côté, sont aussi vecteurs de stéréotypes, notamment d’hyper-virilisme. Par ailleurs, le HCE indique que seules 8% des vidéos YouTube analysées sont faites par des femmes.
Sur Instagram, des "archétypes genrés"
Cette plateforme est celle où les femmes sont les plus soumises aux "archétypes genrés", puisqu’un peu plus d’un contenu sur deux véhicule des stéréotypes féminins, et en premier lieu l’image "maternelle". La maternité est souvent évoquée dans les publications d’influenceuses telles que Nabilla Benattia, Caroline Receveur ou Jessica Thivenin. Des contenus "promeuvent aussi des physiques stéréotypés" et concernent à plus de 60% les femmes. La nudité féminine est aussi plus présente sur la plateforme que la nudité masculine. À noter que sur Instagram, près d’un contenu sur cinq comporte des propos à caractère sexiste.
Sur TikTok, des représentations dégradantes
Il y a là aussi une sous-représentation des femmes dans les contenus (36% de femmes pour 64% d’hommes) et des comportements féminins stéréotypés dans 35% des vidéos. Le HCE note également que 42% des séquences d’humour et de divertissement analysées sur TikTok contiennent des représentations dégradantes des femmes, où elles sont sujettes à des moqueries. Sur l’une des chaînes les plus populaires, @nicocapone.comedy, "l’influenceur Nicolas Scuderi prend pour prétexte la blague pour ridiculiser sa femme, Daniela Pinto, de manière humiliante, la présentant constamment comme victime dans leurs différents sketchs".
Ces représentations des femmes sur les réseaux sociaux sont notamment liées, explique le rapport, à la faible part des femmes dans la création de ces contenus. D’après une étude de la Fédération Syntec, regroupant les métiers du numérique, en 2020, seulement 29% des effectifs du numérique étaient des femmes. L'effet "pervers", c'est qu'il y a donc peu de modèles, peu de représentation pour les jeunes filles qui seraient tentées par cette filière.
Le fait que ce secteur soit largement dominé par les hommes et qu’il se caractérise aussi par une "culture sexiste" selon le HCE, n’aide pas non plus les femmes à aller vers le monde numérique. Le rapport précise que 46% des femmes actives dans la tech ont déjà été victimes de comportements sexistes, contre 38% dans les autres secteurs. Et cela commence bien avant l’entrée dans le milieu professionnel, puisque de tels comportements sont déjà relevés au cours des cursus de formation dans le domaine numérique.
Des pistes pour changer les choses
C’est donc ce secteur sous-féminisé qui fabrique les images "véhiculées dans le numérique" laissant "penser que les femmes ne sont pas faites pour des métiers scientifiques" et où "elles sont caricaturées comme des idiotes et des bimbos", note Sylvie Pierre-Brossolette, la présidente du HCE. Ces représentations, fabriquées sans les femmes, participent donc à les décourager de travailler dans le numérique et comme cela fonctionne, ces mêmes représentations peuvent perdurer, et ainsi de suite. Il s’agit du "cercle vicieux du sexisme".
Pour casser ce cercle vicieux, le HCE recommande notamment d’astreindre les plateformes à rendre des "rapports d’autoévaluation" annuels sur la place des femmes, sous la supervision de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), à l’image de ce que font déjà la télévision et la radio. Il appelle aussi à la mise en place de "quotas de filles" dans les filières numériques, au lycée comme pour l’enseignement supérieur, ou encore à la mise en place d’un système de bonification sur la plateforme Parcoursup pour les jeunes filles qui décideraient de s’orienter vers ces formations.
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