Paralympiques 2024 : "C'est capital d'avoir une Formule 1 avec soi"... La recherche perpétuelle de l'amélioration des fauteuils et des prothèses

L'équipement des parasportifs fait l'objet d’un long travail de préparation et d’amélioration en amont des grosses échéances. Chercheurs et ingénieurs sont mobilisés aux côtés des athlètes pour les pousser vers la performance.
Article rédigé par Sasha Beckermann
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Stéphane Houdet, le 6 septembre 2023, à New-York. (GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP)

Le sport de haut niveau est une affaire de détails, parfois invisibles à l'œil nu. Une prothèse mieux adaptée au moignon, ou plus longue de quelques millimètres, un fauteuil avec des roues plus légères, une assise plus ou moins profonde... Les para-athlètes, alignés depuis le 28 août sur les Jeux paralympiques de Paris, ont réalisé – en plus de leur préparation sportive – un long travail d'adaptation de leur matériel, pour aller grappiller des secondes, des centimètres, ou un meilleur geste.

Stéphane Houdet en connaît un rayon sur la question. Le joueur de tennis fauteuil français a inventé une nouvelle façon de jouer : à genoux, avec un fauteuil adapté. Le quintuple médaillé paralympique (dont trois sacres en double hommes) est "justement encore en train de travailler sur son fauteuil" au moment où nous le joignons, vendredi soir.

A seulement deux jours de son entrée en lice dans le tournoi paralympique (qu'il a réussie avec deux victoires en simple et en double), le tennisman est en train de régler les quelques derniers détails, "la résistance au roulement", plus précisément. Recevoir un nouveau fauteuil ou tester une amélioration, pour lui, c'est un peu "comme Noël". "Je réfléchis toujours en amont aux améliorations et quand je les éprouve, je suis comme un gamin qui reçoit son nouveau jouet", sourit-il.  

Jean-Philippe Fleurian, le responsable du paratennis à la Fédération française de tennis (FFT), confirmait en conférence de presse que le doyen de cette équipe de France de tennis fauteuil est un "créatif (...) méticuleux dans les détails". Il s'est présenté sur les courts de Roland-Garros avec un nouveau fauteuil "fantastique", qui "lui permettra d'aller encore plus vite que d'habitude".

Un travail d'équipe

Les prothèses et les fauteuils des para-athlètes font l'objet d'un long travail en amont des échéances, entre le sportif et son orthoprothésiste, qui conçoit les équipements. Tout est fait sur mesure. Le résultat final est l'objet de nombreux allers-retours entre les différentes parties, de la réalisation technique jusqu'aux compétitions, en passant par les tests à l'entraînement. 

"Je recherche les meilleurs appuis et, derrière, j'ai une équipe qui va fabriquer selon le cahier des charges qu'on a mis en place, décrit à l'AFP Nicolas Ottmann, orthoprothésiste de parasportifs, notamment de Dimitri Pavadé. Ensuite, je réceptionne la prothèse pour l'essayage et là, avec Dimitri, on va souvent sur le stade travailler les alignements, les appuis."

Stéphane Houdet, lui, n'est pas allé chercher les secondes, mais les kilos en moins. Le Français a fait appel à un ensemble de corps de métier et d'entreprises pour faire le fauteuil le plus performant possible : chercheurs, ingénieurs, ergothérapeutes, spécialistes du carbone... "Mon dernier objectif c'était d'avoir le fauteuil le plus léger du monde. On a d'abord travaillé sur les grandes roues, puis le châssis, la main courante… On a réussi à baisser son poids de 10 à 6,4 kg", énumère-t-il.

"Dans le collège de compétences, on a une équipe qui fait des pièces pour la Formule 1 et des pièces pour les navettes spatiales."

Stéphane Houdet, joueur de tennis fauteuil

à franceinfo: sport

L'idée derrière tout ça est aussi de s'adapter à un niveau de jeu qui a augmenté. "C'est capital d'avoir une Formule 1 avec soi. On a pris des mesures, en ligne droite, je suis plus rapide avec le fauteuil amélioré que l'ancien. J'ai aussi retrouvé de l'appui avec mon pied, je pense que ça me fait gagner en puissance", dissèque Houdet.

Un niveau de détail poussé à l'extrême

L'objectif est d'améliorer constamment le matériel dans la précision la plus ultime. En matière de prothèse, Alexis Hanquinquant est un précurseur. Le porte-drapeau de la délégation française dispose d'une prothèse unique pour la natation, le cyclisme et la course à pied des épreuves de paratriathlon (catégorie PTS4). Avant Paris, le médaillé d'or à Tokyo a été aidé par l'entreprise Airbus, qui a conçu la coque de sa prothèse pour lui faire gagner du temps.

"Il utilise sa lame de course qui est faite pour courir, mais n'est pas vraiment adaptée pour le vélo. Nous avons cherché à donner à cette prothèse une forme aérodynamique, qui lui permette de gagner de précieuses secondes sur la partie vélo de l'épreuve", décrit Christophe Debard, ingénieur chez Airbus, au magazine L'Usine nouvelle. Cette coque s'enlève en quelques secondes et permet de limiter les effets de l'utilisation d'une prothèse adaptée à la course sur un vélo. 

Les détails et le niveau de précision ne s'arrêtent pas là. Le Suisse Marcel Hug, quadruple médaillé d'or à Tokyo et vice-champion paralympique du 5 000 m T54 samedi, qui a longtemps écœuré ses adversaires, dévoilait à L'Equipe que son fauteuil, aspect indissociable de sa réussite, avait nécessité quatre années de développement et un gros travail sur les roues. "Les essais en soufflerie nous ont permis de découvrir que l'aérodynamique était meilleure avec des roues ouvertes plutôt que des roues pleines, sinon le flux d'air est arrêté par les roues entre la gauche et la droite, et cela nous ralentit", analysait-il alors. 

Le para-athlète suisse Marcel Hug à l'occasion des Jeux paralympiques, le 31 août 2024, sur la piste du Stade de France (Saint-Denis). (GREGORY PICOUT / AFP)

Peu importe la discipline, tous ces détails mis bout à bout permettent de gagner en vitesse, aérodynamisme, précision, maniabilité ou confort pour le para-athlète. "On regarde très régulièrement ce qu'il est possible d'améliorer, confirmait en conférence presse Pauline Déroulède, joueuse française de tennis fauteuil. Si on joue sur terre battue, on va sous-gonfler les pneus, si on joue sur surface dure, on va plus les gonfler." Avec un seul objectif au bout du compte : décrocher une médaille.

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