La crainte d'une nouvelle vague d'austérité fait tanguer la majorité
Des députés socialistes et certains ministres font entendre leurs doutes face au tour de vis budgétaire envisagé par le gouvernement.
Jean-Marc Ayrault a beau jurer qu'il ne prépare ni "austérité" ni "nouveau plan de rigueur pour 2013", les doutes au sein de sa majorité se font de plus en plus bruyants. Si bruyants qu'ils ont poussé François Hollande, qui souhaitait rester en retrait sur cette question délicate, à intervenir publiquement, mercredi 20 février, pour rassurer ses ouailles. "Il ne s'agit pas d'ajouter des mesures aux mesures parce que nous ne voulons pas tomber dans l'austérité", a promis le chef de l'Etat, au détour d'un discours axé sur le numérique.
Budget européen en baisse, prévision de croissance trop optimiste pour 2013… Ce week-end, ce sont deux de ses ministres qui ont ouvert le feu des critiques. "On est au maximum de ce qu'on peut faire en termes d'économie et de réduction des dépenses", a prévenu la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, appelant à "ne pas sacrifier les investissements d'avenir". Un avis partagé par la ministre du Logement, Cécile Duflot, qui estime que "personne ne peut croire que de l'austérité naîtra le retour des temps meilleurs".
"Il faut lancer le tournant de la vigueur !"
Ces déclarations semblent avoir libéré la parole au sein de la majorité. Désormais, les membres de l'aile gauche du PS ne sont plus les seuls à mettre en garde publiquement l'exécutif contre un nouveau tour de vis budgétaire. "La plupart des parlementaires sont conscients qu'un nouveau plan de rigueur (...) ne rencontrera l'assentiment de personne", assure dans Le Monde le député Laurent Baumel, membre de la commission des Finances à l'Assemblée.
"Certains, au gouvernement, plaident pour une certaine orthodoxie budgétaire. Pour l'instant, la France n'est pas dans la rigueur. Veillons à tout faire pour ne pas y tomber", avertit Malek Boutih, joint par francetv info. "On commence à être au bout des possibilités en matière de réduction des dépenses et d'augmentation des recettes", appuie le député-maire de Chalon-sur-Saône, Christophe Sirugue.
Si le gouvernement allait plus loin dans l'austérité, "nous serions face à une situation sociale compliquée et nous risquerions de perdre des alliés dans la majorité", alerte également la députée et économiste Karine Berger dans Le Monde. "Le gouvernement par la seule gestion comptable est mortifère. Il faut une vision mobilisatrice plutôt qu'une gestion à court terme des problèmes. Il faut lancer le tournant de la vigueur !" embraye son collègue nivernais Christian Paul.
"Le cap reste le même, et il sera tenu", prévient Ayrault
Un appel que ne partage cependant pas forcément le chœur de la Hollandie. "Les mots de Christian Paul sont bien gentils en apparence, mais qui peut croire qu'on ait les moyens de relancer l'économie en empruntant massivement ? Je me demande bien comment il ferait s'il était au gouvernement", grince auprès de francetv info le député nordiste Bernard Roman. "Si certains ministres estiment qu'ils ne peuvent pas faire le job, ils peuvent laisser leur place !" s'agace aussi, dans Libération (article payant), le patron du groupe PS à l'Assemblée, Bruno Le Roux, en allusion aux récentes déclarations de Delphine Batho et de Cécile Duflot.
Pour apaiser ces tensions de plus en plus vives, Jean-Marc Ayrault a réuni l'ensemble de ses ministres, mercredi 20 février, pour un déjeuner de travail entièrement consacré à l'économie. Objectif, selon Matignon : "Faire le point sur l'ensemble de la situation budgétaire et des finances publiques", au regard de "l'emploi, de l'investissement, de la croissance". L'occasion aussi de convaincre les plus dubitatifs, alors que les ministres doivent recevoir d'ici à la fin de la semaine prochaine leurs lettres de cadrage pour 2014, qui fixeront leurs orientations en matière de dépenses. "Le cap reste le même : l'équilibre des comptes publics en 2017, a prévenu Jean-Marc Ayrault face à ses ministres. Et ce cap sera tenu."
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