La famille de Mohamed Merah entre provocation et humiliation
Une semaine après sa mort, les proches du tueur de Toulouse et de Montauban sont partagés et divisés sur l'attitude à adopter face aux actes du défunt.
Un fils et un frère. Désormais connu pour être "le tueur au scooter", Mohamed Merah laisse derrière lui une famille. Une mère et quatre frères et sœurs à Toulouse, un père, des oncles et des cousins en Algérie. La stupeur le dispute à la colère et aux craintes de représailles chez les proches du jeune homme de 23 ans.
Quand il était encore question d'une inhumation en Algérie, l'aîné de la fratrie, Abdelghani, avait prévenu : il "ne souhaite pas assister à l’enterrement d’un monstre", selon des propos rapportés à FTVi par Abdallah Zekri, conseiller à la Grande Mosquée de Paris chargé d’assister la famille dans ses démarches.
Le père porte plainte contre le Raid
C’est pourtant ce même frère qui avait insisté dans un premier temps pour que son cadet soit inhumé en France, son pays natal. Sa volonté sera finalement respectée puisque l'Algérie a refusé d'accueillir le corps de Mohamed Merah, pour des "raisons de sécurité".
Le souhait d'enterrer le jeune homme en Algérie était le seul point d'entente, semble-t-il, entre ses deux parents, divorcés depuis des années. Sa mère, Zoulikha Aziri, craignait que la sépulture de son fils ne soit profanée, le père, Mohamed Benallel Merah, voulait "qu'il soit enterré au cimetière de sa famille et de ses aïeux", à Souaghi, dans la région de Médéa.
Selon Abdallah Zekri, Zoulikha Aziri a été particulièrement "choquée", comme le reste de ses enfants, par les propos de son ex-mari après la mort de leur fils. Celui-ci a fait part de son intention de "porter plainte contre la France pour avoir tué [son] fils". C’est finalement le Raid qui sera poursuivi, "dès l'enterrement de Mohamed Merah achevé", selon l'avocate de Mohamed Benallel Merah.
La mère vit recluse, dans un endroit tenu secret
Celui qui clame haut et fort sa colère d’avoir perdu un fils est pourtant régulièrement accusé de l’avoir "abandonné". "Il a le beau rôle de critiquer depuis l’Algérie, il n’avait qu’à s’occuper de ses enfants avant", glisse à FTVi Jean-Yves Gougnaud, l’avocat de la mère de Mohamed Merah. L'ancien avocat du tueur, Christian Etelin, abonde dans ce sens : "Le père se manifeste maintenant avec une certaine autorité et une arrogance absolument surprenante et inadmissible. Il se manifeste comme père une fois que son enfant est mort alors qu'il ne s'en est jamais occupé de manière sérieuse lorsqu'il était vivant."
Cette gesticulation paternelle contraste avec le silence maternel. "Je souhaiterais que ma cliente s’exprime, souffle Jean-Yves Gougnaud. Sinon, on ne va jamais la laisser tranquille." Zoulikha Aziri n’est pas revenue chez elle depuis la fin de sa garde à vue, vendredi dernier. Partagée entre la colère et la culpabilité, elle vit recluse dans un endroit tenu secret. "Surveillez vos enfants, regardez ce qui se passe à Toulouse", lançait-elle encore à ses voisins avant d’apprendre que l’auteur des tueries n’était autre que son plus jeune fils.
La famille est "montrée du doigt"
"Le ciel lui est tombé sur la tête. Cela va prendre beaucoup de temps pour qu’elle se reconstruise", souligne son avocat, qui la qualifie de "victime collatérale" dans cette affaire. Les frères et sœurs ne sont pas non plus épargnés. "Il y a des répercussions sur toute la famille. Ils sont devenus des gens qu’on montre du doigt", note Abdallah Zekri. Outre l'humiliation, Abdelghani a confié au religieux qu’une de ses sœurs avait été agressée.
Reste le cas particulier de l’autre grand frère de Mohamed Merah, Adelkader. Ecroué et mis en examen pour "complicité d'assassinats" et "association de malfaiteurs en vue de la préparation d'acte de terrorisme", il est soupçonné d’être à l’origine de l’endoctrinement de son cadet et de l’avoir assisté dans ses crimes. Selon 20 Minutes, des membres de sa famille se sont rendus discrètement à la prison de Fresnes (Val-de-Marne), mercredi après-midi. Ils auraient tenté, sans succès, de lui faire passer un exemplaire du Coran ainsi que des vêtements.
Cousins et oncles défendent Mohamed Merah
Pour Mohamed Benallel Merah, c’est sûr, son fils Abdelkader "n'a aucun lien avec l'affaire". De la dernière visite de Mohamed Merah en Algérie, en 2010, il se souvient d’un garçon qui "n'aimait pas trop sortir et restait dans sa chambre pour réciter des versets du Coran et lire des livres. Dès qu'il entendait le muezzin [l'appel à la prière], il se précipitait à la mosquée", raconte-t-il.
Pas de quoi prouver, selon lui, l’appartenance de son fils à une organisation extrémiste salafiste. Un scepticisme partagé par un cousin algérien, Taoufik Merah. "C'est incroyable qu'un aussi jeune garçon ait pu aller en Afghanistan, a-t-il déclaré à Reuters TV. La dernière fois que je l'ai vu, en 2002, il était très jeune (…), il vivait en France et il se débrouillait bien. Il n'avait aucune relation avec toutes ces organisations dont on parle."
Son oncle paternel doute également qu'il ait pu voyager à 23 ans au Pakistan et en Afghanistan. "Ce garçon a complètement changé après avoir été emprisonné. Il a dû subir un lavage de cerveau. Son esprit a été perturbé par ce temps passé en prison, on ne comprend pas ce qui s'est passé."
Un embarrassant lieu de pèlerinage
Pour Djamel Aziri, l’oncle maternel, tout aussi interloqué, c’est le refus de l’armée française d’intégrer Mohamed Merah dans ses rangs qui s’est avéré décisif : "J’ai compris en le voyant [en 2010] qu’il était très déçu de ne pas pouvoir intégrer l’armée en France. Il avait très mal vécu cela. De plus, il était vraiment perdu, sans vrai tuteur, il s’est fait son éducation quasiment seul."
Rachid Merah, demi-frère de Mohamed, va plus loin : "On récolte ce qu'on a semé, argumente-t-il. Ils tuent nos enfants en Palestine, en Afghanistan, en Irak… Ils doivent prendre leurs responsabilités. (...) Ils ont créé ce monstre qui a tué des enfants."
"C’est un véritable cauchemar pour notre famille, nous sommes réduits à néant", ajoute Djamel Aziri. Taoufik Merah avait une seule consolation : "Inch Allah, il va retourner sur sa terre et on pourra l'enterrer avec ses ancêtres." Les autorités algériennes en ont décidé autrement. Peut-être par crainte que cette tombe ne devienne un embarrassant lieu de pèlerinage.
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