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Le mariage pour tous peut-il être censuré par le Conseil constitutionnel ?

La bataille parlementaire terminée, l'UMP compte désormais sur le droit pour faire capoter l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples homosexuels.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'hémicycle de l'Assemblée nationale au moment du vote sur le mariage pour tous, le 23 avril 2013 à Paris. (CHARLES PLATIAU / REUTERS)

Sitôt votée, sitôt contestée. Quelques minutes à peine après l'adoption par l'Assemblée nationale de la loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples homosexuels, mardi 23 avril, les sénateurs de l'opposition ont saisi le Conseil constitutionnel.

Et ils ont bon espoir de voir les Sages censurer le texte. Dans un communiqué, ils expliquent pourquoi, selon eux, le texte n'est pas conforme à la Constitution de 1958. Outre "l'insuffisance manifeste des travaux préparatoires" et la présence d'un "conflit de la loi avec les règles en vigueur du droit public international", les sénateurs UMP et UDI ont dans leur viseur deux éléments bien précis du texte, à la fois sur le mariage et l'adoption. Peuvent-ils suffire à faire couler le texte ? Francetv info fait le tour de la question.

Sur le mariage

L'élément ciblé par les "anti" Jean-Frédéric Poisson, député UMP des Yvelines, l'assène à Libération : "Pour nous, l’union entre un homme et une femme est un élément fondamental des lois de la République." Une allusion au terme juridique de "principes fondamentaux reconnus par les lois de la République" (PFRLR), qui possèdent une valeur constitutionnelle.

Le problème, c'est que ces fameux principes n'ont jamais été énumérés dans un texte : c'est le Conseil constitutionnel, au fil de ses décisions, qui en a identifié certains, comme l'indépendance des professeurs d'université. L'opposition espère que le mariage hétérosexuel accédera à ce statut.

Pourquoi ils y croient Parce que l'union entre un homme et une femme respecte effectivement les critères de reconnaissance d'un PFRLR. Pascal Jean, professeur de droit public à Sciences Po Bordeaux, détaille ces trois critères sur Slate.fr : le mariage hétérosexuel trouve appui dans la législation antérieure à la Constitution de 1946, a été décidé par un régime républicain, et n'a connu aucune dérogation jusqu'à présent.

Ce que devrait en dire le Conseil constitutionnel Les Sages ne devraient pas suivre l'opposition sur cet argument. Parce que d'une part, même si le mariage entre un homme et une femme respecte les critères pour devenir éventuellement un PFRLR, il n'a "jamais été considéré" comme tel, comme l'a expliqué le constitutionnaliste Guy Carcassonne à Europe 1.fr. D'autre part, le Conseil constitutionnel a déjà indiqué noir sur blanc, dans une décision datant du 28 janvier 2011, que modifier le mariage relevait de la compétence du Parlement.

Sur l'adoption

L'élément ciblé par les "anti" La droite compte faire retoquer l'ouverture aux couples homosexuels de l'adoption plénière. Comme le rappelle Europe 1.fr, contrairement à l'adoption simple, l'adoption plénière "rompt tout lien juridique avec les parents biologiques. Elle aboutit à établir un nouvel acte de naissance de l'adopté et à supprimer l'ancien."

Pourquoi ils y croient Parce que, selon les parlementaires UMP à la manœuvre dans ce dossier, cette disposition va à l'encontre de l'altérité sexuelle évoquée dans le droit de la filiation, et notamment dans l'article 310 du Code civil. Celui-ci exige que "tous les enfants dont la filiation est légalement établie" aient les mêmes droits et devoirs "dans leurs rapports avec leur père et mère". Or, cet article n'a pas été modifié par le projet de loi sur le mariage pour tous.

D'où l'existence d'une situation contradictoire : d'un côté, certains adoptés seront légalement enfants de deux personnes de même sexe, de l'autre, ils devront selon l'article 310 du Code civil avoir les mêmes droits et devoirs que les autres "dans leurs rapports avec leur père et mère".

Deux magistrats cités par La Croix rappellent d'ailleurs qu'au nom de cette altérité sexuelle, "principe essentiel du droit français de la filiation", la Cour de cassation avait refusé de transcrire en France un jugement d'adoption obtenu par deux hommes à l'étranger.

Ce que devrait en dire le Conseil constitutionnel Il pourrait tout de même valider cette partie du texte. En effet, selon certains juristes, la coexistence dans le droit d'une filiation par deux personnes de même sexe et du principe d'altérité sexuelle n'est pas gênante. "Une loi postérieure a plus de poids qu'une loi antérieure. La loi sur le mariage gay va remplacer toute loi précédente sur l'adoption plénière et faire tomber toute jurisprudence", explique ainsi Guy Carcassonne sur Europe 1.fr.

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