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Haro sur Longuet, qui qualifie Le Pen d'"interlocuteur"

Dans une interview à l'hebdomadaire d'extrême droite "Minute", le ministre de la Défense estime que la présidente du FN peut désormais être un "interlocuteur" de l'UMP.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Marine Le Pen, la présidente du Front national, le 1er mai 2012 à Paris. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

La droite doit-elle discuter avec Marine Le Pen ? La question divise la majorité. Mardi 1er mai, le ministre de la Défense, Gérard Longuet, s'est déclaré favorable à cette éventualité, ce qui n'a pas manqué de soulever l'indignation à droite comme à gauche. FTVi revient sur la polémique.

Acte I : pour Longuet, Le Pen est un "interlocuteur"

C'est un entretien à paraître mercredi dans l'hebdomadaire d'extrême droite Minute qui a déclenché la polémique. Gérard Longuet y estime qu'il y a "une différence notable" entre Marine Le Pen et son père, Jean-Marie. Et ajoute que la présidente du Front national pourra désormais être un "interlocuteur" de l'UMP.

"Il y a une différence notable entre Marine Le Pen et son père. Tout le monde sait que je connais Jean-Marie Le Pen et il est certain que ce dernier n'a jamais pu résister au plaisir des provocations. Sa fille ne souffre pas de ce handicap et nous n'aurons pas, avec elle, de 'Durafour crématoire' et autre 'détail'", estime-t-il. "Il sera désormais possible de parler de sujets difficiles avec un interlocuteur qui n'est pas bienveillant mais qui, au moins, n'est pas disqualifié", juge Longuet, qui fut membre dans sa jeunesse des organisations d'extrême droite Occident, GUD et Ordre nouveau.

Un peu plus tard, il a tenté, dans un communiqué, de minimiser ses propos, tout en les assumant : "Si on peut se réjouir que Marine Le Pen n'ait pas les mauvais calembours de son père, la seule majorité de gouvernement possible est l'alliance du centre et de la droite républicaine."

Au micro de France 2, il a expliqué que, de la part de Marine Le Pen, "il n'y a pas eu d'oscénités épouvantables ou ces provocations que son père affectionait" :

Le signal de Gérard Longuet au FN ( France 2)

Acte II : Dati, puis l'ensemble de l'UMP, condamnent les propos

Cela n'a visiblement pas suffi à éteindre le début de polémique. "Je suis choquée, je n'adhère absolument pas au fait qu'on puisse dire que Madame Le Pen est un interlocuteur", a ainsi déclaré Rachida Dati à l'AFP. "Je suis pour l'intégration des immigrés venus légalement en France et non pas pour le tri entre 'bons' et 'mauvais' immigrés", a ajouté l'ancienne garde des Sceaux.

"Comment peut-on déjà accorder une interview à Minute ? Et comment peut-il dire une chose pareille sur Marine Le Pen alors qu'elle fait tout pour faire battre Sarkozy ?", a par ailleurs réagi, offusquée, une source gouvernementale sous couvert d'anonymat. Il y a six mois, le ministre chargé des Transports, Thierry Mariani, chef de file de la Droite populaire, avait déjà provoqué des remous à droite pour avoir accordé un entretien à Minute.

Les responsables de la majorité ont ensuite unanimement condamné les propos du ministre de la Défense. "Je ne pense pas" que Marine Le Pen soit un "interlocuteur", a ainsi indiqué Xavier Bertrand. "J'ai eu l'occcasion de le dire à Gérard Longuet tout à l'heure au Trocadéro" lors du meeting de Nicolas Sarkozy, a ajouté le ministre du Travail. Jean-François Copé, le secrétaire général de l'UMP, a tenu à réaffirmer, dans un entretien au Figaro à paraître mercredi, qu'il n'y aurait "jamais d'alliance avec l'extrême droite". Rama Yade, première vice-présidente du Parti radical ralliée à Nicolas Sarkozy, a qualifié de "faute" les propos de Gérard Longuet. 

Acte III : le camp Hollande dénonce des propos "nauséabonds"

Pierre Moscovici, directeur de campagne de François Hollande, a jugé pour sa part "nauséabonds" les propos de Gérard Longuet. Pour le député PS du Doubs, ils "prouvent que les dérives de la droite républicaine entre les deux tours" de la présidentielle "n'ont pas de limites".

"De la part du ministre de la Défense, un des principaux membres du gouvernement, une telle prise de position n'est pas fortuite, elle est scandaleuse (...), elle a une allure un peu désespérée mais aussi assez nauséabonde", a-t-il ajouté. Selon Pierre Moscovici, "autant il est légitime de s'adresser aux électeurs, de prendre en compte les colères sociales, le désarroi qui ont engendré le vote pour Marine Le Pen, autant il est périlleux, dangereux, inacceptable de donner une sorte de blanc-seing au Front national et de chercher ouvertement une alliance avec ce parti qui d'ailleurs la refuse".

"L'UMP qui se disait l'héritière du général de Gaulle est en vérité de plus en plus loin de ce legs républicain", a-t-il conclu.

Acte IV : Marine Le Pen envoie promener Gérard Longuet

La destinataire des propos du ministre n'a pas été plus aimable. Invitée à réagir à la polémique sur Europe 1, Marine Le Pen a ainsi déclaré que Gérard Longuet n'était "pas l'arbitre des élégances". "Ce n'est pas à M. Longuet, ni à personne d'autre, de considérer que mes électeurs sont ou ne sont pas républicains, qu'ils méritent d'être méprisés ou pas méprisés, qu'ils méritent d'être dans la République ou pas dans la République", a estimé la présidente du Front national.

 

Elle a même ironisé sur la situation, en se demandant si "on pouvait parler à M. Longuet, compte tenu de son passé". "Je ne sais pas si on peut parler aux gens d'extrême droite, a-t-elle fait mine de s'interroger. Quand on a commencé sa carrière à Occident, permettez-moi, on peut rarement dire qu'on est d'extrême gauche."

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