Cet article date de plus de douze ans.

En mutant Courroye, Taubira veut mettre fin au "cirque" à Nanterre

La ministre de la Justice estime que la mutation, contre son gré, du procureur de Nanterre, était urgente pour rétablir la sérénité. Philippe Courroye conteste la décision devant le Conseil d'Etat.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
La ministre de la Justice, Christiane Taubira, le 13 juin 2012 à l'Elysée. (MARTIN BUREAU / AFP)

JUSTICE - Christiane Taubira persiste et signe. La mutation de Philippe Courroye, nommé contre son gré avocat général à Paris, était "urgente" pour "rétablir la sérénité" au parquet de Nanterre et aurait dû intervenir depuis longtemps, affirme la ministre de la Justice, mardi 7 août dans Libération.

"Cela fait combien de temps que ça dure, le cirque ?", interroge la ministre, en disant avoir "un dossier de presse épais comme ça, rien que sur le parquet de Nanterre". "Le troisième parquet de France, ce n'est pas rien. Il est sous les feux de l'actualité depuis un temps considérable et cela finit par perturber son activité judiciaire", estime la garde des Sceaux, ajoutant que M. Courroye est "exposé à trois mises en examen".

Courroye saisit le Conseil d'Etat

Mais Philippe Courroye ne se laissera pas faire. Il a annoncé lundi avoir engagé une procédure devant le Conseil d'Etat pour contester sa nomination à Paris, qu'il assimile à une sanction disciplinaire.

Son avocate, Claire Waquet, a précisé avoir déposé auprès de la plus haute juridiction administrative "une requête en annulation" et une "requête en suspension d'exécution" du décret du 2 août ayant officialisé la mutation de Philippe Courroye. La requête en suspension d'exécution, appelée "référé-suspension", est une procédure d'urgence, qui doit être examinée rapidement par le Conseil d'Etat.

"Je fais cette requête parce que monsieur Courroye a été averti de ce qu'on souhaitait l'installer avec une diligence tout à fait extraordinaire", a commenté l'avocate, estimant qu'un "régime exceptionnel" avait été appliqué au magistrat.

"Une sanction disciplinaire qui ne dit pas son nom"

En révélant le 20 juillet par le biais de ses avocats que la Chancellerie souhaitait son départ du parquet de Nanterre "dans l'intérêt du service", Philippe Courroye avait annoncé son intention de contester cette mutation. "Si le gouvernement devait prendre un décret pour me muter contre mon gré à la cour d'appel de Paris, je l'attaquerais devant le Conseil d'Etat", déclarait-il ensuite au Figaro, s'estimant "lynché" et victime d'une "chasse à l'homme" aux motivations politiques. Il disait aussi avoir demandé une mise en disponibilité afin de devenir avocat à Paris.

Une semaine plus tard, le 31 juillet, le Conseil supérieur de la magistrature avait émis un "avis favorable" à sa nomination à Paris, officialisée trois jours plus tard par un décret du président de la République publié au Journal officiel. "Il s'agit d'une sanction disciplinaire, qui ne dit pas son nom et n'a donc pas pris les formes d'une sanction disciplinaire normale", estime Me Waquet.

Un magistrat contesté

Au cours des derniers mois, le procureur a été mis en cause plusieurs fois, notamment pour sa proximité avec Nicolas Sarkozy mais aussi pour sa gestion de l'affaire Bettencourt avant son dépaysement à Bordeaux, qui a généré de vives tensions au Tribunal de grande instance de Nanterre, en particulier avec la juge Isabelle Prévost-Desprez. Pour justifier sa mutation, la Chancellerie a invoqué les procédures pénales et disciplinaires engagées contre lui dans le volet des "fadettes" de l'affaire Bettencourt, où il est accusé par le journal Le Monde d'avoir tenté de découvrir les sources de deux journalistes.

Christiane Taubira précise en outre détenir "un PV de réunion du CHSCT" (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) de Nanterre "expliquant que le suicide d'un substitut [en mars] est lié à l'ambiance délétère qui règne au parquet".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.