Paris 2024 : kabaddi, flag football, fléchettes, karaté… Pourquoi ces sports sont absents des prochains Jeux olympiques

Article rédigé par Thomas Destelle
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
De gauche à droite : des sportifs qui font du kabaddi, du flag footballl, des fléchettes et du karate. (WANG ZHAO / ADRIAN DENNIS / AFP / FFFA / PHOTOPQR / NICE MATIN)
Cet été, de nombreuses disciplines sportives seront absentes des Jeux olympiques de Paris 2024. Nous avons établi une liste (non exhaustive) répartis en quatre catégories.

Il y a des incontournables comme l'athlétisme et des nouveaux venus comme le breaking. Comme lors de précédentes éditions, un nouveau sport apparaît lors des 33e Jeux olympiques de l'ère de moderne. Paris 2024 accueillera donc le breaking. Cette nouvelle discipline fait partie des 32 sports sélectionnés pour cette olympiade par le Comité international olympique (CIO).

Depuis une dizaine d'années, le CIO a mis en place des stratégies "pour éviter que les Jeux olympiques se sédentarisent dans un seul continent", explique l'historien du sport Eric Monnin. Si au final le nombre d'athlètes ne dépassera pas les 10 500, le nombre de sports et d'épreuves n'est pas limité. "Pour que les Jeux subsistent, il faut intéresser les jeunes", souligne le vice-président de l'Université de Franche-Comté et directeur du Centre d'études et de recherche olympique universitaire (Cerou).

L'idée est donc de promouvoir de nouvelles disciplines. "Le CIO ne peut pas faire abstraction de pratiques sportives qui s'implantent avec force et qui sont à des échelles diverses plébiscitées par un nombre grandissant de pratiquants, explique Philippe Tétart, historien et enseignant à l'Université du Mans. "Ce n'est pas pour rien si le triathlon apparaît en 2000 aux JO et qu'aujourd'hui il est présenté, en tout cas dans le discours médiatique français, comme un événement phare" explique l'historien qui a participé au livre Olympisme, une histoire du monde. Mais comment sont sélectionnés ces sports et pourquoi certains restent sur le bord du terrain olympique ? Pour le comprendre, nous avons établi une liste (non exhaustive) de sports absents des Jeux olympiques et paralympiques de cet été et nous les avons répartis en quatre catégories.

Parce qu'ils ne sont pratiqués que dans certaines régions du monde

Pour qu'un sport soit olympique, de nombreux critères rentrent en jeu : la popularité, les infrastructures existantes ou le développement futur de la discipline. Il existe aussi un aspect lié à l'intégrité de la fédération internationale, qui ne doit pas être mêlée à des affaires de dopage ou de corruption. Mais le principal critère "est que ce sport soit universel, c'est-à-dire qu'il y ait une mixité dans la pratique et qu'il soit généralement présent dans les cinq continents", explique Eric Monnin.

Il est donc nécessaire d'avoir un minimum de fédérations nationales régi par une instance internationale reconnue par le CIO. "Il faut des compétitions au niveau mondial avec un certain niveau", poursuit l'historien. Les sports traditionnels de certains pays vont difficilement atteindre les JO, notamment à cause du faible nombre de pratiquant à travers le monde. Il y a par exemple le hurling ou le football gaélique, qui sont principalement joués en Irlande, ou encore le netball et le footy, des sortes de basketball et football locaux, qui sont joués principalement en Australie.

Autre exemple cette fois en Asie avec le kabaddi. Une discipline qui est un mélange de lutte et de rugby, qui peut se pratiquer partout sans matériel particulier. Elle est souvent présentée comme la version sportive de l'épervier. Ce sport né en Inde est très populaire dans le sous-continent et dans les pays voisins, le Bangladesh, le Pakistan ou le Sri Lanka. Le chiffre de 50 millions de pratiquants est souvent avancé et plus de 300 millions de personnes suivent la ligue professionnelle indienne. Mais si ce sport est bien présent lors des Jeux asiatiques - il a aussi été un sport de présentation aux JO de 1936 et 1950 -, il ne risque pas d'arriver aux Jeux olympiques sauf si une ville indienne organise les JO et ajoute le kabaddi dans les sports additionnels.

Parce qu'ils seront aux Jeux olympiques de… 2028 

Certains sports régionaux ont tout de même leur place aux Jeux olympiques. Pour chaque olympiade, le CIO sélectionne des sports dits "titulaires" (athlétisme, football, cyclisme sur route, sports équestres…) et des sports dits "additionnels". En octobre 2023, le CIO a validé l'arrivée de cinq disciplines additionnelles aux Jeux olympiques de Los Angeles, et qui sont absentes des JO de Paris. Il s'agit du cricket, du baseball-softball, du squash, du flag football et du lacrosse.

Si voir du cricket aux JO apparaît logique car ce sport est suivi par "2,5 milliards de supporters dans le monde", rappelait la Commission du programme olympique, l'arrivée en 2028 du flag football et du lacrosse, sports natifs du continent nord-américain, est plus atypique. "Ces sports additionnels sont une possibilité pour les pays hôte de mettre en avant des sports qui parlent à ses habitants et sa jeunesse et, avouons-le, cela permet d'avoir aussi un peu plus de médailles", souligne l'historien du sport.

Pour le flag football, un dérivé du football américain mais sans contact, les États-Unis pourront peut-être compter sur la présence de la star Patrick Mahomes dans leur équipe. Le quarterback des Kansas City Chiefs, qui vient de gagner son troisième Superbowl, a déclaré vouloir participer au JO de Los Angeles. Les bons résultats de la France en breaking ne sont d'ailleurs pas totalement étrangers à l'arrivée de la discipline aux JO de Paris.

Parce qu'ils sont des candidats (possibles) pour les futurs Jeux

Avant d'arriver aux Jeux olympiques, le breaking est passé notamment par la case Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ) en 2018 à Buenos Aires. Une compétition qui permet au CIO de "tester" de nombreux sports. Il y a eu par exemple le basketball 3x3, présent maintenant aux Jeux olympiques. Il sera peut-être un jour rejoint par le beach handball ou par le baseball5 qui sera présent aux JOJ de 2028 à Dakar. Ces sports répondent aux nouvelles "prérogatives" voulues par le CIO  : moins d'infrastructures, moins d'athlètes et attirer des jeunes. "Il y a toujours eu des aménagements permettant de jouer un sport avec des règles légèrement différentes ou des terrains plus petits, souligne l'historien Philippe Tétart.

"La particularité, disons des vingt à trente dernières années, c'est que ces déclinaisons sont venues servir des fédérations qui cherchent toujours à diversifier les modes d'entrée dans leur pratique sportive."

Philippe Tétart, historien

à franceinfo

D'autres sports, qui ne sont pas encore considérés par certains comme des "vrais" sports, pourraient passer la porte de l'olympisme : la pétanque, les fléchettes, le bowling ou encore le billard. "Ce sont des sports à part entière, défend Eric Monnin, avec des compétitions internationales retransmises à la télévision. Maintenant, il y a une question fondamentale : est-ce que ces sports veulent aller aux Jeux olympiques ?"

La question se pose aussi pour des sports qui sont nés récemment : chase tag, sabre laser, padel… Mais pour l'historien du sport Eric Monnin, l'avenir est dans le virtuel : "Je crois très fortement aujourd'hui à des pratiques d'e-sport. Le CIO a créé, il y a maintenant deux ans, un département du sport virtuel et ils ont organisé en 2023 le premier congrès mondial à Singapour." Mais le CIO refuse de voir des jeux vidéo de tir comme Counter-Strike arriver aux Jeux olympiques. Résultat : la première "semaine olympique de l'e-sport", à Singapour, n'a proposé que des compétitions de sports virtuels et de simulations sportives. De quoi laisser perplexes les fans d'e-sport et les joueurs.

Parce qu'ils ont été abandonnés

L'arrivée du breaking n'a pas fait que des heureux. Ces nouvelles introductions dans l'olympisme sont parfois assimilées à un suivi des modes et une forme d'opportunisme. "On peut se demander parfois si on n'éprouve pas juste le besoin d'avoir une galerie de sport, dit autrefois de démonstration, et puis de s'en débarrasser quand on estime que ce n'est pas assez mainstream", déplore l'historien Philippe Tétart.

Car si certains sports sont acceptés, d'autres se retrouvent sur le banc de touche de l'olympisme. C'est le cas par exemple du karaté, qui n'est plus olympique pour les JO de Paris 2024 ni ceux de Los Angeles 2028. "Le CIO peut estimer que l'on a déjà des sports de combat, explique Eric Monnin. On a du judo, de la lutte, du taekwondo et de la boxe si on extrapole un petit peu." Et le retour aux JO pour une discipline peut être long. Par exemple, le cricket revient en 2028 après près de 130 ans d'absence. Le polo n'est pas revenu dans une olympiade depuis 1936.

"Au final, si on a un sport qui n'est pas universel et qui ne correspond pas forcément aux attentes de l'olympisme, il va être ôté du programme."

Eric Monnin, historien du sport

à franceinfo

Les places étant devenues chères, certains sports sur la sellette doivent s'adapter. Après les JO de 2024, le pentathlon moderne, au programme depuis 1912, va abandonner l'épreuve d'équitation suite à des accusations de maltraitance animale lors des JO de Tokyo 2021. Ce sera toujours une épreuve de saut d'obstacles mais qui se fera à pied, une décision qui a certainement sauvé la discipline d'un possible retrait en 2028. L'haltérophilie a elle aussi sauvé sa place mais rien n'est sûr pour la boxe. Cette fois, ce n'est pas lié au sport en lui-même mais au fait que le CIO a banni la Fédération internationale de boxe (IBA) du monde olympique, à cause de trop nombreux scandales de corruption.

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