Reportage JO de Paris 2024 : à Amboise, une parenthèse olympique "qui fait un bien fou" aux habitants de la résidence sénior

Article rédigé par Pierre-Louis Caron - avec Pauline Gauer, photographe
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Les habitants de la résidence du Parc de Vinci à Amboise s'enthousiasment pour les Jeux olympiques de Paris, le 29 juillet 2024. (PAULINE GAUER / FRANCEINFO)
Friands des diffusions d'épreuves à la télévision, les résidents du Parc de Vinci tentent aussi de conserver une pratique sportive régulière pour mieux appréhender la vieillesse.

Dans le hall d'entrée, difficile de rater les ballons colorés formant des anneaux olympiques. Ou encore les affiches, le long des couloirs et jusque dans l'ascenseur, qui rappellent aux étourdis que depuis le 26 juillet, les épreuves des Jeux olympiques de Paris 2024 sont diffusées dans la salle commune. Cet événement, la résidence Domitys - Parc de Vinci d'Amboise (Indre-et-Loire) compte bien le vivre à 100%. Surtout qu'un porteur de flamme figure parmi les 120 séniors qui y vivent.

Du haut de ses 99 ans, Daniel Rebiffé a eu l'honneur de tenir la torche olympique dans sa ville natale d'Etampes (Essonne). C'était le 22 août, à 200 km de là. "Depuis, il enchaîne les interviews et ne lâche plus le téléphone", sourit Elodie Janière, directrice de l'établissement. Quand il nous ouvre la porte de son appartement, le retraité s'affole : il n'a pas encore enfilé sa tenue de relayeur olympique. Il s'excuse, disparaît dans sa chambre, et revient au salon avec son habit et quelques anecdotes en prime.

Daniel Rebiffé Le 22 juillet 2024, Daniel Rebiffé a porté la flamme olympique accompagné de sa torche des Jeux de Londres 1948.

"Ma plus grande peur, c'était de ne pas être en forme ou de souffrir de coliques", confie-t-il. Durant les trois semaines précédant sa performance, il s'est ausculté chaque matin et a tenté de marcher le plus possible pour s'entraîner. "Sans canne, ni déambulateur", rappelle-t-il avec fierté. Deux jours avant son relais, il s'est mis à la diète en privilégiant "les aliments faciles". Une préparation qui a payé le jour J : Daniel a réussi à parcourir une plus grande distance que les 200 mètres initialement prévus.

"Bien sûr que j'ai pleuré, confie le résident. Tout le monde criait mon nom, il y avait des jeunes partout, ça m'a pris aux tripes." D'autant que l'ancien athlète peut se vanter d'avoir brandi deux flambeaux. "J'avais déjà porté la flamme en 1948, avant les Jeux de Londres", raconte-t-il. A l'époque, son engagement sportif au sein de la garde républicaine lui avait valu d'embarquer "avec 25 gaillards dans deux bus" pour transporter le feu olympique sur 600 km à travers la France, depuis la frontière suisse jusqu'au Luxembourg.

A 99 ans, Daniel Rebiffé a voulu transmettre l'héritage des Jeux de Londres 1948 en parcourant plus de 200 mètres à Etampes (Essonne) avec le flambeau de Paris 2024.

Soixante-quinze ans plus tard, il possède encore la torche, qu'il pose sur la table basse pour attraper la télécommande. "Ca ne vous dérange pas si je regarde un peu le VTT ?", s'excuse-t-il, les yeux déjà rivés sur la télévision. A l'écran, le cycliste français Victor Koretzky vient de se faire dépasser par le Britannique Tom Pidcock. "Mais c'est pas possible !, s'exclame Daniel. Il l'a poussé ou quoi ?" Le tricolore bataille, mais termine la course deuxième. Daniel décide d'aller regarder la remise des médailles au rez-de-chaussée, dans la salle télé de la résidence.

L'impression de "partager les rêves olympiques"

Confortablement installés dans les fauteuils jaunes et bleus du salon, Catherine, 87 ans, et Jean-Lou, 75 ans, sont à l'affût des médailles. "On a une belle après-midi devant nous", se réjouit Catherine, enseignante à la retraite. Sur son podium, elle place les sports d'épée tout en haut. "J'en ai fait plusieurs années", se rappelle-t-elle. Cela tombe bien, c'est au tour de la Française Sara Balzer de disputer la demi-finale de sabre – qu'elle finit par remporter dans une effusion de joie. "Oh là là, c'est magnifique !", réagit Catherine entourée de ses amies. Derrière elles, les joueuses de Scrabble froncent les sourcils dans ce brouhaha olympique. 

Catherine, ancienne escrimeuse de 87 ans Ancienne escrimeuse, Catherine, 87 ans, suit avec attention les sports d'épée et l'athlétisme aux Jeux de Paris 2024.

"Les JO, c'est le sujet de conversation incontournable dans les couloirs", souligne Jean-Lou, qui dit avoir "adoré" la cérémonie d'ouverture du 26 juillet. Chaque jour, ce retraité du secteur médico-social "passe une tête" pour voir si des épreuves l'intéressent, et s'il y a du monde pour les regarder. "Quand j'accroche, je peux rester un bon moment", explique celui qui a été subjugué par les décors pour l'équitation à Versailles, ou encore "la puissance tranquille" du nageur Léon Marchand. 

Si elle avait pu assister à une épreuve, Catherine aurait pris un billet pour le saut en hauteur femmes, discipline "d'une élégance totale". Jean-Lou, lui, se serait bien vu dans les gradins pendant un sprint en athlétisme. Ils sont interrompus par la victoire de la judokate française Sarah-Léonie Cysique, qui vient de remporter le bronze. "Bravo, elle s'est bien battue !", s'accorde à dire le petit groupe.

Catherine et Jean-Lou suivent tous les jours les épreuves des JO à la télévision, notamment des sports qu'ils ont pratiqué dans leur vie.

Autour de la télévision, des médailles géantes ont été accrochées au mur, "une production de l'atelier créatif de la résidence", explique Catherine. De quoi accompagner les mordus de sport pour les dix prochains jours. "Regarder ces athlètes qui se donnent à fond, qui se sont préparés pendant quatre ans, ça motive, ça fait partie de ces choses qui font un bien fou, confie la retraitée. On partage un morceau de leurs rêves olympiques."

"A notre âge, on veut surtout éviter les chutes"

Au-delà de la joie ressentie, "le sport ne se vit pas qu'à la télévision" pour les résidents, insiste Jean-Lou. Lui pédale régulièrement dans le petit gymnase de l'établissement. De son côté, Catherine se met à l'eau dès qu'elle le peut, "toujours en douceur". Tous deux sont admiratifs des prouesses de Colette, leur voisine de 101 ans, "qui fait cinq tours du parc tous les jours, vers 15h30". Ou encore de cet autre retraité, dont ils ne se souviennent plus bien du prénom, mais qui est "presque tout le temps en train de trottiner ou de nager"

"J'aimerais refaire du volley-ball, mais ce n'est plus possible", regrette Jean-Lou, après avoir tapé le ballon au-dessus du filet pendant près de cinquante ans. Les sports choisis par les séniors de la résidence Le Parc de Vinci sont plus individuels, et moins exigeants pour le corps. "A notre âge, on veut surtout éviter les chutes, répète Catherine. C'est la première cause de départ à l'hôpital ou à l'Ehpad ici, bien avant Alzheimer..." A côté d'elle, Guy, 89 ans, ne peut qu'acquiescer. Il en est à sa quatorzième chute en deux ans. "Ce qui est terrible, c'est qu'on se voit tomber, mais on ne peut rien faire", déplore ce retraité de l'automobile, passionné de handball et de rugby. La dernière fois, il s'en est tiré avec une blessure à l'arcade gauche.

Ancien coureur de cross-country, Guy ne peut plus pratiquer de sport mais ne raterait les épreuves des JO pour rien au monde. Médaille or JO 2024

Ce matin-là, à la résidence, un atelier de prévention a justement eu lieu. "C'est très important, on ne voudrait pas manquer les JO", plaisante Guy, alors que les chutes sont responsables de plus de 10 000 décès de personnes âgées en France chaque année. Ancien amateur de cross-country, il se souvient avoir aperçu la légende de l'athlétisme Alain Mimoun lors d'une course à Paris dans les années 1950. "Même si je ne peux plus courir, j'adore le sport et surtout voir émerger les nouveaux champions", claironne-t-il.

Résidence du Parc de Vinci à Amboise Des décorations réalisées pour les Jeux de Paris 2024 par les habitants de la résidence du Parc de Vinci à Amboise

En cette période olympique, chacun y va de son projet pour garder une bonne forme. Alors que Jean-Lou voudrait reprendre un sport collectif, Guy souligne que son petit club informel de billard "est passé de deux à six membres". Catherine s'investit pour sa part dans le yoga sur chaise. "N'allez pas croire que c'est reposant, on sent qu'on a travaillé après la séance !", défend-elle. Quant à Daniel, il poursuit plusieurs objectifs en même temps : battre le record de longévité de sa famille, "celui de mon père, décédé à 102 ans", mettre la main sur le très rare timbre d'un franc vermillon pour "enfin compléter" sa collection... Et peut-être faire une apparition aux prochains Jeux olympiques d'été, prévus à Los Angeles en 2028 : "Si on me paie les billets d'avion, j'y vais !", assure le retraité encore très actif. Après tout, il n'aura "que" 103 ans.

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