Paris 2024 : à cinq mois des Jeux, la Fédération française d'escrime en pleine tourmente

La démission d’Hugues Obry, dévoilée jeudi, n’est qu’une énième averse dans la tempête que traverse l’escrime française depuis quelques mois.
Article rédigé par Sasha Beckermann
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Yannick Borel aux Jeux olympiques de Tokyo, le 30 juillet 2021. (FABRICE COFFRINI / AFP)

La situation était devenue intenable en équipe de France d’épée, Hugues Obry a pris la décision d'abréger les souffrances. Le désormais ancien manager de l’équipe masculine a présenté sa démission à la Fédération française d'escrime (FFE), jeudi 29 février, qui l’a acceptée. Entre la suspension pour dopage d’Ysaora Thibus, les démissions, soupçons de malversations et rébellions, la FFE traverse une grosse tempête à cinq mois des Jeux de Paris. 

La démission d’Hugues Obry clôt un long chapitre marqué par de fortes tensions, et surtout l’absence des trois têtes d’affiche masculines - Romain Cannone, Yannick Borel, et Alexandre Bardenet - à l’entraînement à l'Insep. Le dialogue était presque rompu entre le manager général et ses escrimeurs, qui lui avaient reproché son management au retour des Mondiaux de Milan à l’été 2023.

Un compromis avait été trouvé début novembre 2023, après un premier arrêt maladie d’Obry, notamment grâce à l’intervention de l’Agence nationale du sport (ANS) : les épéistes étaient autorisés à s’entraîner au Levallois Sporting club pour Alexandre Bardenet et Yannick Borel, et à Saint-Maur pour Romain Cannone. Ils devaient tout de même continuer à participer à quelques séances hebdomadaires à l'Insep pour ne pas être coupés du reste du groupe. Cette solution a fait office de sparadrap sur une plaie bien trop profonde, et les relations entre le manager général et les escrimeurs n'ont cessé de continuer à se détériorer. 

Retour au printemps 2023, du côté des sabreurs cette fois-ci. Fin mai, le manager général Vincent Anstett est écarté par la Fédération, contre l’avis de trois autres têtes d’affiche de l’équipe masculine : Maxime Pianfetti, Sébastien et Jean-Philippe Patrice. Eux aussi décident de faire sécession et de ne plus s’entraîner à l'Insep pour suivre leur ancien manager général, créateur de la Paris Fencing Academy : "Le projet olympique pour lequel on s'est investi depuis le début de l'olympiade était porté par Vincent. C'est avec lui qu'individuellement nous avons eu nos meilleurs résultats et qu'on se sentait le mieux pour progresser. Mais ils ne nous ont pas écoutés et ont tout changé à un an des Jeux", se désolait Sébastien Patrice dans L'Equipe.

Dopage et soupçons de malversation 

Du côté des femmes, la plus grosse secousse vient de la suspension provisoire d’Ysaora Thibus pour dopage. La championne du monde de fleuret en 2022 a été testée positive à l’ostarine, un produit généralement utilisé pour augmenter la masse musculaire. Une contamination qu’elle reconnaît - a priori par le biais de son compagnon - mais pour laquelle elle nie l’administration volontaire.

Une véritable course contre la montre s’est engagée pour la fleurettiste qui a renoncé à l’analyse de l’échantillon B "afin de resserrer au maximum le temps de cette procédure". L’enjeu pour elle est d’être blanchie le plus rapidement possible avant les Jeux de Paris. "À 156 jours des Jeux olympiques, il est impératif que je puisse présenter ma défense dans le cadre d’une procédure accélérée visant à lever ma suspension pour me permettre d’y participer", expliquait-elle dans un communiqué publié le 20 février. 

Le chemin de Ysaora Thibus vers l'or olympique aux Jeux de Paris 2024 est interrompu. La championne du monde de fleuret est suspendue provisoirement pour un résultat anormal d'analyse antidopage.
Escrime : contrôle antidopage positif pour Ysaora Thibus Le chemin de Ysaora Thibus vers l'or olympique aux Jeux de Paris 2024 est interrompu. La championne du monde de fleuret est suspendue provisoirement pour un résultat anormal d'analyse antidopage.

Pour ne rien arranger au sombre tableau d’un des sports les plus pourvoyeurs de médailles pour la France, la Fédération a perdu son président en septembre dernier. Bruno Gares a démissionné de ses fonctions officiellement pour "raisons personnelles". Selon les informations de 20 Minutes, Bruno Gares aurait en réalité été poussé vers la sortie alors qu’une enquête de l’inspection générale était en cours en raison de plusieurs signalements sur sa gestion, notamment financière, ou son management brutal. Sa remplaçante par intérim, Brigitte Saint Bonnet, "a admis 'qu'environ 10 000 euros' de 'frais ne correspondant pas à sa mission' lui avaient été versés par la FFE" selon nos confrères.

"Je ne vais pas vous cacher qu'on préférerait qu'il ne se passe rien de tout cela. Effectivement on est confrontés à un certain nombre de difficultés", nous confie le vice-président de la fédération en charge du haut niveau et de la communication, Grégory Lafon. Maintenant, notre truc c'est de trouver un fonctionnement jusqu'au Jeux qui soit durable et qui favorise la performance. On a confiance en nos cadres techniques, on a confiance en nos tireurs. On ne regarde pas dans le rétro, on essaie de trouver des solutions partout."

En 2021 à Tokyo, l'escrime a été le sport qui a rapporté le plus de médailles à la France (5) derrière le judo (8). Difficile d'envisager des Jeux sereins dans ces conditions, alors que les épreuves se dérouleront du 27 juillet au 4 août dans la nef du Grand Palais. 

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