Parade des athlètes sur les Champs-Elysées : entre calculs politiques et fête populaire, comment les autres pays rendent hommage aux médaillés des Jeux
Cette fois, c'est vraiment la dernière séance, et le rideau sur l'écran va tomber. L'ultime volet des Jeux de Paris se déroule samedi 14 septembre en plusieurs temps. D'abord, une parade des athlètes sur les Champs-Elysées, accompagnés des petites mains de ce grand événement (volontaires, agents de sécurité, etc.). Ensuite, la partie formelle : la remise de décoration des médaillés, qui se déroule traditionnellement sous les ors de l'Elysée. Enfin, la dernière fête, avec un concert pensé comme un pot-pourri de toutes les performances des quatre cérémonies de ces six semaines enchantées. Du jamais-vu, assurent les organisateurs, qui ont réussi maintes fois à nous surprendre. La France n'est pourtant pas la première à offrir à ses sportifs olympiques une parade en mondovision.
Champion olympique toutes catégories, le Royaume-Uni. Outre-Manche, on s'est lancé dans le cortège de bus à impériale au milieu des années 2000. Après plusieurs tours de chauffe réussis – pour fêter certains athlètes ou pour soutenir la candidature de Londres pour les Jeux de 2012 par exemple –, la bonne formule est trouvée en 2008. En plein milieu des Jeux de Pékin, Boris Johnson, alors maire de Londres, surfe sur les performances des athlètes du cru et annonce dans le Evening Standard : "On a calé une date dans le calendrier pour fêter nos héros."
Plusieurs centaines de milliers de personnes répondent à l'appel, un lundi de septembre à la mi-journée. Fin politique, "BoJo" a aussi crevé l'écran lors de la parade consécutive aux Jeux de Londres, raconte le Guardian, en éclipsant son vieux camarade du prestigieux collège d'Eton, David Cameron, alors Premier ministre, lors des discours. Le maire de la capitale a d'abord chauffé à blanc la foule en ironisant sur le total de médailles des Français – une comparaison qui marche à tous les coups outre-Manche – avant de réussir le tour de force de faire acclamer la société de gardiennage G4S, qui avait pourtant lâché les organisateurs juste avant les Jeux, obligeant à un recours massif de l'armée pour assurer la sécurité.
Des parades à visée politique
Un Boeing 747 de British Airways avec "Thank You" peint sur le dessous de la carlingue, des performances des Pet Shop Boys et d'Amy McDonald, et le tour est joué. Le temps des fâcheries reprendra quelques mois plus tard, quand les athlètes paralympiques seront oubliés de la liste des décorations du 1er janvier 2013 de David Cameron. La différence de traitement entre les athlètes les plus médiatiques (le célèbre marin Ben Ainslie, le gymnaste Louis Smith, surtout connu pour avoir remporté une saison de l'équivalent britannique de "Danse avec les stars"...) et le "commun des mortels" de l'olympisme britannique traduira cruellement que l'inclusivité vantée par les Paralympiques de 2012 avait fait long feu, regrette le Guardian.
Une troisième salve de parades (une à Manchester, puis une à Londres) se déroule en 2016 avant que cette tradition naissante se fracasse sur le Covid. Ou sur une certaine forme de lassitude. Dans l'histoire récente, peu de pays ont organisé plus de trois parades post-JO consécutivement. Le Japon en est le meilleur exemple. En 2012, le Comité olympique japonais met sur pied une parade des médaillés dans le quartier très commerçant de Ginza. Version officielle : fêter les belles performances des athlètes nippons à Londres, avec un record de médailles. Plus officieusement, les autorités espèrent relancer l'adhésion des Japonais à leur projet d'accueillir les Jeux de 2020 – ils viennent de se voir souffler l'édition 2016 par Rio de Janeiro. "On espérait 10 000 spectateurs, minaude Tsunekazu Takeda, le patron du Cojo de l'époque, sur le site spécialisé Inside The Games. Mais jamais les 500 000 personnes qui sont venues ! C'était un moment charnière pour nous." Comme par magie, le soutien à Tokyo 2020 grimpe de 20 points dans les sondages pour atteindre 70%. Un chiffre qui pèsera lourd dans la décision du CIO quelques mois plus tard.
Une célébration à géométrie variable
Pays phare de la parade s'il en est, les Etats-Unis ont salué ponctuellement leurs champions olympiques lors des fameuses "ticker-tape parades" (PDF), ces défilés entre les gratte-ciel de New York avec des confettis rectangulaires et colorés tombant du ciel. Les athlètes olympiques de 1912 de retour des Jeux de Stockholm, les champions des Jeux de Paris en 1924, ceux d'Amsterdam 1928, les médaillés des Jeux de Berlin de 1936 – parmi eux, un certain Jessie Owens –, l'équipe olympique des Jeux de 1952 puis les héros des Jeux de Los Angeles en 1984, dominés outrageusement par les athlètes arborant la bannière étoilée.
"Deux millions de personnes se massaient sur le bord de la route. C'est la plus grande parade jamais organisée", se gargarisait le maire de la "Grosse Pomme", Ed Koch, dans le New York Times. Et, curieusement, la dernière pour les médaillés olympiques, alors que les filles de l'équipe de foot américaine y ont eu droit deux fois dans les années 2010.
Ces champions olympqiues avaient également eu droit à un discours de remerciement du président Reagan lors d'un petit déjeuner à l'hôtel Century Plaza de la cité des anges. Depuis, même pour des Jeux à domicile, la coutume veut que les athlètes se rendent après l'événement à la Maison Blanche écouter les blagues présidentielles, de Bill Clinton demandant aux footballeuses sacrées à Atlanta en 1996 de lui apprendre leur glissade sur le ventre, à George W. Bush utilisant dans un discours le surnom honteux du snowboarder Shaun White, "the flying tomato" ("la tomate volante"), en 2006.
D'autres pays organisent ponctuellement des parades pour saluer leurs champions, comme l'Italie en 2012, l'Australie en 2004 et 2008 à grand renforts de confettis verts et jaunes (mais curieusement pas en 2000, après les Jeux de Sydney), le Kenya après un bon cru olympique en 2008, ou encore le Botswana qui a fait défiler cette année le premier champion olympique local, le sprinter Letsile Tebogo, sacré sur 200 mètres, dans un bus tournant sur une piste d'athlétisme.
Même la France s'était risquée à l'exercice en 2012, après les Jeux de Londres. A l'époque, l'événement, organisé en partenariat avec Adidas avec des bus bleu roi sur les Champs-Elysées, avait eu lieu au lendemain des JO, laissant de côté les athlètes paralympiques. Chose qui serait impensable aujourd'hui.
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