JO 2024 : le Covid-19 risque-t-il de jouer les trouble-fêtes pendant la compétition ?
L'épidémie de Covid-19 sera forcément scrutée de près pendant les Jeux olympiques de Paris. Une joueuse australienne de water-polo a déjà été placée à l'isolement après avoir subi un test positif, a d'ailleurs annoncé mardi 23 juillet la responsable de l'équipe olympique du pays, Anna Meares. L'athlète, dont le nom n'a pas été communiqué, continue de s'entraîner, "mais elle dort seule dans une chambre". Un peu plus tard, un deuxième athlète a également été diagnostiqué. Le compteur ne devrait pas en rester là, car des dizaines de milliers de sportifs, d'officiels, de journalistes et de spectateurs vont se rassembler pendant la durée des épreuves.
Le Tour de France a déjà donné le ton ces dernières semaines, avec plusieurs abandons causés par des symptômes de la maladie. Les masques ont même refait leur apparition dans le peloton et les organisateurs avaient finalement imposé le port d'une protection à tous les acteurs de la course en contact avec des coureurs, comme les journalistes et les invités. La fédération française de judo, de son côté, avait annoncé il y a deux semaines que son stage de préparation avait été écourté, en raison d'un cas de Covid-19 qui touchait l'un des participants. "L'ensemble du staff fera des tests antigéniques avant d'arriver" en stage à Vichy, avait également expliqué le médecin de la fédération française de natation, Sébastien Le Garrec.
La menace est prise au sérieux à la veille des JO, alors que les athlètes ont fourni des efforts soutenus pendant de longs mois de préparation. Plusieurs sportifs belges, dont le nombre et l'identité n'ont pas été révélés, ont récemment été testés positifs au Covid-19, a rapporté le médecin du comité olympique belge au journal Het Laatste Nieuws. Ils ont été contraints de différer leur départ pour Paris.
Un virus qui continue de circuler à bas bruit
L'inquiétude concerne également le village olympique. "Nous voulons absolument endiguer la propagation de maladies infectieuses", a expliqué Jonathan Finnoff, médecin en chef de la délégation américaine, cité par USA Today. Les infections respiratoires "entravent la capacité des athlètes à concourir au plus haut niveau". Pour autant, il n'a pas exclu qu'un sportif puisse disputer des épreuves après un test positif au Covid-19. "Ce n'est pas tout noir ou tout blanc", a-t-il estimé.
De fait, l'épidémie est toujours présente en France. Même à bas bruit. Mircea Sofonea, épidémiologiste à l'université de Montpellier, observe des indicateurs globalement en baisse, en citant notamment les données du réseau Sum'Eau, qui assure la surveillance microbiologique des eaux usées. Le taux d'incidence, quant à lui, remonte désormais dans les consultations médicales recensées par le réseau Sentinelles. Mais "nous ne pouvons rien affirmer sur la taille exacte de l'épidémie", résume le chercheur, jugeant que "les indicateurs sont parcellaires" et que "la surveillance est dégradée depuis juillet 2023", faute de moyens suffisants.
"Les chants, les cris et l'activité physique sont des causes de surrisque de transmission."
Mircea Sofonea, épidémiologiste à l'université de Montpellierà franceinfo
Les JO, en tout cas, "vont commencer dans un contexte de circulation active du Covid-19, avec une reprise à craindre." La promiscuité et la densité des populations concernent à la fois les sites olympiques et certains logements, qui seront occupés plus densément pendant les épreuves. Mircea Sofonea appelle à la vigilance dans un contexte festif marqué par du bruit, de la musique et des encouragements. "Chez l'émetteur infecté, il y a une émission plus importante de gouttelettes respiratoires potentiellement chargées en virus, relève le chercheur. Et chez l'éventuel infecté, des inspirations plus fréquentes, sur de plus grand volumes."
Un cocktail perdant ? Mircea Sofonea cite les "événéments de super-propagation bien décrits au tout début de la pandémie" en prenant l'exemple des chorales, comme celle du comté de Skagit dans l'Utah (Etats-Unis). "Il ne faut pas minimiser le risque de transmission et ne pas négliger les moyens qui sont à notre disposition pour limiter l'incidence, car celle-ci sera plus élevée". Pour autant, de l'eau a coulé sous les ponts. "Il n'y a pas du tout de crainte analogue à celle des premiers mois de la pandémie en termes de saturation des systèmes de soins. Et ce n'est pas lors de ces JO qu'un nouveau pathogène ou de nouveaux variants vont assombrir la fête."
Une augmentation des cas attendue, mais une forte immunité
En attendant le début des épreuves, les autorités semblent vouloir tourner la page. Frédéric Valletoux, ministre de la Santé démissionnaire, a également adopté un discours rassurant. Même si "le Covid est toujours là", il n'existe "pas de risque de cluster" concernant la circulation du virus pendant la durée des JO, a-t-il assuré mardi sur franceinfo.
Les rassemblements sportifs, pourtant, "sont bien connus pour favoriser les transmissions et ils peuvent jouer un rôle d'accélérateur dans la circulation du virus chez les sportifs et les spectateurs", explique à franceinfo l'infectiologue Anne-Claude Crémieux, membre du collège de la Haute Autorité de santé (HAS). Elle cite à l'appui une rencontre entre Lyon et la Juventus, en avril 2020, mais également l'Euro de football au Royaume-Uni, en 2021. Une étude parue dans la revue Science, début juillet, a montré que les rassemblements correspondaient à des augmentations brutales de contamination, et tout spécialement lors des matchs de l'Angleterre à domicile, suivis des traditionnelles libations de troisième mi-temps.
Mais comme son collègue, elle tempère les risques de voir une vague de malades pendant la quinzaine, notamment grâce à l'immunité collective développée ces dernières années. "Les dernières recrudescences de Covid-19 n'ont plus rien à voir avec les vagues que nous avons connues. Il est devenu très difficile pour ce virus d'avancer dans la population, très immunisée." Au Royaume-Uni, la séroprévalence (exposition au virus ou vaccination) atteint par exemple 100% dans la population âgée de plus de 17 ans. "Semestre après semestre, les courbes des passages aux urgences et des hospitalisations sont de plus en plus plates, poursuit Anne-Claude Crémieux. Une bonne partie de la population sait encore se défendre contre les formes sévères."
Pas de nouveau variant inquiétant
Alors que plusieurs variants s'étaient rapidement succédé au tout début de la pandémie, cela fait déjà trois ans et demi que le variant Omicron est prédominant, même s'il a donné lieu à de nouveaux sous-variants. L'Organisation mondiale de la santé (OMS), d'ailleurs, n'identifie plus aujourd'hui de variants préoccupants, mais seulement des variants à suivre et en cours d'examen. Anne-Claude Crémieux imagine mal une explosion soudaine des hospitalisations sans "l'irruption d'un nouveau variant très différent des autres", en un temps record. Une hypothèse peu probable.
"On peut s'attendre à une accélération de l'épidémie mais sans impact important sur le système de soins."
Anne-Claude Crémieux, infectiologue et membre du collège de la HASà franceinfo
A ce stade, les inquiétudes sont donc cantonnées aux populations les plus fragiles. Une campagne de rappel gratuit a été organisée en amont des JO, du 15 avril au 16 juin, à destination notamment des personnes âgées de plus de 80 ans et des personnes immunodéprimées. "En conclusion, si on fait partie des personnes à risque, il est légitime de porter un masque dans ces rassemblements", insiste Anne-Claude Crémieux. Ceux qui présentent "des rhinites ou des toux doivent en faire autant pour éviter de contaminer les autres, d'autant que la rougeole et la coqueluche sont en circulation".
L'OMS ne dit pas autre chose. "Il s'agit d'un moment important dans la carrière des athlètes, et ce serait une chose horrible de leur transmettre le virus, a commenté une porte-parole, citée par Reuters. Il est donc demandé à quiconque présentant des symptômes de rester à son domicile ou à l'hôtel." Il serait dommage de faire un ippon à Teddy Riner en éternuant trop près du tatami.
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