Reportage Paris 2024 : sur l'aire d'autoroute de Montélimar, "l'atmosphère des JO se fait bien ressentir"

Article rédigé par Pierre-Louis Caron - avec Pierre Morel, photographe
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Après huit heures de route depuis le Nord, Simon et ses parents profitent du terrain de basket de l'aire de Montélimar (Drôme), sur l'A7, le 5 août 2024. (PIERRE MOREL / FRANCEINFO)
En route vers les vacances ou pour le travail, les usagers de l'A7 ne perdent pas les Jeux des yeux. Certains enchaînent même les kilomètres pour ne rien rater des épreuves.

Un coin d'ombre sur l'autoroute du soleil. C'est ce que cherchaient Justine, Kévin et leurs deux enfants, afin de pouvoir couper le moteur quelques instants. Partis au milieu de la nuit de Valenciennes (Nord), ils viennent d'arriver à l'aire d'autoroute de Montélimar (Drôme) en ce matin du lundi 5 août. Alors qu'à Paris, les triathlètes viennent de plonger dans la Seine pour le relais mixte, les automobilistes rêvent d'un peu de fraîcheur le long de l'A7. Les chênes qui recouvrent l'espace de jeux feront l'affaire.

"Papa, tu vas chercher le ballon ?", réclame Simon, 5 ans. Il faut dire qu'après le casse-croûte, ses parents lui avait promis de jouer au basket. "Sa nouvelle passion", glisse sa mère. A la rentrée, le petit garçon intégrera d'ailleurs un club près de chez lui. En attendant, il enchaîne déjà les dribbles et arrive même à tirer jusqu'au panier, pourtant dimensionné pour les adultes. "C'est peut-être le Léon Marchand du basket ?", plaisante son père, qui reste impressionné par le jeune nageur français cinq fois médaillé.

Autoroute vue d'un pont enfant jouant sur un city stade avec sa famille

En route pour les Pyrénées-Orientales, la famille de Nordistes vise deux semaines de calme. Mais pas forcément de repos. "On a acheté une remorque pour transporter les petits à vélo", expliquent Justine et Kévin. Après avoir longtemps joué au handball ou nagé en club, des disciplines qu'ils suivent aux JO, les jeunes parents n'ont plus un moment à eux pour faire de l'exercice. Mais l'ambiance olympique pourrait les remotiver. "C'est sûr que ça donne envie de s'y remettre, car le sport n'est jamais très loin de nous", confie Justine, qui passe la balle à son fils pour un dernier panier avant de repartir.

BMX et sandwichs triangles

Alors que l'horloge n'affiche pas tout à fait midi, le thermomètre, lui, grimpe déjà à 28°C à l'ombre. Les parkings se remplissent à grande vitesse et des files d'attente se forment à l'entrée des bâtiments climatisés. Avec 40 000 véhicules en moyenne qui s'y arrêtent chaque jour, "soit l'équivalent de la population de Montélimar", souligne Vinci Autoroutes, le complexe routier occupe la première place au podium des aires les plus fréquentées de France.

Air d'autoroute drapeau avec comme inscription 'olympique paris'

A côté des restaurants, des toilettes et des échoppes où l'on trouve les traditionnels souvenirs, glaces et sandwichs, le site propose une panoplie d'équipements sportifs : terrain multisports, murs d'escalade ou encore piste de vélo BMX. Lors du week-end d'ouverture des Jeux de Paris, les 26 et 27 juillet, l'aire a aussi accueilli des animations autour d'une vingtaine de sports.

Pour Moustapha, père de famille de 38 ans, "l'atmosphère des JO se fait bien ressentir". Attablé avec sa compagne et leurs deux enfants, il s'apprête à croquer dans un hamburger avant de rejoindre un camping à Hyères (Var). "On se prend à regarder beaucoup d'autres sports, comme l'athlétisme ou le judo, alors que d'habitude, on est surtout à fond dans le football", lance-t-il en échangeant un sourire avec son fils Kylan, 13 ans, qui arbore un maillot tout neuf de l'Olympique lyonnais.

2 hommes assis se tenant par les épaules pour la photo vignettes de sport à collectionner

Sur la route des vacances, il est encore possible de suivre les Jeux via l'autoradio ou les smartphones. "Mais au camping, ce sera plus difficile, car on n'aura pas la télé", glisse la petite famille. "On a déjà eu des moments incroyables", se satisfait toutefois Moustapha, qui se souvient d'avoir "arrêté de respirer" juste avant les victoires de Teddy Riner. Pour la suite de la compétition, pas de pression donc. "Ce sera dans la voiture ou si on tombe sur un écran quelque part."

Du cyclisme entre deux feux de forêt

Au milieu des aoûtiens, un groupe de pompiers détonne. "Nous faisons une pause avant de rentrer à la maison", explique le commandant Gabriel Rinaldi, en charge des 70 hommes et femmes de la colonne Est Bravo, déployée en renfort dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur face au risque de feux de forêt. "Heureusement, la situation n'est pas trop mauvaise cette année", rassure le patron du Sdis 57, basé en Moselle. De quoi en profiter pour suivre les Jeux de Paris ? "Nous sommes tous sportifs donc c'est un évènement qui nous parle", sourit-il. Entre deux feux, il y a bien eu le cyclisme féminin, visionné la veille avec des collègues de la caserne d'Aix-en-Provence. "Mais généralement, c'est trop difficile la journée", tempère-t-il.

Des melons et des bouteilles d'eau plein les bras, les soldats du feu s'apprêtent à remonter dans leur camion. Certains viennent de la Meuse ou de la Meurthe-et-Moselle, et ont encore une dizaine d'heures de route "à 80 km/h maximum". "On ne va pas pouvoir regarder grand-chose des épreuves d'aujourd'hui", commente le commandant Rinaldi. A l'instar des autres jours, ce sera donc "rattrapage le soir en replay, dès que possible", à la télévision ou sur internet. 

Les pompiers de la colonne de renfort Est Bravo stationnés sur l'aire de Montélimar (Drôme), le 5 août 2024

Suivre les Jeux en différé, c'est aussi le lot de Christine, employée d'une boutique de l'aire de Montélimar. Au milieu des nougats empaquetés "pour l'occasion" dans des sachets bleu-blanc-rouge, elle confie adorer l'équitation aux JO et regarder des résumés une fois son service terminé. "Les décors à Versailles, c'était quand même quelque chose", se souvient-elle d'un air rêveur. Son collègue Dylan, saisonnier de 18 ans, en a vu davantage et surtout en direct, grâce à ses horaires matinaux. "Je termine à 15 heures, c'est super pratique pour les grosses épreuves du soir", se réjouit ce fan de volleyball. Sans ça, les Jeux de Paris se résumeraient pour lui "aux logos officiels sur les bouteilles des boissons sponsors", blague-t-il.

dylan, portant du thé glacé dans une aire d'autoroute Gilles, conducteur routier

Sur le parking réservé aux poids lourds, Gilles, routier breton, compte pour sa part sur la radio pour le tenir informé des résultats. "J'écoute surtout les grands rendez-vous, où lorsque l'on parle des JO dans d'autres émissions que j'aime bien", raconte-t-il au volant de son camion chargé de produits surgelés. En déplacement pour la semaine dans le Sud-Est, il a rarement accès aux images, car "il n'y a plus de télévision dans les restoroutes", déplore-t-il. Ce qui ne l'a pas empêché de vibrer pour la natation, lui qui place, comme bien d'autres, les victoires de Léon Marchand au panthéon de ses moments préférés.

"J'ai traversé toute la France pour les JO"

Au sortir d'un autobus reliant Clermont-Ferrand à Lyon, les passagers foncent aux toilettes. Derrière eux, Hany, 40 ans, prend son temps malgré le soleil qui cogne. Tee-shirt "USA" et sac floqué aux couleurs du Brésil sur les épaules, ce touriste américano-égyptien brouille les pistes. Il est en fait venu pour supporter les Pharaons, l'équipe de foot masculine d'Egypte. "Je suis arrivé le 23 juillet et je reste jusqu'au 8 août", explique-t-il d'une voix abîmée par les heures passées dans les stades. Après Paris, Rouen, Bordeaux, Nice et Marseille, il est en route pour Lyon, où son équipe doit affronter les Bleus de Thierry Henry.

Hany, touriste américano-égyptien qui vient soutenir l'équipe de foot masculine d'Egypte

"On peut dire que j'ai traversé toute la France pour les JO, oui !", crâne-t-il derrière ses lunettes de soleil. "Fan de l'organisation" des Jeux, il s'est laissé tenter par d'autres disciplines, comme le rugby. "J'ai réussi à obtenir des tickets pour 12 matchs, en ne payant que 36 euros. Quelle affaire, sérieux !", lance-t-il en écarquillant les yeux. Sur son téléphone, il n'a rien raté des participations égyptiennes, marquées par le bronze de l'épéiste Mohamed Elsayed et l'étonnante révélation de la sabreuse Nada Hafez, qui a concouru à sept mois de grossesse.

"J'ai assisté à la Coupe du monde de football en Russie, en 2018. C'est un évènement tout aussi énorme, mais je préfère les Jeux olympiques où il y a beaucoup moins d'agressivité et d'affrontements."

Hany, touriste américano-égyptien

à franceinfo

Pour Michaël, 20 ans, et ses parents, tous originaires de Suisse, "pas besoin d'aller en vacances à Paris" pour vivre les Jeux. De la cérémonie d'ouverture aux différentes épreuves, ils n'ont rien raté de l'évènement depuis les Landes et la Provence. Dans les bars et restaurants, la ferveur tricolore devant les écrans s'est même révélée contagieuse. "On a senti un bel élan populaire. A force, on était bien obligés de supporter les Français." Et les athlètes suisses ? "On a découvert leur visage pendant ces Jeux !", s'esclaffent-ils.

publicité pour le nougat de montélimar un père, son fils et leur chien assis dans un parc

Sur la route et à leur retour à Neuchâtel, ils vont tout de même continuer à suivre les JO. Avec un total de sept médailles engrangées à la moitié de la compétition, les Helvètes n'ont d'ailleurs pas à rougir. "C'est vrai qu'on a des talents en BMX et en tir à la carabine", reconnaît Christian, le père. "Mais notre truc, ce sont plutôt les sports d'hiver. En 2030 [pour les Jeux d'hiver, qui devraient avoir lieu dans les Alpes françaises], on verra qui enchaînera les médailles !", prévient-il. Le rendez-vous est pris.

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