Rocancourt, condamné à 8 mois de prison ferme, est sorti de prison
"L'arnaqueur des stars" a été jugé coupable d'abus de faiblesse sur la réalisatrice Catherine Breillat, à qui il aurait soutiré 700 000 euros.
"L'escroc des stars", Christophe Rocancourt, 44 ans, a été condamné vendredi 17 février par le tribunal correctionnel de Paris à 16 mois de prison dont huit ferme pour abus de faiblesse de la réalisatrice Catherine Breillat, 63 ans.
Il est sorti de prison dans la nuit de vendredi à samedi, bénéficiant d'un aménagement de peine, après ses deux mois de détention provisoire. Interrogé à sa sortie par France Info, le play boy a dénoncé "une belle farce"et annoncé son intention d'écrire un livre sur cette affaire. "Il n'y avait pas cet abus de faiblesse, il n'existait pas", a-t-il insisté.
La cinéaste l'accusait d'avoir profité de son état d'extrême fatigue après un accident vasculaire cérébral (AVC), pour lui soutirer 700 000 euros entre 2007 et 2009. Lui a affirmé pour sa défense que c'était un prêt pour un futur film dans lequel il devait jouer avec l'ex-top Naomi Campbell. Sulfureux et controversés, les deux personnages attirent la lumière : quelle est leur histoire ?
Lui, Christophe Rocancourt
Arsène Lupin, arnaqueur des stars, playboy, imposteur, baratineur, etc. Les surnoms d'oiseau, la presse lui en a trouvé un tas. Lui n'a pas attendu les journalistes pour se donner des titres : futur énarque, ex-champion de boxe, producteur, fils de Sophia Loren, de Rockfeller, pilote de Formule 1, etc. A force de raconter des histoires, il a fini par en vivre une.
La légende commence dans la misère. Elle veut qu'il ait été arraché à ses parents, père alcoolique et mère prostituée qui vivent dans une caravane. Il est placé dans un orphelinat à Saint-Germain-Village, dans l'Eure. Ado, un gosse de riche passe dans une station de métro et le protège. Il traîne dans les fêtes mondaines et arnaque à 19 ans les parents de sa copine. Il vend leur immeuble du XVIe, raconte Libération dans un portrait. Ce n'est pas un tendre.
En 1990, il déboule à Los Angeles. Il ne parle pas anglais. Il fait son trou, arnaque un type qui veut blanchir de l'argent, s'approche des jet-setteurs, se fait passer pour un ex-boxeur, s'installe dans une villa qui n'est pas la sienne, la vend, devient incontournable chez les stars, rencontre la fille du président gabonais Omar Bongo, y gagne un passeport bleu américain, se fait passer pour le descendant de Rockfeller à New York. On le croit, même s'il a un anglais approximatif. "C'est plus de la bêtise, c'est de la connerie humaine, c'est pathétique, ce qui est encore plus pathétique, c'est qu'ils font des affaires. Des mauvaises, quand ils me rencontrent", sourit-il face au présentateur Thierry Ardisson (où il parle souvent de lui même à la troisième personne, "on").
Ses aventures sont ponctuées de playmates -- il a un enfant, Zeus, avec l'une d'entre elles --, de stars, de voitures de luxes, d'un jet privé et aussi de séjours en prison. En 2001, en cavale depuis deux ans, il se fait serrer pour de bon au Canada et passe cinq ans à l'ombre entre Canada et Etats-Unis. En février 2006, il se dit "rangé, oui, tranquille".
Elle, Catherine Breillat
Catherine Breillat n'a pas toujours bonne presse. Comme Rocancourt, elle aime le scandale, mais dans un autre genre. Les histoires, elle les écrit depuis toute jeune. Née en 1948 à Bressuire (Deux-Sèvres), elle rédige L'homme facile qui paraît en plein mai 1968. Elle a vingt ans. Son livre a été écrit alors qu'elle était encore mineure et son père a signé le contrat d'édition avec Christian Bourgois. C'est cru, dérangeant. Le roman fait scandale, est jugé pornographique. Il est interdit aux moins de 18 ans.
Elle aime la littérature, mais son truc, c'est vraiment les films. L'école de cinéma de Paris lui a fermé ses portes, mais elle espère que ses bouquins vont lui permettre de passer à la caméra, comme Alain Robbe-Grillet. En 1971, elle est pour la première fois devant l'objectif avec sa soeur (Marie-Hélène). Derrière, c'est Bernardo Bertolucci. Scandale et sexe encore, elle a un petit rôle dans Le Dernier Tango à Paris. Une scène mimée de sodomie va trop loin. On parle de pornographie.
Elle réalise son premier film en 1976, Une vraie jeune fille. Echec. Cette année, la "loi X" est promulguée. Elle écrit des scénarios pour Maurice Pialat et Federico Fellini, réalise des films (Romance, Anatomie de l'enfer, adapte Barbey d'Aurevilly). Catherine Breillat a le goût de la provoc, du brulot, du débat.
Bien que souvent honnie, elle enchaîne les films au début des années 2000. Mais il y a un accident. En 2005, elle fait une hémoragie cérébrale. Elle est touchée depuis par une hémiplégie et sous la menace de crises d'épilepsie à tout moment. Elle ne se sépare plus d'une seringue.
Eux, d'anciens amis au tribunal
En 2006, la cinéaste voit Christophe Rocancourt. Elle le veut. "Je l'ai vu à la télévision (chez Ardisson) et j'ai voulu l'engager comme acteur pour adapter mon roman Bad Love. En avril 2007, je lui ai fait un chèque de 25 000 euros en échange de l'écriture du scénario, ce qu'il n'a jamais fait", dit-elle au Parisien (article payant).
Elle raconte qu'il la sort de la solitude, sans être amants : "A l'époque, je n'avais pas 150 m d'autonomie. il m'invitait au restaurant... Il me coupait ma viande, tout comme il me tenait le chéquier lorsque je rédigeais les chèques". Elle en signe douze à celui qu'elle surnomme "Le Rauque" (pour ses faux airs de mafioso). L'un d'entre eux (135 000 euros) aurait été signé alors qu'elle sortait d'une crise d'épilepsie. Dans les vapes, elle n'en a pas souvenir, dit-elle. "J'ai fini interdite bancaire. il m'a dépossédée de mes fonds, mais aussi de moi-même. C'est une forme d'assassinat", lance-t-elle.
Dans son entretien au Parisien, elle ne s'épand pas sur son passage chez lui et Sonia Rolland (Miss France 2000 avec qui il a un enfant) en Normandie. Selon Libération, qui a consacré des portraits aux deux protagonistes (ici et là), "on s'appelle 'Cat', 'So', 'Chris'" et les deux amis "font 'dortoir' chez Breillat, juste séparés par une armoire".
Aujourd'hui, elle dit vouloir "la vérité sur ce personnage, encensé par les médias" et ajoute qu'elle en mourra s'il n'est pas condamné. "La relaxe sera bien évidemment plaidée", a promis mercredi un des avocats de Christophe Rocancourt. Pour lui, il s'agit d'"un dossier totalement vide qui s'assimile davantage à une promotion des films de Catherine Breillat sur Rocancourt qu'à une procédure judiciaire."
Christophe Rocancourt a déjà passé douze ans derrière les barreaux. Catherine Breillat avait été séduite par "sa non repentance". Il affirme aimer Nietzsche et la philo. Le penseur allemand écrit : "Le remords est, comme la morsure d'un chien sur une pierre, une bêtise". "C'est avec moi-même que je dois vivre", disait l'arnaqueur à Libération.
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