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Liban : la périlleuse partie d'échecs du Hezbollah

Le parti chiite libanais, accusé d'être impliqué dans l'attentat qui a tué un haut responsable de la sécurité, doit louvoyer entre son soutien au régime syrien et le risque d'affrontements confessionnels.

Article rédigé par Gaël Cogné
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un membre du Hezbollah sur le toit d'un bâtiment, dans un quartier chiite de Beyrouth (Liban), le 22 octobre 2012. ( AFP)

PROCHE-ORIENT – Echanges de tirs dans les rues de Beyrouth et barrages tenus par des hommes cagoulés. Lundi 23 octobre, après l'assassinat dans un attentat, vendredi, du haut responsable de la sécurité, Wissam Al-Hassan, le souvenir de la guerre civile et de ses affrontements confessionnels semble soudain refaire surface.

D'un côté, des manifestants, notamment de confession sunnite, qui ont violemment protesté dimanche lors de l'enterrement d'Al-Hassan. Ils accusent la Syrie d'avoir commandité l'attentat. De l'autre, le Hezbollah, grand allié de Damas, est embarrassé et peine à se justifier. Décryptage du rôle joué par ce parti chiite libanais.

Qu'est-ce que le Hezbollah ?

Le Hezbollah, "parti de Dieu", a été fondé durant la guerre civile libanaise, en 1982, en fédérant plusieurs mouvements islamistes de la communauté chiite du pays. Auparavant, cette communauté, qui représente un tiers de la population, comptait peu dans la vie politique, dominée par les musulmans sunnites et les chrétiens. Le Hezbollah s'est rendu célèbre par ses attentats et ses prises d'otages d'Occidentaux dans les années 1980, ce qui lui vaut d'être toujours classé parmi les organisations terroristes par plusieurs pays, dont les Etats-Unis. Aujourd'hui, le Hezbollah dispose d'une puissante branche armée.

Reconnu comme un parti officiel au Liban, il est prédominant dans le gouvernement, bien que le Premier ministre soit sunnite, comme l'exige la constitution de cette République confessionnelle. Alors que l'opposition, menée notamment par le sunnite Saad Hariri, est hostile à la Syrie, le Hezbollah est, lui, soutenu et financé par Téhéran et Damas. A l'image de la communauté chiite, c'est un fervent allié du régime de Bachar Al-Assad. Régime accusé d'avoir éliminé un haut-gradé gênant, Wissam Al-Hassan.

Pourquoi la Syrie fait-elle figure de premier suspect ?

La Syrie a condamné un attentat "lâche" et "terroriste". Malgré cette prise de positions, les premiers soupçons ont convergé vers Damas. Ainsi, le leader de la communauté druze au Liban, Walid Joumblatt, a accusé sans ambages, dans un entretien à France 24, "Assad, ses sbires et son régime meurtrier d'avoir tué Wissam Al-Hassan".

C'est que la victime était une bête noire de Damas. Il avait ordonné, en août, l'arrestation de l'ex-ministre de l'Information, réputé proche du régime syrien, Michel Samaha. Samaha est accusé d'avoir transporté des explosifs pour commettre des attentats ciblant des personnalités politiques et religieuses au Liban pour le compte des Syriens. Et ce, dans le but d'exporter une guerre confessionnelle au Liban.

"On ne voit d'ailleurs pas d'autre puissance ayant la capacité de frapper en plein cœur de Beyrouth un des plus hauts responsables de l'appareil sécuritaire libanais, et l'un des mieux protégés", écrit le journaliste spécialiste du Proche-Orient Jean-Pierre Perrin, dans Libération. En clair, pour atteindre Al-Hassan, il fallait être bien renseigné et disposer de très importantes quantités d'explosifs (des dizaines de kilos de plastic C-4). Des atouts dont seule la Syrie disposerait.

Le Hezbollah a-t-il agi comme bras armé de la Syrie ?

Le régime de Bachar Al-Assad accusé, les regards se sont ensuite tournés vers son allié, le Hezbollah. Le Middle East Transparent, traduit par le site mediarabe.info, affirme que "plusieurs voitures piégées étaient dissimulées sur tous les itinéraires possibles d’Al-Hassan, et que ce dernier aurait été surveillé depuis sa sortie de l’aéroport de Beyrouth par un ou plusieurs drones". Or, le Hezbollah, qui accuse volontiers le Mossad (les services secrets israéliens) et la CIA (les services secrets américains), s'est récemment vanté d'avoir fait voler un drone au-dessus d'Israël.

De là à dire que le Hezbollah est impliqué, il n'y a qu'un pas. D'autant qu'un soutien masqué au régime syrien ne serait pas une surprise. Le 17 octobre, l'AFP relatait des accrochages quasi-quotidiens dans des villages syriens frontaliers du Liban opposant des combattants proches du Hezbollah à des rebelles anti-Assad. Un responsable de l'Armée syrienne libre (ASL, rebelles) soutenait que "le Hezbollah transporte des armes et des munitions à travers la frontière dans des ambulances qui traversent jour et nuit en empruntant l'autoroute internationale, sans s'arrêter au poste-frontière".

Du bout des lèvres, Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, avait reconnu que des membres de son parti combattaient les rebelles syriens dans la région de Homs. "Le parti n'a rien à voir avec leur décision, mais je ne peux leur dire de ne pas aller combattre", avait-il toutefois souligné. Une attitude symptomatique de la difficile position du Hezbollah. Il ne peut intervenir dans le conflit syrien sous peine de susciter l'ire des sunnites du Liban. Mais si le régime d'Al-Assad chute avec le soutien des pétromonarchies sunnites et des Occidentaux, il peut faire une croix sur ses livraisons d'armes.

Un coupable un peu trop évident

"Reste qu'en l'état, (...) aucune preuve établie ne permet de désigner le Hezbollah comme ayant été le bras armé de la mise à mort du général, et l'organisateur d'un attentat qui met publiquement l'organisation en difficulté", relativise une source liée à l'enquête, citée par le journaliste Frédéric Helbert sur son blog.

"Par-delà le fait qu'il n'y a pas de preuves, le positionnement délicat et ambigu du mouvement de Nasrallah, qui a la main sur le gouvernement mais danse sur un volcan, laisserait plutôt à penser que le régime syrien a agi de son propre chef", poursuit le journaliste. Selon lui, "le Hezbollah sait la situation suffisamment instable et inflammable comme cela, et ne veut pas, absolument pas, d'un embrasement généralisé inter-confessionnel. Où tout deviendrait incontrôlable."

Enfin, si les partisans de l'opposition sont prompts à accuser le Hezbollah, c'est qu'ils cherchent à reprendre le contrôle du gouvernement. Saad Hariri n'a d'ailleurs pas caché sa détermination à renverser son rival, Najib Mikati, l'actuel Premier ministre, "de manière pacifique et démocratique". Il a toutefois soigneusement évité de s'en prendre frontalement au Hezbollah, de crainte de déclencher des affrontements entre sunnites et chiites.

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