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Tribune L’épargne doit financer la transition écologique et sociale et non les énergies fossiles

Dans une tribune portée par Attac et 350.org., publiée mardi sur franceinfo, 25 économistes apportent leur soutien à une proposition de loi en faveur de la transparence dans l’utilisation de l’épargne populaire en matière énergétique. 

Article rédigé par franceinfo
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Le projet de loi "Transparence sur l’utilisation de l’épargne populaire en matière énergétique" vise notamment à ce que les sommes déposées par les épargnants sur les livrets dont les dépôts sont centralisés dans le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations ne puissent pas être utilisées pour le financement d’activités d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures et de charbon. (ALEXIS SCIARD  / MAXPPP)

Un projet de loi en faveur de la transparence dans l’utilisation de l’épargne populaire en matière énergétique va être présenté en commission des finances de l'Assemblé nationale mercredi 20 février. L'objet principal de ce texte vise à contraindre les banques à plus de transparence en matière d'utilisation de l'épargne populaire des Français, afin notamment de flécher l'épargne du LDDS (livret développement durable et solidaire) à destination exclusive de projets réellement durables et solidaires. Dans une tribune portée par Attac et 350.org., publiée mardi 19 février sur franceinfo, 25 économistes apportent leur soutien à cette proposition de loi et appellent "à la fin de tout investissement dans les projets de production et d’infrastructures de combustibles fossiles, et à une hausse significative du financement des énergies renouvelables."


Une proposition de loi "Transparence sur l’utilisation de l’épargne populaire en matière énergétique" sera soumise au vote de l’Assemblée nationale le 7 mars 2019. Soutenue par de nombreux acteurs de la société civile, cette proposition de loi dispose notamment que les sommes versées par les épargnants sur les livrets dont les dépôts sont centralisés dans le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations ne puissent être utilisés pour le financement d’activités d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures et de charbon. Ce qui paraît accompagner une dynamique nécessaire alors que les émissions de CO2 issues de la combustion des énergies fossiles sont reparties à la hausse dans le monde, y compris en France.

Des ONG ont démontré que, depuis la COP21, sur 10 euros de financement accordés par les banques aux énergies, 7 euros vont aux énergies fossiles, contre 2 seulement aux renouvelables, tandis que les banques françaises ont augmenté de 52% leurs soutiens aux entreprises qui prévoient la construction de nouvelles centrales à charbon.

Pour réussir à réduire drastiquement l’intensité carbone de nos systèmes économiques, la question du financement est essentielle et impose de cesser de financer les combustibles fossiles. L’article 2 de l’Accord de Paris y fait explicitement référence.

Poursuivre les investissements dans les combustibles fossiles pose également un risque financier de nature systémique. En 2017, l’Agence Internationale de l’Énergie a estimé que la mise en œuvre des nouvelles politiques climatiques et l’orientation massive vers les énergies renouvelables à l’oeuvre conduiront à la surévaluation de 1 000 milliards de dollars d’actifs pétroliers et de 300 milliards de dollars d’actifs gaziers dans le monde. Les investisseurs publics et privés ont donc la responsabilité urgente et l’obligation morale de mettre fin à l’exploitation des combustibles fossiles. Ces "actifs bloqués", parmi d’autres risques financiers liés au dérèglement climatique, sont l’une des raisons qui ont déjà poussé plus de 1 000 investisseurs clairvoyants à se débarrasser de leurs actifs charbonniers, pétroliers et gaziers.

Renforcer la transparence 

La campagne citoyenne, initiée par 350.org et Attac sur ce sujet, démontre également l’absence de transparence sur l’utilisation de ces fonds, notamment celui du Livret de développement durable et solidaire (LDDS). Les ONG dénoncent une publicité mensongère de la part des banques sur le terme "durable et solidaire" car seule une faible partie des dépôts du LDDS est réellement affectée au financement de la transition écologique et solidaire, tandis que des investissements fossiles ont été identifiés. Le ministre Bruno Le Maire a lui-même reconnu publiquement qu’il y a "tromperie" à ce sujet et a appelé à deux reprises à y mettre un terme.

La mise en œuvre impérative de la transition énergétique nécessite de renforcer la transparence, dans le prolongement des mesures, qui apparaissent insuffisantes, prises notamment dans la cadre de la loi sur la transition de 2015, et du Plan d’action de la Commission européenne sur la finance verte de 2018.

La proposition de loi stipule ainsi que les banques soumettent au ministre de l’Economie et des Finances, ainsi qu’au Parlement, un reporting trimestriel et détaillé de leurs concours financiers accordés aux énergies renouvelables à partir des ressources collectées sur le Livret A et le LDDS. Elle propose aussi un reporting public des banques, pays par pays, de l’ensemble des financements d’entreprises se livrant à des activités d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures et de charbon. De même, la proposition de loi prévoit une obligation de transparence des investisseurs institutionnels destinée à vérifier que leurs opérations soient conformes aux critères de respect des objectifs sociaux et environnementaux.

Nous, signataires de cette tribune, appelons à la fin de tout investissement dans les projets de production et d’infrastructures de combustibles fossiles, et à une hausse significative du financement des énergies renouvelables. Dans cette perspective, nous apportons notre soutien au projet de loi "Transparence sur l’utilisation de l’épargne populaire en matière énergétique".

* Liste des premiers signataires :

Philippe QUIRION, économiste, directeur de recherche au CNRS - Dominique PLIHON, professeur émérite à l’université Paris XIII, directeur du pôle économie financière au Centre d'économie de l'université de Paris Nord (CEPN) - Katrin MILLOCK, professeur associé à l’Ecole d’Economie de Paris, chargée de recherche CNRS - Denis DUPRE, enseignant-chercheur en éthique, finance et écologie, Université de Grenoble-Alpes - Charlotte GUNENARD, économiste, directrice de l’Institut d’études du développement de la Sorbonne de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Eve FOUILLEUX, directrice de recherches au CNRS - Jacques GÉNÉREUX, maître de conférences, Sciences Po - Nicolas BOULEAU, ancien directeur de recherches et professeur à l'Ecole des Ponts ParisTech, chercheur associé au CIRED, président du conseil scientifique de la Chaire Energie et prospérité - Aurore LALUCQ, économiste, co-directrice de l'Institut Veblen - Thomas Coutrot, membre d'Attac, cofondateur des Economistes atterrés - Pascal PETIT, directeur de recherche au CNRS - Léo CHARLES, maître de conférence, Université Rennes 2 - Geneviève AZAM, maître de conférences en économie et chercheuse à l'université Toulouse-Jean-Jaurès - Laura MICHEL, maître de conférences, Université de Montpellier - UMR CEPEL - Faridah DJELLAL, professeur des Universités Classe exceptionnelle, CLERSE, Université de Lille - Aurélie TROUVÉ, économiste, maître de conférence, AgroParisTech - Alain KARSENTY, économiste, directeur de recherche au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement - Véronique GILLE, économiste, chargée de recherche IRD à DIAL, LeDA, Université Paris-Dauphine - Claude HENRY, économiste, professeur de développement durable à Sciences Po Paris et à l'Université Columbia - Jean-Pierre PONSSARD, directeur de recherche émérite au CNRS - Maxime COMBES, économiste - Michel HUSSON, économiste à l'Institut de recherches économiques et sociales - Jean GADREY, professeur honoraire d'économie, Université de Lille - Cédric DURAND, économiste, Université Paris 13 - Dominique MÉDA, directrice de l'IRISSO, Dauphine.

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