"Les gens n'y croyaient pas" : la catastrophe à Mayotte aurait pu être moins meurtrière, selon un géographe mahorais qui avait alerté sur la violence du cyclone
Il y a trois semaines, le cyclone Chido dévastait Mayotte. Les séquelles sont encore lourdes : plus d'un tiers de la population n'est toujours pas alimenté en électricité le 2 janvier, selon le ministère de l'Intérieur, et les distributions de vivres et d'eau demeurent nécessaires. L'impact de cette catastrophe aurait toutefois pu être limité, selon Saïd Saïd Hachim. Le géographe assure avoir tout fait pour alerter les autorités et les habitants avant l'arrivée du cyclone.
Entre regrets et frustration
La veille de la catastrophe, Saïd Saïd Hachim prend sa voiture et se rend à Sada et Chiconi pour livrer des conseils aux élus de ces deux communes. À 17h30, il rejoint Mamoudzou et met sa famille à l'abri, puis file à la télévision, sur Mayotte la 1ère pour une heure d'antenne. Le géographe se heurte alors la nonchalance et l'insouciance des gens. "Chaque fois que je disais : 'Attention, barricadez-vous, prenez des précautions parce que ce cyclone-là va être très, très fort', les gens n'y croyaient pas", se désole-t-il encore.
"On a l'impression qu'on a tous participé à ça, parce que peut être qu'on ne l'a pas dit assez fort, pas suffisamment."
Saïd Saïd Hachim, géographeFrance Culture
C'est également en tant que père de famille que Saïd Saïd Hachim est affligé. "Mon fils Younès a un copain qu'il cherche depuis quinze jours. Il habitait juste un bidonville. Quinze jours, vous imaginez ça ? Je n'ai pas envie qu'il s'imagine qu'il n'est plus là", s'inquiète-t-il. Alors il emprunte à l'acteur Roberto Benigni sa stratégie pour épargner son fils, et s'imagine en héros du film La vie est belle. "On est obligé de mentir. Je joue la comédie pour le protéger. On leur raconte plein d'histoires, plein d'espoir."
"Cette injustice institutionnalisée, Chido l'a révélée"
Pour Saïd Saïd Hachim, la situation en dit long sur le traitement de Mayotte par les autorités françaises. "Les hommes sont blessés, sont détruits. Ce n'est pas la reconstruction matérielle qui est importante, c'est la reconstruction des âmes", estime-t-il. Or, pour lui, cette restauration ne saurait se faire sans une prise de conscience collective.
"Chido a révélé le mensonge d'État. L'hypocrisie, lâche le géographe. Comment vous pouvez expliquer que des gens s'entassent dans des quartiers où ils n'ont pas d'identité ? Comment on peut tolérer une telle indignité ? Cette injustice institutionnalisée, Chido l'a révélée". Tout comme le cyclone a révélé les bangas, ces logements de fortune des campagnes, invisibilisées par la végétation avant les rafales du 14 décembre.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.